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Burn out : le rôle déterminant du médecin du travail

Le médecin du travail joue un rôle clé dans le diagnostic et la prise en charge des personnes présentant un burn out et plus largement une souffrance psychique au travail.

Isabelle Hoppenot 30 janvier 2025 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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La médecine du travail participe notamment à la prévention des risques psychosociaux.

La médecine du travail participe notamment à la prévention des risques psychosociaux.RollingCamera / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le médecin du travail peut être conduit à poser le diagnostic de burn out, ce qui nécessite de bien connaître le travail du salarié.

Tous les types de travail et d’organisation sont aujourd’hui concernés.

Le médecin du travail agit en lien avec le médecin généraliste du salarié ou avec son psychiatre, et il traite le rapport au travail.

Un arrêt de travail même prolongé n’est pas efficace si le rapport au travail du salarié n’évolue pas.

Cette actualité complète un premier article réservé au diagnostic d'un burn out et de sa prise en charge.

Le médecin du travail est essentiel dans la prévention des risques professionnels et la préservation de la santé des salariés. Il évalue l'aptitude au travail, les conditions de travail et intervient pour prévenir les maladies liées à l'environnement professionnel.

VIDAL. Dans quelles circonstances le médecin du travail peut-il être amené à évoquer un diagnostic de burn out ?

Dr Marielle Dumortier, médecin du travail. Le rôle du médecin du travail est de faire le lien entre santé et travail via les deux grands versants de son activité : la partie clinique (en consultation) et la partie en entreprise, qui permet de cerner les tâches et l’environnement de travail. Cette deuxième partie représente un tiers de son temps de travail.

Il peut parfois poser le diagnostic de syndrome d’épuisement professionnel ou plus largement de souffrance au travail lors d’un examen de routine ou lors d’une plainte, qui peut être psychique, mais aussi de type somatique, souvent d’ordre musculosquelettique.

Pour poser le diagnostic, il est essentiel que le médecin du travail connaisse le travail du salarié et comprenne, lorsqu'il est remis en cause, que c'est l’identité profonde du salarié qui est atteinte et blessée.

Une étude de poste est souvent nécessaire afin d’analyser le travail réel, toujours différent du travail demandé.

Que fait-il s’il estime qu’un arrêt de travail est nécessaire ?

Si le médecin du travail estime qu’un arrêt de travail est nécessaire, il suspend le contrat de travail en mettant le salarié en inaptitude temporaire et le dirige vers son médecin traitant afin qu’un arrêt de travail puisse être prescrit, condition pour que le salarié perçoive des indemnités journalières.

Y a-t-il des personnalités plus vulnérables ? 

Les personnes les plus vulnérables sont plus souvent très investies dans leur travail, très professionnelles, qui acceptent toujours plus de tâches et ne savent pas « dire non ». À un moment donné, la surcharge est telle qu’elles n’arrivent plus à faire face.

Les antécédents d’anxiété ou d’autres troubles psychiatriques, le perfectionnisme sont aussi des traits de personnalité régulièrement retrouvés chez les personnes souffrant d’épuisement professionnel.

Enfin, les femmes sont plus sujettes à ce type de trouble, en raison des multiples tâches qu’elles accomplissent au quotidien. Et, malgré les évolutions positives constatées au cours de ces dernières décennies, les femmes ont encore les tâches les moins valorisantes et doivent toujours prouver, plus que leurs collègues masculins, qu’elles ont les capacités requises.

Quel est l’impact des types d’organisation, de management, du télétravail ou des catégories d’activités sur le risque de souffrance au travail ?

Il n’y a plus aujourd’hui vraiment de types de tâches exposant plus particulièrement à ce risque. Tous les types de travail et d’organisation sont concernés par la demande de « toujours plus de travail avec toujours moins de salariés ». En cause :

  • la rivalité croissante qui s’est installée entre les différents types de salariés : intérimaire, CDD, sous-traitants ;
  • la généralisation des organisations n’offrant aucune latitude décisionnelle ;
  • les réorganisations répétées, qui mettent les salariés dans une instabilité psychique.

Les cadres intermédiaires sont souvent à la fois acteurs et victimes, répercutant des ordres qu’ils ne comprennent pas toujours et qui vont parfois à l’encontre de leurs propres valeurs.

Le télétravail est parfois perçu comme une solution, mais il écarte encore plus les salariés du travail en équipe. Au-delà de 1 à 2 jours par semaine, il a été établi que le télétravail peut conduire à une désinsertion du collectif.

Quel est le rôle du médecin du travail dans la prise en charge ?

Le médecin du travail agit en lien avec le médecin traitant ou avec le psychiatre. Il ne traite pas un syndrome dépressif ou un trouble de la personnalité, ce qui est du ressort de la médecine générale ou spécialisée. Mais il traite le rapport au travail. Un arrêt de travail même prolongé n’est pas efficace si le rapport au travail du salarié n’évolue pas.

Chaque cas est particulier, et l’évolution peut se faire vers :

  • la reprise du travail au même poste ou à un autre poste dans la même entreprise, après discussion avec l’équipe et le salarié ;
  • la reprise dans un autre établissement de la même entreprise ;
  • parfois une mise en inaptitude, décision difficile prise avec le salarié en lui proposant un accompagnement dans la démarche.

Il est également possible de s’orienter vers un essai encadré qui fait partie des dispositifs de prévention de la désinsertion professionnelle et s’organise avec l'Assurance maladie pendant l’arrêt de travail. Il permet de favoriser le retour à l'emploi en évaluant la compatibilité d’un poste avec l’état de santé du salarié. Lors de l’essai encadré, le statut du salarié est inchangé, il reste en arrêt de travail. Ce dispositif est parfois long et difficile à mettre en place. Le médecin du travail est plus souvent amené à prescrire une reprise avec un temps partiel thérapeutique, beaucoup plus souple et rapide.

Le médecin du travail agit en collaboration avec les services des ressources humaines. Il peut aussi conseiller au salarié de se rapprocher d’associations afin de lui permettre de se sentir moins seul.

Les séquelles du burn out peuvent être reconnues en maladie professionnelle.

La responsabilité de l’employeur peut-elle être impliquée ?

L’employeur a une obligation de santé et de sécurité sur l’ensemble de ses salariés. La majorité des entreprises sont désormais sorties du déni. Mais le chemin reste long pour sortir de la souffrance au travail.

Le médecin du travail joue là aussi un rôle important, car il doit remettre dans l’espace publique de l’entreprise ce qu’il entend en consultation, en veillant en toutes circonstances au respect du secret médical. Il arrive par exemple que des cadres n’aient pas conscience de la charge de travail qu’ils donnent et le médecin est là pour en parler. Lorsqu’il estime qu’il existe des risques importants, entre autres psychosociaux (RPS), pour la santé des salariés, il peut émettre des alertes (alertes RPS) qui relatent de façon concrète ce qu’il a compris et constaté. L’inspection du travail peut, si besoin, être informée via le comité social et économique (CSE).

D’après un entretien avec le Dr Marielle Dumortier, médecin du travail, médecin, praticien attaché CHI Créteil.

Encadré - La souffrance psychique liée au travail en augmentation

La souffrance psychique en lien avec le travail (SPLT) comprend tous les troubles (inscrits ou non dans les nosographies médicales) relevant de la sphère mentale, causés ou aggravés par le travail, selon l’expertise clinique du médecin du travail.

En s’appuyant sur les données issues du programme de surveillance des maladies à caractère professionnelle (MCP) qui ont notamment porté sur 281 379 salariés vus en visite entre 2013 et 2019 [1], les auteurs de cette étude estiment que la prévalence de la SPLT est deux fois plus importante chez les femmes (4,6 %) que chez les hommes (2,1 %).

Les troubles anxieux et dépressifs mixtes sont les affections psychiques les plus fréquemment signalées par les médecins du travail pour les deux sexes, suivis des troubles dépressifs, des troubles anxieux et du burn out en 4e position avec des prévalences pondérées respectivement de 1,67 %, 1,1 %, 0,74 %, 0,69 % chez les femmes et de 0,66 %, 0,5 %, 0,34 %, 0,34 % chez les hommes.

En 2019, la prévalence de la SPLT a doublé par rapport à 2007 : près de 6 % des femmes et 2,6 % chez les hommes sont concernés avec une élévation notable à partir de 2016, quel que soit le sexe. Cette multiplication par deux de la prévalence de la SPLT est principalement due à une augmentation des troubles anxieux et dépressifs mixtes, des troubles anxieux et des burn out.

Rappelons qu’actuellement, aucun trouble psychique imputable au travail ne fait partie des tableaux de maladies professionnelles en France. Leur reconnaissance relève des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) qui se prononcent au cas par cas.

Sources

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