Mise à jour : novembre 2020

Sommaire

 

La nouvelle réglementation concernant les avantages consentis aux professionnels de santé (dispositif « anti-cadeaux ») est entrée en vigueur le 1er octobre 2020. Tout en gardant les fondamentaux de la loi de 1993, ce nouveau dispositif apporte des modifications substantielles aux dispositions applicables.

« Avantages » : de quoi parle-t-on ?

Ce terme recouvre des réalités très variables. La notion d'avantage s'applique aussi bien à des « cadeaux » qu'à la rémunération de travaux de recherche ou d'expertise, à des dons destinés à financer des travaux de recherche, à l'hospitalité offerte à l'occasion de manifestations professionnelles... en résumé, toute forme d'échange en espèces ou en nature entre les professionnels et les entreprises visées par la loi.
Ces avantages peuvent être directs ou indirects (par exemple par le truchement d'une association ou d'une société) dès lors que le professionnel en est le bénéficiaire final.

Quels sont les bénéficiaires potentiels concernés ?

A l'origine, seuls les médecins étaient concernés par le dispositif « anti-cadeaux ». Celui-ci a été étendu progressivement à l'ensemble des professionnels de santé (pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues...).
L'interdiction de recevoir des avantages s'applique désormais également aux étudiants qui se destinent à l'une de ces professions, aux associations de professionnels de santé (dont les associations de formation professionnelle, les sociétés savantes et les conseils nationaux professionnels) ainsi qu'aux agents publics (fonctionnaires et agents des établissements publics) qui concourent à l'élaboration des politiques publiques de santé ou de sécurité sociale.

Une interdiction de principe et des dérogations

Le principe général est celui de l'interdiction des avantages accordés aux professionnels de santé (au sens large défini ci-dessus) par toute personne (physique ou morale) :
    − produisant ou commercialisant des produits de santé, remboursables ou non (médicaments et dispositifs médicaux notamment), ou d'autres produits pris en charge par l'Assurance maladie (ex. produits de nutrition clinique) ;
    − ou assurant des prestations de santé faisant l'objet d'une prise en charge par l'Assurance maladie (ex. distributeurs de matériels à domicile, mais aussi établissements de santé publics ou privés...).
Ces dispositions n'interdisent pas pour autant toute forme de relations financières entre les professionnels de santé et les entreprises.
En effet, ne sont pas considérés comme des avantages interdits les dons en espèces ou en nature lorsqu'ils sont d'une valeur négligeable et qu'ils ont trait à l'exercice de la profession du bénéficiaire, dans la limite de montants fixés par arrêté (tableau 1).
Les avantages non listés par cet arrêté et sans lien avec l'exercice de la profession du bénéficiaire (bouteille de vin, chocolats, articles de décoration, etc.) sont interdits, quel que soit leur montant.

Tableau 1 - Avantages de valeur négligeable
Nature de l'avantageMontant TTC autorisé par bénéficiaireObservations
Repas et collation à caractère impromptu ayant trait à la profession du bénéficiaire30 euros
Maximum 2 par année civile
     
Livres, ouvrages, revues, y compris abonnements, ayant trait à la profession du bénéficiaire30 euros par item
Maximum 150 euros par année civile
     
Échantillons de produits de santé et exemplaires de démonstration20 euros
Maximum 3 par année civile
Dérogations pour :

- Échantillons de médicaments

- Échantillons et exemplaires de démonstration destinés à la formation du professionnel de santé

- Échantillons et exemplaires de démonstration destinés à l'éducation du patient
Fournitures de bureau20 euros par année civile      
Autres produits ou services ayant trait à la profession du bénéficiaire20 euros par année civile Dérogation :

Pas de limite de montant pour les produits dont la fourniture est demandée par une autorité publique
A noter que les dispositions déontologiques professionnelles (DDP) applicables aux entreprises du médicament retiennent une application plus stricte en ce qui concerne les livres, ouvrages, fournitures de bureaux et autres produits ou services. Elles excluent la remise de toute forme de cadeau à l'exception des matériels d'information ou d'éducation au bénéfice direct du soin du patient, et des objets d'utilité médicale. La remise d'échantillons de médicaments reste possible dans les conditions fixées par le code de la Santé publique.
Des dérogations à l'interdiction sont prévues dans certaines conditions.

La nature des opérations concernées par les dérogations

Elles peuvent concerner :
    − La rémunération d'activités liées à la recherche ou d'évaluation scientifique, de conseil, de prestation de services ou de promotion commerciale, à condition que la rémunération soit proportionnée au service rendu (notion non définie à ce jour, et qui fera l'objet d'appréciation par les Conseils de l'Ordre ou les ARS [agences régionales de santé], voir infra). Lorsqu'il s'agit d'une indemnisation ou d'un défraiement, le montant ne doit pas excéder les coûts effectivement supportés par le bénéficiaire.
    − Les dons et libéralités, destinés à financer exclusivement des activités de recherche, de valorisation de la recherche ou d'évaluation scientifique ; ou destinés aux associations de professionnels de santé ou d'étudiants, à l'exception des associations dont l'objet est sans rapport avec l'activité professionnelle de leurs membres.
    − Le financement ou la participation au financement d'actions de formation professionnelle ou de développement professionnel continu.
    − L'hospitalité offerte (prise en charge de repas, nuitées, frais d'inscription...), lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel ou scientifique, ou lors de manifestations de promotion des produits ou prestations. Cette hospitalité peut être prise en charge, sous réserve qu'elle soit d'un niveau raisonnable (notion qui reste à préciser), qu'elle soit strictement limitée à l'objectif principal de la manifestation (pas d'activités de loisir prise en charge), et qu'elle ne soit pas étendue à des personnes autres que les professionnels de santé directement concernés (pas de prise en charge des accompagnants).
La prise en charge de l'hospitalité au bénéfice des étudiants et de leurs associations est interdite.

Les procédures à respecter

L'octroi d'un avantage est conditionné à la signature d'une convention entre l'entreprise et le bénéficiaire. Cette convention doit préciser, entre autres, l'identité des parties, l'objet précis de la convention, et la nature des avantages octroyés.
En fonction du montant de l'avantage, cette convention doit faire l'objet d'une déclaration auprès de l'ordre professionnel concerné ou de l'ARS lorsqu'il n'y a pas d'ordre compétent, ou d'une autorisation par les mêmes instances. A noter que le dépôt de cette déclaration ou demande d'autorisation est à la charge de la personne qui procure l'avantage, c'est-à-dire l'industriel pour les produits de santé.
Les seuils au-delà desquels une autorisation est requise sont fixés par arrêté. Ces seuils sont applicables pour toute la période couverte par la convention.
Il faut bien souligner que ces seuils ne sont pas des montants maximum autorisés par nature d'avantage, mais le montant à partir duquel l'opération doit être soumise à autorisation.
En cas de refus d'autorisation par l'Ordre ou l'ARS, l'opération envisagée ne peut être réalisée. Contrairement aux dispositions antérieures, il n'est plus possible de passer outre un avis négatif de l'autorité compétente.

Tableau 2 - Seuils des avantages nécessitant une autorisation en fonction des destinataires
     Professionnels de santéÉtudiants en santéAssociations de professionnels ou d'étudiants en santé
Rémunération200 euros/h
Maximum 800 euros/demi-journée
Maximum 2000 euros/convention
80 euros/h
Maximum 320 euros/demi-journée
Maximum 800 euros/convention
200 euros/h
Maximum 800 euros/demi-journée
Maximum 2000 euros/convention
Dons5000 euros1000 euros- Recherche ou évaluation scientifique :
Cas général : 8000 euros

- Association reconnue d'utilité publique : 10 000 euros

- Autre finalité santé : 1000 euros
Hospitalité
(montants TTC)
150 euros/nuitée
50 euros/repas
15 euros/collation
Maximum 2000 euros/convention, y compris coût de transport
Frais d'inscription en sus : 1000 euros
Interdite     
Formation professionnelle1000 euros          

Les conséquences de ces dispositions pour les professionnels de santé

Ces dispositions rendent plus contraignant le cadre des relations financières entre les entreprises et les professionnels de santé. Ceci résulte de l'extension du nombre de professions de santé concernés et l'inclusion des associations de professionnels de santé dans le champ d'application, de l'élargissement des « fournisseurs d'avantage » concernés, et de la mise en place de barèmes relatifs aux montants soumis à autorisation.
Ces nouvelles procédures entraîneront nécessairement des délais supplémentaires que les entreprises et les professionnels de santé devront anticiper.
En termes de procédure, l'impact essentiel pour les professionnels de santé qui travaillent dans le secteur public, hospitalo-universitaire en particulier, est l'obligation de fournir une autorisation de cumul d'activité établie par leur établissement. Cette obligation n'est pas nouvelle, mais elle est désormais incontournable : l'autorisation de cumul d'activité doit obligatoirement figurer dans le dossier transmis aux Ordres ou aux ARS, qui rejetteront la demande en cas d'absence.
Lorsque l'avantage octroyé ne remplit pas les critères légaux et réglementaires, notamment en cas de non-respect d'une interdiction, l'avantage est illégal et constitue une infraction pénale tant pour celui qui reçoit l'avantage que pour celui qui le procure. Ainsi, celui qui reçoit l'avantage peut encourir jusqu'à 1 an de prison, 75 000 euros d'amende et des peines complémentaires comme l'interdiction d'exercice.

Des avantages rendus publics

Comme cela existait antérieurement, les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé ou assurant des prestations associées doivent rendre publics les avantages accordés aux professionnels de santé, ainsi que l'existence des conventions conclues avec ces acteurs et les rémunérations versées.
La base de données publique « Transparence - Santé  » précise notamment, par type d'avantage (convention, avantage en nature ou en espèces, rémunérations), l'identité des parties concernées, ou le bénéficiaire final, l'objet de la convention ou de l'avantage en nature ou en espèces, le montant du versement dès lors qu'il est supérieur à 10 euros.
Les informations contenues dans la base de données publique Transparence - Santé sont issues de déclarations faites par les entreprises.

Conclusion

La mise en œuvre du nouveau dispositif à compter du 1er octobre 2020 laisse subsister des incertitudes sur les modalités d'application, en particulier l'interprétation qu'en feront les différents ordres professionnels et les ARS. Une jurisprudence dans la définition de ce qui est autorisé ou non doit s'établir et ne sera pas nécessairement la même pour toutes les professions.

Références

Articles L.1453-3 et s. du code de la Santé publique (interdiction des avantages).
Articles R.1453-13 et s. du code de la Santé publique.
Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants en deçà desquels les avantages en nature ou en espèces sont considérés comme d'une valeur négligeable en application du 4° de l'article L.1453-6 du code de la Santé publique (JO du 14 août 2020).
Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants à partir desquels une convention prévue à l'article L.1453-8 du code de la Santé publique et stipulant l'octroi d'avantages est soumise à autorisation (JO du 14 août 2020).
Arrêté du 24 septembre 2020 portant sur la typologie thématique des avantages et des conventions en application de l'article R.1453-14 du code de la Santé publique (JO du 30 septembre 2020).
Arrêté du 24 septembre 2020 portant création d'une télé-procédure visant à faciliter la transmission des conventions stipulant l'octroi des avantages, dénommé « Éthique des Professionnels de Santé » (EPS) (JO du 2 octobre 2020).
Article L.1453-1 du code de la Santé publique, articles D.1453-1 à R.1453-9 du code de la Santé publique, arrêté du 22 mars 2017 relatif aux conditions de fonctionnement du site internet public unique mentionné à l'article R.1453-4 du code de la Santé publique (transparence des liens).
NOTE D'INFORMATION N° DGOS/RH2/2020/157 du 11 septembre 2020 relative à l'application de l'article L.1453-3 du code de la Santé publique aux fins de mise en œuvre du dispositif « encadrement des avantages » (Bulletin Officiel de la Concurrence, de la Consommation, de la Répression des Fraudes n° 11 du 6 novembre 2020.
Dispositions déontologiques professionnelles applicables aux entreprises du médicament adhérentes au Leem (décembre 2019).

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