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Hémophilie : les filles et les femmes aussi

La Journée mondiale de l’hémophilie est l’occasion de rappeler que la plus fréquente des pathologies hémorragiques constitutionnelles sévères peut aussi toucher les femmes. La majorité échappe pourtant à tout dépistage et toute prise en charge.

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Un diagnostic loin d'être optimal.

Un diagnostic loin d'être optimal.ismagilov / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Maladie hémorragique héréditaire rare, de transmission récessive liée à l’X, l’hémophilie a longtemps été considérée comme une pathologie ne se manifestant que chez les hommes, les femmes pouvant être, classiquement une fois sur deux, « conductrices ». Elles ont de ce fait été exclues du dépistage, alors que parmi les porteuses de la mutation, un tiers présentent un déficit modéré en facteur VIII (hémophilie A, la plus fréquente) ou IX (hémophilie B) avec un risque de saignement similaire à celui des hommes hémophiles atteints d’une forme mineure.

À travers son slogan « Les femmes et les filles saignent aussi », la Fédération mondiale de l’hémophilie, à l’occasion de la Journée mondiale de l’hémophilie du 17 avril 2025, vise à sensibiliser le grand public et les professionnels de santé à cette problématique.

L’hémophilie est une maladie hémorragique génétique, de transmission récessive liée à l’X. Elle est secondaire à une néomutation dans 30 % des cas.

Le diagnostic ne peut être exclu chez les femmes : si deux tiers sont des conductrices asymptomatiques avec un taux de facteur VIII ou IX normal, un tiers d’entre elles présentent un déficit modéré en facteur VIII ou IX, qui doit être dépisté pour permettre une prise en charge thérapeutique.

Les deux types d’hémophilie

Selon le type de facteur de la coagulation concerné par le déficit, on distingue l’hémophilie A (taux de facteur VIII < 40 %) et l’hémophilie B (taux de facteur IX < 40 %). Pour mémoire, dans la cascade de la coagulation, le facteur VIII s’associe au facteur IX pour activer le facteur X et générer de la thrombine, qui est l’enzyme pivot de la coagulation, capable de transformer le fibrinogène en caillot de fibrine.

Les données épidémiologiques

À l’échelle mondiale, comme pour toutes les maladies rares, le diagnostic est loin d’être optimal chez les hommes : avec une incidence estimée à 1/10 000, l’hémophilie touche théoriquement 850 000 hommes dans le monde, alors que seuls 250 000 sont diagnostiqués.

La situation est encore pire chez les femmes. En effet, on estime que pour chaque homme hémophile, 3 à 5 femmes de sa famille (mère, tantes, sœurs, filles) seraient concernées, dont au moins 2 présenteraient un syndrome hémorragique mineur.

En France, où plus de 7 000 hommes hémophiles sont connus, quelque 14 000 femmes seraient donc touchées, alors que seules 500 sont repertoriées.

Les études montrent que le retard au diagnostic est augmenté d’une dizaine d’années chez les femmes par rapport aux hommes, avec pour conséquence une prise en charge inadéquate, en particulier lors d’un acte chirurgical ou d’un accouchement, mais aussi une fréquence accrue de règles abondantes, source d’absentéisme scolaire ou professionnel et d’altération de la qualité de vie.

À cette inégalité d’accès au diagnostic et aux soins vient s’ajouter une inégalité d’accès aux traitements les plus innovants, les femmes ayant été exclues des essais thérapeutiques et étant de fait hors du cadre des autorisations de mise sur le marché.

Quand y penser et quel bilan proposer ?

En présence d’un cas index dans la famille, les filles doivent bénéficier d’un dépistage dès l’enfance (et non pas à l’âge adulte au moment de la première grossesse). Réalisé en première intention, le dosage du facteur VIII (hémophilie A) et du facteur IX (hémophilie B) permet de définir s’il existe ou non un risque hémorragique, l’étude génétique permettant pour sa part de préciser si l’enfant est conductrice ou non.

En l’absence de cas index, un trouble de l’hémostase doit être recherché en cas de :

  • saignements articulaires, cutanés profonds ou intramusculaires ;
  • complications hémorragiques lors d’un geste chirurgical ou après une extraction dentaire ;
  • de règles abondantes. Il faut noter que le caractère abondant des règles peut ne pas être perçu comme tel par une jeune fille et c’est parfois l’interrogatoire (nombre de protections par exemple) qui permet de le reconnaître.

Le bilan de première intention se fonde sur la numération formule sanguine (NFS) - plaquettes, et le temps de céphaline activé (TCA), le taux de prothrombine (TP) et de fibrinogène.

Une prise en charge par un centre spécialisé

Toute personne suspecte d’hémophilie doit être adressée à un centre spécialisé. C’est ce dernier qui finalise le diagnostic, met en place le traitement et assure le suivi (multidisciplinaire) du/de la patient(e).

À côté des traitements non spécifiques, tels que l’acide tranexamique et les hémostatiques locaux, les patients atteints d’hémophilie bénéficient de traitements spécifiques, indiqués notamment en prévention du risque hémorragique avant un geste invasif ou dans un cadre prophylactique en cas d’épisodes hémorragiques spontanés, améliorant la qualité de vie et le pronostic fonctionnel, voire vital.

Ces dernières années ont été marquées par des évolutions thérapeutiques importantes, avec le développement de nouveaux traitements plus efficaces et simplifiant la prise en charge : molécules recombinantes à demi-vie prolongée, anticorps monoclonaux mimant l’activité du facteur VIII et traitements régulateurs modifiant l’équilibre de l’hémostase, thérapie génique et bientôt technologie des ciseaux moléculaires, thérapie cellulaire ainsi qu'un médicament par voie orale.

D’après un entretien avec le Pr Yesim Dargaud, coordinatrice du centre de référence nationale de l’hémophilie et autres déficits en protéines de la coagulation (CRH), CHU, Lyon.

Sources

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