La nouvelle réglementation concernant les avantages consentis aux professionnels de santé (dispositif « anti-cadeaux ») est entrée en vigueur le 1er octobre 2020. Tout en gardant les fondamentaux de la loi de 1993, ce nouveau dispositif apporte des modifications substantielles aux dispositions applicables.
« Avantages » : de quoi parle-t-on ?Ce terme recouvre des réalités très variables. La notion d'avantage s'applique aussi bien à des « cadeaux » qu'à la rémunération de travaux de recherche ou d'expertise, à des dons destinés à financer des travaux de recherche, à l'hospitalité offerte à l'occasion de manifestations professionnelles... en résumé, toute forme d'échange en espèces ou en nature entre les professionnels et les entreprises visées par la loi.Ces avantages peuvent être directs ou indirects (par exemple par le truchement d'une association ou d'une société) dès lors que le professionnel en est le bénéficiaire final.
Quels sont les bénéficiaires potentiels concernés ?A l'origine, seuls les médecins étaient concernés par le dispositif « anti-cadeaux ». Celui-ci a été étendu progressivement à l'ensemble des professionnels de santé (pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues...).L'interdiction de recevoir des avantages s'applique désormais également aux étudiants qui se destinent à l'une de ces professions, aux associations de professionnels de santé (dont les associations de formation professionnelle, les sociétés savantes et les conseils nationaux professionnels) ainsi qu'aux agents publics (fonctionnaires et agents des établissements publics) qui concourent à l'élaboration des politiques publiques de santé ou de sécurité sociale.
Une interdiction de principe et des dérogationsLe principe général est celui de l'interdiction des avantages accordés aux professionnels de santé (au sens large défini ci-dessus) par toute personne (physique ou morale) :
− ou assurant des prestations de santé faisant l'objet d'une prise en charge par l'Assurance maladie (ex. distributeurs de matériels à domicile, mais aussi établissements de santé publics ou privés...). En effet, ne sont pas considérés comme des avantages interdits les dons en espèces ou en nature lorsqu'ils sont d'une valeur négligeable et qu'ils ont trait à l'exercice de la profession du bénéficiaire, dans la limite de montants fixés par arrêté (tableau 1). Les avantages non listés par cet arrêté et sans lien avec l'exercice de la profession du bénéficiaire (bouteille de vin, chocolats, articles de décoration, etc.) sont interdits, quel que soit leur montant.
Des dérogations à l'interdiction sont prévues dans certaines conditions.
La nature des opérations concernées par les dérogationsElles peuvent concerner :
− Les dons et libéralités, destinés à financer exclusivement des activités de recherche, de valorisation de la recherche ou d'évaluation scientifique ; ou destinés aux associations de professionnels de santé ou d'étudiants, à l'exception des associations dont l'objet est sans rapport avec l'activité professionnelle de leurs membres. − Le financement ou la participation au financement d'actions de formation professionnelle ou de développement professionnel continu. − L'hospitalité offerte (prise en charge de repas, nuitées, frais d'inscription...), lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel ou scientifique, ou lors de manifestations de promotion des produits ou prestations. Cette hospitalité peut être prise en charge, sous réserve qu'elle soit d'un niveau raisonnable (notion qui reste à préciser), qu'elle soit strictement limitée à l'objectif principal de la manifestation (pas d'activités de loisir prise en charge), et qu'elle ne soit pas étendue à des personnes autres que les professionnels de santé directement concernés (pas de prise en charge des accompagnants).
Les procédures à respecterL'octroi d'un avantage est conditionné à la signature d'une convention entre l'entreprise et le bénéficiaire. Cette convention doit préciser, entre autres, l'identité des parties, l'objet précis de la convention, et la nature des avantages octroyés.En fonction du montant de l'avantage, cette convention doit faire l'objet d'une déclaration auprès de l'ordre professionnel concerné ou de l'ARS lorsqu'il n'y a pas d'ordre compétent, ou d'une autorisation par les mêmes instances. A noter que le dépôt de cette déclaration ou demande d'autorisation est à la charge de la personne qui procure l'avantage, c'est-à-dire l'industriel pour les produits de santé. Les seuils au-delà desquels une autorisation est requise sont fixés par arrêté. Ces seuils sont applicables pour toute la période couverte par la convention. Il faut bien souligner que ces seuils ne sont pas des montants maximum autorisés par nature d'avantage, mais le montant à partir duquel l'opération doit être soumise à autorisation. En cas de refus d'autorisation par l'Ordre ou l'ARS, l'opération envisagée ne peut être réalisée. Contrairement aux dispositions antérieures, il n'est plus possible de passer outre un avis négatif de l'autorité compétente.
Les conséquences de ces dispositions pour les professionnels de santéCes dispositions rendent plus contraignant le cadre des relations financières entre les entreprises et les professionnels de santé. Ceci résulte de l'extension du nombre de professions de santé concernés et l'inclusion des associations de professionnels de santé dans le champ d'application, de l'élargissement des « fournisseurs d'avantage » concernés, et de la mise en place de barèmes relatifs aux montants soumis à autorisation.Ces nouvelles procédures entraîneront nécessairement des délais supplémentaires que les entreprises et les professionnels de santé devront anticiper. En termes de procédure, l'impact essentiel pour les professionnels de santé qui travaillent dans le secteur public, hospitalo-universitaire en particulier, est l'obligation de fournir une autorisation de cumul d'activité établie par leur établissement. Cette obligation n'est pas nouvelle, mais elle est désormais incontournable : l'autorisation de cumul d'activité doit obligatoirement figurer dans le dossier transmis aux Ordres ou aux ARS, qui rejetteront la demande en cas d'absence. Lorsque l'avantage octroyé ne remplit pas les critères légaux et réglementaires, notamment en cas de non-respect d'une interdiction, l'avantage est illégal et constitue une infraction pénale tant pour celui qui reçoit l'avantage que pour celui qui le procure. Ainsi, celui qui reçoit l'avantage peut encourir jusqu'à 1 an de prison, 75 000 euros d'amende et des peines complémentaires comme l'interdiction d'exercice.
Des avantages rendus publicsComme cela existait antérieurement, les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé ou assurant des prestations associées doivent rendre publics les avantages accordés aux professionnels de santé, ainsi que l'existence des conventions conclues avec ces acteurs et les rémunérations versées.La base de données publique « Transparence - Santé » précise notamment, par type d'avantage (convention, avantage en nature ou en espèces, rémunérations), l'identité des parties concernées, ou le bénéficiaire final, l'objet de la convention ou de l'avantage en nature ou en espèces, le montant du versement dès lors qu'il est supérieur à 10 euros. Les informations contenues dans la base de données publique Transparence - Santé sont issues de déclarations faites par les entreprises.
ConclusionLa mise en œuvre du nouveau dispositif à compter du 1er octobre 2020 laisse subsister des incertitudes sur les modalités d'application, en particulier l'interprétation qu'en feront les différents ordres professionnels et les ARS. Une jurisprudence dans la définition de ce qui est autorisé ou non doit s'établir et ne sera pas nécessairement la même pour toutes les professions.
RéférencesArticles L.1453-3 et s. du code de la Santé publique (interdiction des avantages).Articles R.1453-13 et s. du code de la Santé publique. Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants en deçà desquels les avantages en nature ou en espèces sont considérés comme d'une valeur négligeable en application du 4° de l'article L.1453-6 du code de la Santé publique (JO du 14 août 2020). Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants à partir desquels une convention prévue à l'article L.1453-8 du code de la Santé publique et stipulant l'octroi d'avantages est soumise à autorisation (JO du 14 août 2020). Arrêté du 24 septembre 2020 portant sur la typologie thématique des avantages et des conventions en application de l'article R.1453-14 du code de la Santé publique (JO du 30 septembre 2020). Arrêté du 24 septembre 2020 portant création d'une télé-procédure visant à faciliter la transmission des conventions stipulant l'octroi des avantages, dénommé « Éthique des Professionnels de Santé » (EPS) (JO du 2 octobre 2020). Article L.1453-1 du code de la Santé publique, articles D.1453-1 à R.1453-9 du code de la Santé publique, arrêté du 22 mars 2017 relatif aux conditions de fonctionnement du site internet public unique mentionné à l'article R.1453-4 du code de la Santé publique (transparence des liens). NOTE D'INFORMATION N° DGOS/RH2/2020/157 du 11 septembre 2020 relative à l'application de l'article L.1453-3 du code de la Santé publique aux fins de mise en œuvre du dispositif « encadrement des avantages » (Bulletin Officiel de la Concurrence, de la Consommation, de la Répression des Fraudes n° 11 du 6 novembre 2020. Dispositions déontologiques professionnelles applicables aux entreprises du médicament adhérentes au Leem (décembre 2019). |