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Une information précoce sous la responsabilité d’un professionnel de l’épilepsie est nécessaire.Drazen Zigic / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
L’épilepsie expose à un risque accru de mort subite, plus marqué chez l’adulte que chez l’enfant, favorisé en particulier par la présence de crises nocturnes. L’information sur ce risque doit être améliorée.
La Haute Autorité de santé (HAS) et différentes sociétés savantes ont émis des recommandations communes sur le risque de mort soudaine inexpliquée (SUDEP) et les informations à délivrer aux patients et à leur famille.
Plus spécifiquement dans le cadre des patients pédiatriques, la Commission épilepsie de la Société française de neurologie pédiatrique (SFNP) a édité un document proposant des recommandations pour accompagner les praticiens dans leur démarche.
Comme le rappelle la Haute Autorité de santé (HAS) dans ses recommandations pour la pratique clinique, « la prise en charge de l’épilepsie, comme toute pathologie chronique, nécessite une participation active du patient dans la démarche thérapeutique, qui permet notamment de favoriser l’adhésion thérapeutique et le contrôle de la maladie. L’implication du patient et de son entourage nécessite une information claire, la plus complète possible, adaptée à ses capacités de compréhension ». L’un des sujets importants à aborder avec les patients concerne les « morts soudaines inexpliquées » (SUDEP pour Sudden Unexpected Death in Epilepsy).
Quelle définition ?
La SUDEP est définie comme un « décès inattendu survenant chez un patient ayant une épilepsie, qu’il y ait ou non un témoin ou des preuves de la survenue d’une crise précédant le décès, et dont la cause n’est ni traumatique, ni en rapport avec une noyade ou un état de mal épileptique, avec un examen post-mortem n’ayant révélé aucune autre cause potentielle de décès ».
Le risque de mort subite, qui existe en population générale (incidence annuelle estimée autour de 1/500 à 1/1 000), est nettement plus fréquent chez les patients épileptiques. Il concerne plus particulièrement les adultes jeunes avec épilepsie non stabilisée : il toucherait 1 patient adulte sur 200 en cas d’épilepsie sévère et moins de 1/1 000 en cas d’épilepsie idiopathique non sévère.
Ses mécanismes ne sont pas encore clairement établis, mais les données aujourd’hui disponibles plaident en faveur du rôle de la survenue « d’une crise de développement inhabituel du fait de l’association à des troubles respiratoires et/ou cardiaques conduisant à l’issue fatale ».
Quels facteurs de risque ?
Certains facteurs de risque de mort subite ont été identifiés : épilepsie mal contrôlée, surtout s’il persiste des crises généralisées ; le risque augmentant de façon exponentielle, multiplié par un facteur 5,7 chez un sujet faisant une à deux crises par an et par un facteur 15,4 en cas de plus de trois crises annuelles.
Le risque est particulièrement élevé en cas de crises tonicocloniques généralisées nocturnes.
Chez l’enfant avec épilepsie, le risque de décès, toutes causes confondues, est 5 à 10 fois supérieurs à celui rapporté en population générale pédiatrique avec un taux de mortalité de 228/100 000 personnes par an, selon un état des lieux de la littérature mené par la Commission épilepsie de la Société française de neurologie pédiatrique (SFNP).
En population pédiatrique, les décès sont dominés par les causes non liées à l’épilepsie, en rapport avec les comorbidités, avec en premier lieu les pneumopathies. Les SUDEP ne représenteraient que 25 % des étiologies.
Certains facteurs de risque sont bien identifiés : épilepsie précoce et pharmacorésistance, présence de crises tonicocloniques généralisées, crises nocturnes, comorbidités, mauvaise observance.
Une demande d’information
L’information sur le risque de décès est recommandée par les experts de la HAS et des autres sociétés savantes, car elle peut conduire à des mesures préventives telles qu’une meilleure observance du traitement. Cependant, elle apparaît insuffisante, en particulier chez les patients en pédiatrie, en raison de la crainte d’induire de l’anxiété in fine plus délétère que le risque lui-même.
Des préconisations de l'AAN et l'AES...
Deux sociétés savantes, l’American Academy of Neurology (AAN), et l’American Epilepsy Society (AES), ont récemment publié des recommandations communes sur les SUDEP et les indications à délivrer aux patients et à leur famille.
Elles rappellent, sur la base de 12 études cliniques, que l’incidence annuelle des SUDEP est estimée à 1,2/1 000 chez l’adulte, et à 0,22/1 000, soit 1 cas sur 4 500 chez l’enfant.
Ainsi elles préconisent de signaler au patient ou à sa famille qu’il existe un « petit » risque, mais que 999 adultes avec épilepsie sur 1 000 et 4 499 enfants sur 4 500 ne sont pas concernés.
Les experts nord-américains mettent également en avant l’importance d’informer le patient de l’effet préventif du contrôle des crises généralisées, qui s’accompagne d’une nette diminution du risque de SUDEP.
Cette question serait à aborder dès le début de la maladie, tout particulièrement en cas d’épilepsie précoce et/ou pharmacorésistante, l’enjeu étant de promouvoir les recommandations de prévention : observance, optimisation de l’équilibre de l’épilepsie, éducation thérapeutique et précisions sur les activités de la vie quotidienne et sportives.
... à celles de la SFNP en neuropédiatrie
En pédiatrie, il n’existe pas de recommandation établie, et le sujet est rarement abordé, car le risque est beaucoup plus faible que chez l’adulte, mais également par crainte d’être plus délétère par le stress engendré. Cependant, des données de la littérature, à partir de questionnaires proposés aux accompagnants, ont confirmé le besoin de recevoir une information sur les risques de décès, même si son caractère anxiogène est reconnu. Les accompagnants ont par ailleurs exprimé le souhait que ces renseignements soient fournis précocement, et sous la responsabilité d’un professionnel ayant l’expérience de la pathologie, ainsi que l’intérêt de l’intervention d’une infirmière spécialisée et de disposer de supports écrits.
La Commission épilepsie de la SFNP a ainsi édité un document proposant des recommandations pour accompagner les praticiens dans leur démarche.
Il confirme :
- la nécessité d'aborder cette question sans attendre ;
- de disposer d'un temps dédié avec un professionnel ayant une expérience de la maladie :
- relayé par un accompagnement par un(e) infirmier(ère) en pratique avancée,
- avec appui éventuel d'un support écrit.
Points à aborder au cours de l'entretien
Le but de l'entretien est :
- de permettre aux familles d’exprimer leurs angoisses, souvent très présentes, et d’autant plus importantes qu’elles ne sont pas verbalisées ;
- de présenter des mesures de prévention ajustées à l’âge, au type d’épilepsie, à l’étiologie sous-jacente, à la situation de chaque famille :
- formation à la reconnaissance et la gestion d’une crise,
- mode de couchage,
- douche à préférer aux bains,
- activités sportives,
- règles hygiéno-diététiques,
- enjeu de l’observance thérapeutique.
Certains syndromes, comme le syndrome de Dravet, associés à un risque particulièrement élevé de SUDEP (15 %), doivent faire l’objet de mention particulière.
Ces renseignements peuvent avoir besoin d’être réactualisés en cas d’évolution vers une épilepsie pharmacorésistante.
La question des crises nocturnes
La prévention des crises nocturnes est une question récurrente de l’entourage : la présence d’une tierce personne aux côtés de l’enfant durant la nuit a un impact positif sur le risque de décès, mais elle n’est pas recommandée en raison de ses effets délétères sur la vie familiale. Le recours à des vidéos ou babyphones peut être utile, mais doit respecter l’intimité de l’enfant. Plusieurs dispositifs ambulatoires non invasifs de détection des crises sont à l’étude : leurs spécificités et leurs sensibilités doivent être mieux évaluées.
D’après un entretien avec le Dr Dorothée Ville, neuropédiatre, chef de service adjoint de neurologie pédiatrique, hôpital mère-enfant, Hospices civils de Lyon.
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