
Le repos de sécurité, instauré en 2002, n'est toujours pas effectif dans de nombreux services hospitaliers.
Une grande enquête pointe les principales difficultés des étudiants en médecine

Afin de mieux connaître leurs conditions d'exercice, l'Inter Syndicat National des Internes des Hôpitaux (ISNIH) a mené une enquête auprès de 7 000 d'entre eux (médecine générale et spécialités) au printemps 2012, soit près de la moitié.
En 35 jours, l'ISNIH a recueilli 5 872 réponses complètes à son e-questionnaire. L'analyse des réponses montre, en résumé, que les dispositions prévues par la loi sur les conditions de travail des internes ne sont pas suffisamment respectées.
Un interne sur 5 ne prend pas de repos de sécurité après une garde
Les internes interrogés assuraient en moyenne 4 gardes et 2 astreintes (demi-journée) par mois. Mais le repos de sécurité n'est pas respecté pour 1 interne sur 5 (21%), en particulier dans le Sud Ouest de la France et en Alsace. Les spécialités les plus touchées sont la chirurgie (75% de non-respect en moyenne !) et la gynécologie obstétrique. Pour 24 % des internes, cette obligation de présence pendant le repos de sécurité venait d'une consigne des chefs de service (qui n'ont pas connu le repos de sécurité…).
Rappel législatif : l'arrêté du 10 septembre 2002 relatif aux gardes des internes prévoit un repos de sécurité "d'une durée de onze heures". Il "doit être pris immédiatement après chaque garde de nuit". Cette loi a été élaborée pour protéger les patients (et les internes) d'un surrisque d'erreurs médicales lorsque la fatigue s'accumule.
D'ailleurs 25 % des internes n'ayant habituellement pas leur repos de garde déclarent, via le questionnaire de l'ISNIH, avoir commis des erreurs médicales en lendemain de garde, contre seulement 12% de ceux qui bénéficient du repos de sécurité.
Ce non-respect expose aussi les internes, toujours selon l'enquête de l'ISNIH, à un surrisque d'accidents après leur travail (route 11%, domestiques 15% corporels 3%), et à des conséquences négatives sur leur vie sociale et familiale (85%).
Un temps de travail trop élevé, une formation et une rémunération insuffisantes
30% des internes en médecine ne sont pas payés pour leurs astreintes. Par ailleurs, "à ce jour les émoluments perçus par les internes pour une garde sont inférieurs au SMIC horaire" alors qu'ils sont Bac +6 minimum, rappelle l'ISNIH.
Avec ces gardes et astreintes, un interne travaille en moyenne 60 heures par semaine, bien au-delà des 48 heures réglementaires. De plus, malgré ce temps de travail augmenté, seuls 37% des internes bénéficient des 2 demi-journées de formation hebdomadaire pourtant indispensables.
Découvrez ci-dessous l'intégralité des résultats et interprétations de l'enquête,
également téléchargeables sur le site de l'ISNIH :
également téléchargeables sur le site de l'ISNIH :
Une circulaire pour faire respecter la loi

Cette circulaire est censée être désormais appliquée : "au 1er février prochain, l'ensemble des dispositions évoquées [dans cette circulaire] devra être respecté", avait promis la ministre de la santé dans un discours prononcé à Tours le 19 janvier au Congrès national des internes de médecine générale.
D'autres mesures pour l'amélioration des conditions de travail des internes
Le groupe de travail "Conditions de travail des étudiants, internes et assistants", qui a réuni des représentants des professionnels de santé hospitaliers, a confirmé les anomalies patentes des conditions de travail des internes et préconise des mesures destinées à compléter la circulaire ministérielle.
Ces mesures, regroupées dans un rapport remis à Marisol Touraine le 7 mars, comprennent :
- une meilleure prise en compte indemnitaire des sujétions d'exercice des internes, des chefs de clinique et des assistants. Ainsi, le montant d'indemnisation des gardes sera revalorisé de 4 % à partir du 1er mai 2013 ;
- le remboursement des frais de transport pour les étudiants et les internes effectuant un stage en secteur ambulatoire ;
- la valorisation de l'astreinte avec la garantie d'une indemnisation forfaitaire, y compris si aucun déplacement n'est effectué pendant les horaires d'astreinte ;
- l'amélioration des conditions de garde, avec la garantie pour chaque interne d'être encadré par un médecin senior sur place ;
- la garantie des droits en matière de gestion des stages pour les internes avant et après le congé maternité ;
- une charte d'accueil des étudiants et des internes dans les hôpitaux publics.
L'intégralité des diagnostics et mesures proposées par le groupe de travail :
L'ISNIH émet plusieurs réserves
Etienne Pot, porte-parole de l'ISHIH interrogé par l'AFP, salue la prise de conscience du ministère sur l'aspect "repos de sécurité".

Par ailleurs, Jean-Christophe Faivre n'a pas constaté de changement concret depuis septembre dernier sur l'organisation du travail des internes, en particulier la mise en œuvre du repos de sécurité, malgré la circulaire ministérielle censée être appliquée depuis le 1er février. Il évoque notamment une réticence de la part des chefs de service, en particulier en chirurgie, réticence à laquelle les internes ont du mal à s'opposer.
Il salue par contre la proposition de valorisation de l'astreinte, qui devrait être mise en oeuvre, selon les propositions du rapport, le 1er novembre 2013.
Vers une meilleure organisation de l'hôpital public ?
Suite à ce rapport, l'ISNIH a prévu une assemblée générale les 22 et 23 mars avec l'ensemble des présidents et administrateurs des internats des 28 villes de France comportant un ou plusieurs établissements hospitaliers publics. Cela devrait permettre de coordonner leurs réactions et demandes d'actions complémentaires auprès des autorités de santé.
Ce rapport, qui concrétise tout de même une prise de conscience des difficultés vécues par les internes, sera-t-il suivi de changements effectifs pour améliorer leurs conditions de travail, et donc le fonctionnement de l'hôpital public ? Ce dernier souffre de plus en plus d'un manque d'organisation et de souplesse dont pâtissent les internes, mais aussi les infirmiers, les autres professionnels de santé… et, au final, les patients.
Jean-Philippe Rivière
Sources et ressources complémentaires :
- "Enquête Gardes, Astreintes et Temps de travail des internes en médecine", ISNIH, 10 septembre 2012. Présentation sur le site l'ISNIH. Fichier PDF comportant les résultats et analyses de l'enquête, ainsi qu'une douzaine de témoignagnes édifiants, parmi les 2000 reçus. Ce fichier a été inclus dans le corps de l'article via Scribd.
- "Arrêté du 10 septembre 2002 relatif aux gardes des internes, des résidents en médecine et des étudiants désignés pour occuper provisoirement un poste d'interne et à la mise en place du repos de sécurité", legifrance.gouv.fr
- "Circulaire N° DGOS/RH4/2012/337 du 10 septembre 2012 relatif au rappel des dispositions réglementaires sur le temps de travail des internes dans les établissements de santé", ministère de la santé, 11 septembre 2012
- "Mme Touraine promet aux internes en médecine le respect du repos de sécurité", AFP via France24.com, 19 janvier 2013
- "Rapport « Conditions de travail des étudiants, internes et assistants »", ministère de la santé, 7 mars 2013
- "Les internes veulent des gardes mieux payées", AFP via France24.com, 6 mars 2013
- Interview téléphonique de Jean-Christophe Faivre, 12 mars 2013
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