#Santé publique #Données épidémiologiques

Santé et bien-être en tête des signalements de dérives sectaires

Le dernier rapport d'activité de la Miviludes alerte sur l'augmentation des signalements de dérives sectaires dans le domaine de la santé et du bien-être. Ces signalements mettent en évidence des pratiques dangereuses, ciblant en particulier les patients atteints de cancer. 

David Paitraud
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Les soins de support notamment en cancérologie connaissent des dérives à caractère sectaire.

Les soins de support notamment en cancérologie connaissent des dérives à caractère sectaire.Halfpoint / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

La Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) rapporte une hausse continue des signalements liés aux dérives sectaires : 4 148 en 2022, 4 375 en 2023 et 4 571 en 2024. La santé et le bien-être représentent 37 % des signalements dont la majorité implique des non-professionnels (80 %), mais aussi des professionnels de santé (20 %), notamment psychologues (29 %), médecins généralistes (20 %), psychothérapeutes (14 %) et ostéopathes (12 %).

Les dérives concernent souvent des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) promues sans encadrement médical : Reiki, magnétisme, jeûne, régimes extrêmes, produits ou stages aux promesses illusoires. Ces pratiques se développent via les réseaux sociaux et trouvent un terrain favorable dans un contexte de défiance envers la médecine conventionnelle, de pénurie de soignants et de recherche d’une approche plus humanisée.

Les patients atteints de cancer, de troubles mentaux ou les personnes vulnérables (surdité) sont particulièrement ciblés. Les dérives observées incluent des pratiques dangereuses (urinothérapie, injections de gui) et la substitution aux traitements validés.

La Miviludes appelle à la vigilance et rappelle les signes d’alerte : dénigrement de la médecine, promesse de guérison « miracle », prix excessifs, isolement des proches, usage de discours pseudo-scientifiques. Elle encourage les professionnels de santé à sensibiliser leurs patients et à rester vigilants face à ces pratiques.

La Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a présenté son rapport d'activité pour la période 2022-2024 [1, 2]. Elle souligne une augmentation régulière du nombre de signalements ou demandes d'information en lien avec des dérives sectaires : 

  • 4 148 en 2022
  • 4 375 en 2023
  • 4 571 en 2024

Plus d'un tiers de ces signalements et demandes d'information (37 %) sont rapportés pour des pratiques en lien avec la santé ou le bien-être, thématique que la Miviludes qualifie de « vaste champ de dérives sectaires » et à laquelle elle consacre un chapitre de onze pages. Parmi ces signalements ou demande d’informations, près de 20 % concernent des professionnels de santé, psychothérapeutes et psychologues, et près de 8 sur 10 concernent des non-professionnels de santé.

Des tendances et des préoccupations

Le rapport d'activité de la Miviludes présente les principales tendances relatives aux dérives sectaires dans le domaine de la santé et du bien-être :

  • la majorité des dérives dans ce domaine implique l’intervention d’un non-professionnel de santé ;
  • parmi les professions de santé les plus fréquemment mentionnées, les psychologues et les médecins généralistes comptabilisent 56 % des signalements et demandes d’information (respectivement 29 % et 20 %). Les psychothérapeutes (14 %) et les ostéopathes (12 %) sont également très représentés (cf. Encadré) ;
  • le préfixe « psycho » utilisé par des non-professionnels crée une confusion, les assimilant à des psychologues. D’ailleurs, 20 % des psychologues ayant fait l’objet de signalements ou demandes d’information ne disposent d’aucun numéro RPPS.
Encadré - Proportion des différentes professions de santé, psychothérapeutes et psychologues mentionnés dans les signalements et demandes d'information, dans les domaines de la santé et du bien-être

La Miviludes souligne par ailleurs des évolutions préoccupantes, car pouvant faciliter des dérives sectaires :

  • l'installation de centres de bien-être où se côtoient des professionnels de santé et des intervenants en bien-être, sans distinction entre ces personnes ;
  • la dissémination de pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) au sein des hôpitaux, sans encadrement médical : « un grand nombre de signalements reçus porte sur la banalisation des PSNC telles que Reiki, magnétisme, ou bol tibétain, au sein des établissements publics de santé ou des maisons de retraite » ;
  • le développement des PSNC et des produits « miracles » dérivés ou des stages/séminaires via les réseaux sociaux ;
  • la mise en place de réseaux de pseudo-thérapeutes.

Si la Miviludes reconnaît que « le recours aux pratiques non conventionnelles n’est pas toujours dangereux, en particulier lorsqu’il s’associe à un suivi médical traditionnel », elle remarque que ces PSNC peuvent créer un contexte favorable aux dérives sectaires, avec pour conséquence des patients qui se détournent du parcours de soins habituel et sécurisé au profit d’un accompagnement par des pseudo-thérapeutes.

Les pratiques de soins non conventionnelles ont la cote

Le risque de dérives sectaires est d'autant plus réel que les PSNC jouissent d’une image positive dans la population française, ce qui facilite le recrutement, en particulier chez des personnes fragilisées par la maladie. La Miviludes cite un sondage Odoxa selon lequel « 70 % des Français ont une bonne image des thérapies alternatives, et 57 % d'entre eux estiment qu'elles sont au moins aussi efficaces que la médecine classique »

La facilité de diffusion via les réseaux sociaux et l'organisation actuelle des soins peuvent en partie expliquer cette tendance de la population à se tourner vers des PSNC, ou du moins à être moins vigilants : 

  • les difficultés pour consulter un médecin ou les tensions en personnel soignant ;
  • la défiance envers la médecine traditionnelle et envers les politiques de santé publique, accentuée depuis la pandémie de Covid ;
  • un besoin grandissant d’une prise en charge personnalisée, plus humanisée et moins technicisée.

La Miviludes rappelle qu’une grande majorité de ces PSNC n’a pas été approuvée scientifiquement, en particulier en termes d'efficacité. Elle cite le jeûne, méthode prônée en naturopathie et qui trouve écho sur les réseaux sociaux : « il repose sur l’idée qui n’a jamais été scientifiquement prouvée, que le jeûne serait un facteur de prévention de toutes formes de maladies ». La Miviludes observe une augmentation et une diversification des méthodes et des offres de jeûne, dont des stages de jeûne aussi coûteux qu'ils sont dangereux.

Sans rejeter l'ensemble des PSNC, la Miviludes encourage les patients à demander conseil à un professionnel de santé et à l’interroger sur l’acceptabilité d’une pratique non conventionnelle de soins, et sur sa comptabilité avec un traitement médical en cours.

Cancer, maladies mentales : des victimes fréquentes

Un des risques majeurs favorisé par les PSNC non encadrées est la substitution totale de la médecine traditionnelle par ces pratiques, avec in fine une perte de chance pour les personnes malades. Un risque d'autant plus présent que la maladie crée une vulnérabilité dont les pseudo-thérapeutes malveillants s'emparent.

Dans son rapport d'activité, la Miviludes note que l'oncologie concentre la majeure partie des signalements reçus en santé. Les dérives sectaires dans ce domaine sont diverses, et s'appuient sur la peur de la chimiothérapie. Les soins de support constituent une porte d'entrée. Les pratiques les plus courantes portent sur des régimes alimentaires draconiens qui ont pour conséquence d'affaiblir encore plus les patients. Des dérives dangereuses telles que l'urinothérapie ou des techniques assimilables à des actes médicaux (des injections d'extrait de gui par exemple) ont également fait l'objet de signalements. 

Outre le cancer, les malades souffrant d'une pathologie mentale ou les personnes sourdes ou malentendantes sont elles aussi victimes des dérives sectaires. 

Des recommandations pour ne pas tomber dans le piège des dérives sectaires

La Miviludes souligne le travail réalisé avec les Ordres professionnels (médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes) pour sensibiliser aux dérives sectaires dans le milieu de la santé. 

Elle émet un ensemble de consignes (page 102) et appelle à la vigilance si le professionnel : 

  • dénigre la médecine conventionnelle ;
  • incite à arrêter un traitement et promet une guérison « miracle » en ayant recours à des pratiques peu ordinaires ;
  • assure qu'il est le seul à pouvoir soigner et qu'il pratique des prix élevés ;
  • pousse à se couper de ses relations familiales ou amicales ;
  • tient un discours pseudo-scientifique, empruntant des termes au domaine médical.

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