Mise à jour : 01 décembre 2022
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Parce que les recommandations nutritionnelles nous invitent à la consommation de fruits, le sujet des interactions entre le pamplemousse et certains médicaments est devenu populaire dans les échanges entre patients ayant lieu sur les réseaux sociaux.
Pourquoi quelques agrumes, dont le pamplemousse, ne font-ils pas bon ménage avec certains médicaments ? Quels sont les dangers, quels sont les patients les plus à risque ?

Ce pamplemousse… qui n’en est pas un !

Le saviez-vous ? Ce que nous appelons « pamplemousse » (rose ou jaune)… n’en est pas un : Citrus x paradisi est officiellement un pomelo (un hybride de pamplemousse et d’orange douce). L’authentique pamplemousse (Citrus maxima) est beaucoup plus gros et toujours jaune. Cultivé aux Antilles ou en Polynésie, on le trouve parfois sur les étals, emballé dans du plastique ou dans un filet rouge, sous le nom de… « pomelo de Chine » !
Environ 40 % des Français consomment du pamplemousse, dont 30 % chaque semaine et 79 % au moins une fois par mois. La question des interactions entre ce fruit et certains médicaments n’est donc pas anecdotique, d’autant plus que ces interactions concernent de nombreux médicaments.

Derrière le pamplemousse, une poignée d’autres agrumes problématiques

Les interactions toxiques entre le pamplemousse et certains médicaments sont dues à des substances, les furanocoumarines, présentes surtout dans la partie blanche située sous l’écorce (appelée « albédo » ou « ziste »).
Le pamplemousse n’est pas le seul agrume à contenir des furanocoumarines dans son albédo. C’est également le cas pour les oranges amères (Citrus aurantium, bigaradier, orange de Séville), les bergamotes (Citrus bergamia), les citrons verts (Citrus latifolia et Citrus aurantiifolia) et les tangelos (hybrides entre Citrus x paradisi et le mandarinier, Citrus reticulata).
Parce les jus industriels sont obtenus par pression totale du pamplemousse (y compris l’écorce et l’albédo), ce type de jus est plus riche en furanocoumarines que les jus pressés chez soi, dans le respect de l’albédo. De plus, les furanocoumarines résistent à la cuisson et les marmelades contenant les agrumes cités précédemment en contiennent des quantités significatives.
Ainsi, les interactions entre pamplemousse et médicaments sont possibles avec le jus, avec le fruit frais, mais aussi avec des préparations en contenant, comme les confitures.

Comment les furanocoumarines augmentent-elles les taux sanguins de certains médicaments jusqu’au surdosage toxique ?

En neutralisant de manière définitive une enzyme, le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4), qui joue un rôle essentiel dans la dégradation et l’élimination de certains médicaments dans le corps.
CYP3A4 se trouve en grande quantité dans les parois de l’intestin ainsi que dans le foie. Mais la quantité de CYP3A4 présente dans ces organes varie fortement selon les individus : il existe donc une forte sensibilité individuelle aux interactions entre le pamplemousse et les médicaments.
Plus un médicament est sensible à la dégradation par CYP3A4, moins bon est son passage dans le sang après une prise par la bouche. En effet, une grande partie de ce médicament est dégradée lors du passage à travers la paroi de l’intestin puis, via la circulation sanguine, à travers le foie.
Par exemple, pour la félodipine (FLODIL et génériques, LOGIMAX), un médicament contre l’hypertension artérielle et l’angine de poitrine très sensible au CYP3A4, seulement 15 % de la dose ingérée est habituellement retrouvé dans la circulation sanguine. Lorsque du pamplemousse est consommé, le CYP3A4 contenu dans l’intestin et le foie est durablement neutralisé et le passage dans le sang de la félodipine s’en trouve fortement augmenté : 200 à 250 ml de jus bus 4 heures avant la prise de félodipine multiplient par 4 ses taux sanguins. Après 3 verres de jus (1 le matin, 1 à midi et 1 le soir), ces taux sont multipliés par 5.
L’augmentation des taux sanguins des médicaments concernés, par amélioration de leur passage dans le sang, peut provoquer un surdosage qui se traduit par une augmentation de leurs effets indésirables habituels, voire l’apparition de toxicités parfois graves.

À partir de quelle quantité de pamplemousse observe-t-on des interactions ?

Définir une dose minimale est difficile car l’intensité des interactions entre le pamplemousse et les médicaments dépend de plusieurs facteurs :

  • la teneur en furanocoumarines du fruit ou du jus consommé ;
  • la sensibilité du médicament concerné aux effets de CYP3A4 ;
  • la quantité de CYP3A4 contenue dans l’intestin et le foie du patient (forte variabilité individuelle) ;
  • le type de consommation (occasionnelle ou répétée) : les toxicités graves rapportées concernent essentiellement des patients ayant consommé du pamplemousse de manière quotidienne, pendant plusieurs jours, semaines voire mois avant la prise du médicament concerné (effet cumulatif) ;
  • la différence entre la dose efficace et la dose toxique du médicament concerné (sa « marge thérapeutique »).

Ce qu’il faut savoir, c’est que les effets du pamplemousse s’observent même s’il est consommé à distance de la prise du médicament : par exemple, un verre de jus de pamplemousse bu le matin exerce un effet sur un médicament pris uniquement le soir.

Quels sont les médicaments concernés par ces interactions ?

Parmi les médicaments qui peuvent devenir toxiques lors de consommation de pamplemousse, on peut citer :

  • certains médicaments fréquemment prescrits contre l’excès de cholestérol : atorvastatine, lovastatine et simvastatine ;
  • les médicaments immunosuppresseurs prescrits après une greffe d’organe : ciclosporine, tacrolimus, sirolimus, everolimus et temsirolimus ;
  • certains médicaments pour le cœur : amiodarone, dronédarone, félodipine, nifédipine, lercanidipine, ticagrélor, ivabradine ;
  • un médicament contre le paludisme : halofantrine (qui n’est plus commercialisé en France) ;
  • un médicament contre l’infection à VIH/sida : maraviroc ;
  • un anxiolytique : buspirone ;
  • un antipsychotique : quétiapine ;
  • des médicaments anticoagulants : apixaban, clopidogrel ;
  • un médicament contre les nausées et vomissements : dompéridone ;
  • un anti-inflammatoire : budésonide ;
  • un antidépresseur : sertraline ;
  • certains médicaments anticancéreux : régorafénib et olaparib ;
  • certains médicaments des troubles de l’érection : avanafil et vardénafil ;
  • un anti-épileptique parfois utilisé contre les névralgies faciales ou les troubles bipolaires : carbamazépine ;
  • un médicament contre la constipation induite par les antalgiques de la famille des opiacés : naloxegol.

Quelles sont les toxicités observées lors d’interactions avec le pamplemousse ?

Les toxicités observées lors d’interactions avec le jus de pamplemousse varient selon la substance. Parmi les effets toxiques les plus graves, on peut citer :

  • des troubles du rythme cardiaque (torsades de pointe, blocs auriculoventriculaires) ;
  • des troubles musculaires (avec la simvastatine, l’atorvastatine, la lovastatine, des compléments alimentaires de levure rouge de riz, mais pas la fluvastatine, la pravastatine ni la rosuvastatine) ;
  • une toxicité pour les reins (tacrolimus, dont un cas après consommation de marmelade de pamplemousse) ;
  • une toxicité pour la moelle osseuse (colchicine).

Comme indiqué précédemment, ces cas de toxicité grave ont été plutôt observés chez des personnes qui avaient consommé régulièrement du pamplemousse dans les jours ou semaines précédant la prise du médicament.

Quels sont les patients le plus à risque de souffrir de ces interactions ?

Il existe une grande variabilité individuelle de la sensibilité aux interactions avec le jus de pamplemousse. Par exemple, dans les études avec la félodipine, le taux d’augmentation du passage dans le sang après administration de 250 ml de jus de pamplemousse (4 fois en moyenne) variait de 0 à 8 fois selon les patients !

De plus, les personnes âgées de 70 ans et plus semblent davantage exposées aux toxicités liées aux interactions avec le pamplemousse. Outre le fait qu’elles semblent être plus amatrices de ces fruits et qu’elles prennent davantage de médicaments potentiellement concernés, elles disposent de capacités de compensation moins efficaces : par exemple, lors de surdosage en félodipine, elles présentent une accélération du rythme cardiaque qui est plus rarement observée chez les personnes plus jeunes.

Comment savoir si le pamplemousse est contre-indiqué avec les médicaments que l’on prend ?

Le premier réflexe à avoir est de consulter la notice d’information fournie dans la boîte du médicament. S’il existe un risque d’interaction grave entre les deux, il est habituellement signalé sur ce document. Parfois, lorsque ce risque est modeste et sans conséquence en pratique, il n’est pas indiqué sur la notice (mais peut être signalé dans d’autres documents destinés aux professionnels). Si vous avez égaré la notice, vous pouvez la retrouver sur la base de données publique des médicaments (https://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/). Il est également possible de consulter la fiche VIDAL du médicament destinée au grand public.

Enfin, en cas de doute, demandez l’avis de votre pharmacien ou de votre médecin traitant.

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