
Interview de Jordan Jolys, vice-président réseau territorial UNIPA.monkeybusinessimages / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images et le studio graphique de VIDAL
- Podcast - Le décret du 20 janvier 2025 [1] marque une étape importante dans l'exercice des infirmier.es en pratique avancé (IPA). Il autorise et encadre l'accès direct des patients à ces professionnels et ouvre la voie à la primo-prescription des produits de santé, dont la liste doit maintenant être définie par arrêté ministériel (cf. notre article du 23 janvier 2025). En simplifiant l'accès aux IPA et en redéfinissant leur rôle dans le parcours de prise en charge, les dispositions de ce décret contribuent à la transformation de l'organisation des soins en France telle que promise par la loi Rist. Explications avec Jordan Jolys, IPA et vice-président réseau territorial Union nationale des IPA (UNIPA).
TRANSCRIPTION
VIDAL News. Parole d'expert. David Paitraud reçoit Jordan Jolys, infirmier en pratique avancée (IPA) et vice-président réseau territorial à l'Union nationale des IPA (UNIPA).
David Paitraud. Un décret a été publié récemment, le 21 janvier 2025. Il apporte plusieurs évolutions à l'exercice des IPA. La première est un accès direct aux IPA.
Qu'est-ce qu'un accès direct aux IPA et dans quel contexte cet accès direct va-t-il se mettre en place ?
Jordan Jolys. Jusqu'ici, les IPA n'avaient pas d'accès direct, c'est-à-dire qu'ils ne pouvaient voir uniquement que des patients qui étaient envoyés par le médecin avec qui ils travaillaient. Il y avait ce qu'on appelait un protocole d'organisation qui disait que le médecin et l'IPA travaillaient ensemble, et qui régissait la manière dont l'IPA voyait les patients. La loi Rist est sortie en 2023. Elle conférait déjà l'accès direct, mais le protocole d'organisation restait dans les textes, on ne savait pas trop ce qu'il allait devenir.
Aujourd'hui, le protocole d'organisation est supprimé, ce qui veut dire que l'IPA peut travailler de manière beaucoup plus souple avec le médecin, en exercice coordonné, et effectivement, il peut voir directement des patients. La condition est qu'il soit en structure d'exercice coordonné. Par exemple, ce sont les structures hospitalières, qu'elles soient publiques ou privées, mais aussi en libéral, les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les équipes de soins spécialisées, les équipes de soins primaires, ou aussi les établissements médico-sociaux. À partir du moment où l'IPA travaille dans ces structures-là, il pourra voir tous types de patients, quel que soit le motif, sans que le patient ait été forcément adressé par un médecin.
À l'inverse, les IPA qui n'exercent pas dans ces structures d'exercice coordonné devront suivre uniquement des patients qui sont toujours orientés par le médecin avec qui ils travaillent. Donc il y a vraiment cette distinction selon les lieux d'exercice.
Il y a une autre condition aussi c'est que si l'IPA voit le patient directement, il doit systématiquement faire un compte rendu de la consultation au médecin traitant du patient.
Est-ce qu'il y a des catégories de pathologies pour lesquelles on va voir l'IPA directement ?
Aujourd'hui, il y a cinq « mentions » d'infirmier en pratique avancée :
- pathologies chroniques stabilisées et polypathologies courantes en soins primaires ;
- oncologie et hémato-oncologie ;
- néphrologie (NDLR : maladie rénale chronique, dialyse, transplantation) ;
- psychiatrie et santé mentale ;
- urgences.
Cela permet déjà de faire un premier « tri » des patients que l'on peut voir.
La mention « pathologies chroniques stabilisées » comprend une liste de pathologies que l'on peut suivre. Mais les IPA qui sont en soins primaires ont la mention « polypathologies courantes en soins primaires » qui leur permet de voir le patient, quel que soit le motif. De manière préférentielle, quelqu'un qui a un trouble psychiatrique va plutôt rencontrer un IPA qui a une mention « psychiatrie et santé mentale », par exemple.
L'autre évolution majeure concerne la prescription par les IPA. Quelle voie ouvre ce décret ?
Le deuxième point très important de ce décret, au-delà de l'accès direct, est qu'il ouvre, pour les IPA qui sont en structure d'exercice coordonné, à la conduite diagnostique et la stratégie thérapeutique. Ce qui implique donc qu'il y aura un arrêté avec une liste de médicaments que l'IPA pourra prescrire en première intention. Cet arrêté n'est pas encore publié. On ne sait pas encore ce qu'il contiendra, mais l'IPA pourra mettre en place certains traitements de lui-même.
Il y aura « un double parcours », c'est-à-dire qu'il y aura des médicaments qu'il sera possible de donner avec un diagnostic médical préalable, et d'autres médicaments qu'il sera possible d'introduire sans un diagnostic médical préalable. C'est un peu cela qui va déterminer la teneur de l'accès direct aux IPA : suivant les médicaments qu'il y aura à l'intérieur de cette liste, l'IPA pourra avoir une utilité plus ou moins large dans l'accès direct.
Cette liste est attendue et sera définie par le ministère de la Santé, c'est bien ça ?
Exactement.
L'exercice des IPA est encore récent et méconnu des autres professionnels de santé. Comment se situent les IPA dans le parcours de soins aujourd'hui et comment se situeront-ils demain ?
C'est vrai que jusqu'en 2023, l'IPA n'avait pas l'accès direct. Donc il était systématiquement positionné après une consultation d'un médecin et « récupérait » le suivi ensuite.
Aujourd'hui, l'accès direct peut changer pas mal les choses. Plusieurs options s'offrent aux professionnels de santé et cela va s'articuler, je pense, selon les besoins du territoire. Soit l'IPA peut conserver un rôle de suivi de pathologies chroniques au long cours. On peut penser, par exemple, à l'insuffisance cardiaque, au diabète, s'il travaille en MSP.
A contrario, s'il y a besoin d'avoir aussi un accès à toutes les polypathologies bénignes courantes, l'IPA peut aussi se positionner dans ce rôle-là, sous réserve bien sûr de l'arrêté de prévention de prescription qui sortira bientôt.
Ce qu'il y a à retenir de ces nouveautés, c'est qu'il va y avoir une simplification de l'exercice et que l'IPA pourrait être placé à différents stades du parcours, ce qui était un peu plus complexe auparavant. Pour sortir du champ libéral, si on parle par exemple d'un IPA qui travaille dans un centre médico-psychologique, donc plutôt un IPA qui aurait une mention « psychiatrie et santé mentale », aujourd'hui, il peut voir les patients en première intention au sein du centre médico-psychologique. Avec l'arrêté de primo-prescription, l'IPA pourra mettre en place certains traitements et ensuite, il pourra décider si lui-même peut continuer à suivre le patient ou bien de l'orienter vers un psychiatre s'il y en a besoin.
Et toujours dans le cadre d'un travail pluridisciplinaire en exercice coordonné ?
Exactement. L'exercice coordonné est obligatoire pour travailler en tant qu' IPA.
Interview : David Paitraud, pharmacien
Montage : Robin Benatti & David Paitraud
Remerciements : Jordan Jolys, infirmier en pratique avancée (IPA) et vice-président réseau territorial à l'Union nationale des IPA (UNIPA).
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[1] Décret n° 2025-55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (Journal officiel du 21 janvier 2025, texte 2)
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