Le lien entre les symptômes et l'activité professionnelle est essentiel.ST.art / iStock / via Getty Images
Le burn out est un état d’épuisement émotionnel, physique et cognitif, causé par un stress chronique souvent lié au travail. La physiopathologie de ce syndrome serait en rapport avec une réponse inadaptée au stress chronique et une dysrégulation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Le diagnostic est avant tout clinique, s'appuyant sur le retentissement fonctionnel et l’épuisement chronique, surtout d'origine professionnelle.
Les autoquestionnaires, comme le Maslach Burnout Inventory (MBI), peuvent être utiles, notamment pour évaluer les symptômes précurseurs. Un bilan neuropsychologique peut être pertinent en cas de burn out sévère.
Ce syndrome résulte le plus souvent d’une combinaison de facteurs liés à l'environnement professionnel. Cependant, certains facteurs sociaux, familiaux, ou personnels, jouent également un rôle et peuvent fragiliser ou, au contraire, protéger le salarié.
Le burn out doit être différencié d'un état de stress chronique et d'un épisode dépressif caractérisé.
Le pronostic dépend de la sévérité des symptômes et de la rapidité avec laquelle ils sont traités.
La prise en charge est multidimensionnelle et nécessite une coopération étroite entre le médecin généraliste (qui est en première ligne), le médecin du travail, le psychiatre ou le psychologue. L'arrêt de travail fait partie intégrante du traitement et représente un temps de coordination entre les différents acteurs.
Des ressources sont à la disposition des professionnels de santé.
Dans un second article, le rôle du médecin du travail dans la prise en charge du burn out sera plus particulièrement examiné.
Il est difficile de connaître précisément le nombre de sujets touchés par un burn out. Selon l'Institut de veille sanitaire (2015), 7 % des 480 000 salariés en souffrance psychique liée au travail seraient concernés (soit un peu plus de 30 000 personnes). Mais ces chiffres sont probablement sous-estimés. Dans un rapport de 2016, l'Académie nationale de médecine estime que le nombre de 100 000 personnes victimes d’épuisement professionnel relève « d’une évaluation très sérieuse ».
Les médecins généralistes sont souvent en première ligne dans la détection, la prévention et la prise en charge du burn out.
Quelle serait la physiopathologie du burn out ?
Les bases biologiques du burn out demeurent insuffisamment connues, mais globalement, les recherches suggèrent des anomalies typiques d’une réponse physiopathologique inadaptée au stress chronique. Il y aurait une dysrégulation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, avec un déséquilibre dans la sécrétion de cortisol. À terme, cela entraînerait une activation des voies inflammatoires systémiques, caractérisée par l'augmentation des marqueurs pro-inflammatoires (cytokines IL-6, TNF-alpha).
C’est cette hyperactivation neuro-inflammatoire qui contribuerait à la genèse des symptômes physiques de fatigue, au sentiment d’épuisement émotionnel et aux troubles cognitifs du burn out. En effet, sur le plan cérébral, les effets neurotoxiques des glucocorticoïdes et des cytokines pro-inflammatoires ne sont pas neutres ! On constate, lors d’une exposition prolongée au stress, que le cortex préfrontal pourrait subir une réduction du volume de matière grise dans des zones clés et une diminution des connexions neuronales dans les structures associées au contrôle émotionnel. Or le cortex préfrontal est absolument central pour contrôler les fonctions exécutives, c’est-à-dire les processus mentaux complexes comme la planification de l’action, la résolution de problèmes et la prise de décision… Ces fonctions permettent une adaptation aux défis quotidiens, en particulier en présence d'un stress psychosocial excessif dans un monde du travail de plus en plus complexe et exigeant. Cela expliquerait pourquoi les personnes en burn out peinent à gérer les problèmes cognitifs quotidiens, nécessitant plus de temps et d'énergie pour les résoudre.
Parallèlement, il y aurait une hyperactivation de l'amygdale — cette structure du système limbique impliquée dans la perception des menaces et la peur —, avec rupture de l'équilibre entre le cortex préfrontal et les structures émotionnelles. En clinique, cela se traduirait par une hypervigilance, un sentiment de menace diffus, une irritabilité et/ou un sentiment de débordement émotionnel.
Comment définir le burn out ou syndrome d’épuisement professionnel ?
Le burn out, d’abord décrit par Freudenberger dans les années 1970, est un état d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de diminution du sentiment d'accomplissement personnel, particulièrement en contexte professionnel. Il est désormais souvent catégorisé comme un trouble lié au stress chronique au travail, avec un début de reconnaissance dans les classifications internationales comme la CIM-11, où il figure en tant que phénomène lié au travail, mais sans pour autant être officiellement classé comme une maladie ! Ainsi, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le burn out se manifeste par une fatigue intense, une distanciation mentale (souvent sous forme de cynisme) et une baisse de l’efficacité au travail. C’est donc avant tout un état d’épuisement émotionnel, physique et cognitif, causé par un stress chronique souvent lié au travail, mais qui tend aujourd’hui à s’étendre à d'autres domaines et qui peut concerner des situations comme des problèmes familiaux ou des maladies persistantes.
Quels sont signes d’alerte et les principaux symptômes ?
Le dépistage peut être difficile en particulier quand les premiers signes d’alerte sont masqués ou déniés par le patient.
Sur le plan clinique, les symptômes du burn out apparaissent progressivement.
Au départ, la personne peut ressentir une fatigue persistante malgré le repos, une lassitude mentale, une irritabilité et des troubles du sommeil, sans nécessairement relier ces symptômes au stress professionnel. Peut aussi apparaître un sentiment de cynisme ou de détachement vis-à-vis du travail.
Avec le temps, la situation s'aggrave et peut affecter la concentration, la mémoire, et la motivation au travail, rendant le quotidien difficile. Le manque de récupération énergétique, tant sur le plan physique qu’émotionnel, conduit alors à un épuisement complet.
Comment poser le diagnostic ? Quelle peut être l’utilité d’un bilan neuropsychologique ?
Le diagnostic se fonde principalement sur une anamnèse approfondie permettant de repérer l’association de ces symptômes avec une charge de stress chronique, surtout d'origine professionnelle.
Les autoquestionnaires, comme le Maslach Burnout Inventory (MBI), sont utiles pour évaluer les signes de burn out, en offrant une évaluation subjective du niveau de stress et de l’épuisement. Ils permettent de détecter des symptômes précurseurs avant qu'ils ne deviennent incapacitants. Mais le diagnostic est avant tout clinique, s'appuyant sur le retentissement fonctionnel et l’épuisement chronique.
Le bilan neuropsychologique peut être pertinent en cas de burn out sévère, pour évaluer les fonctions cognitives (mémoire, attention, concentration) impactées par l’épuisement.
Bien que l’OMS ne considère pas le burn out comme une maladie, ce syndrome a des conséquences importantes en termes de santé publique, avec une augmentation massive des congés maladie prolongés et des départs anticipés à la retraite.
Comment différencier un burn out d’un trouble anxieux chronique, d’un épisode dépressif ?
Le diagnostic différentiel entre un burn out, un trouble anxieux chronique et un épisode dépressif repose sur plusieurs critères.
Un trouble anxieux chronique
Un trouble anxieux avéré est caractérisé par des critères diagnostiques précis. En particulier, les trois entités suivantes, qui sont fréquentes, ne doivent pas être confondues avec un burn out :
- le trouble anxieux généralisé (TAG) : inquiétude excessive et incontrôlable pendant au moins six mois, associée à des symptômes physiques (fatigue, tension musculaire, troubles du sommeil, etc.). La personne a des difficultés à contrôler cette anxiété et les préoccupations affectent plusieurs domaines de la vie.
- le trouble panique : attaques de panique récurrentes et inattendues, accompagnées de symptômes physiques (palpitations, sueurs, tremblements, sensation d'étouffement), avec anticipations anxieuses centrées sur la peur d’une nouvelle attaque.
- l'anxiété sociale : peur persistante des situations sociales et de la critique des autres, conduisant à un évitement massif de ces événements.
Un épisode dépressif
Quant à un épisode dépressif caractérisé (cf. VIDAL Reco « Dépression »), il est absolument essentiel de le dépister, car il nécessite un traitement spécifique. Le tableau ci-après donne quelques repères pour différencier un burn out d'un l'épisode dépressif. Bien entendu, le burn out peut évoluer vers une dépression. Mais la présence d’une simple tristesse durant un burn out n'est pas nécessairement caractéristique d’un épisode dépressif en soi !
En cas de doute, il faut réaliser une évaluation approfondie du contexte professionnel, familial, et des symptômes spécifiques que présente le patient. Le Maslach Burnout Inventory (cf. ci-dessus) peut être utile pour évaluer le burn out et la PHQ-9 ou l’échelle de dépression de Hamilton pour évaluer la dépression (cf. VIDAL Flash Cards sur la dépression).
Concernant la dépression du post-partum, la présence de symptômes de dévalorisation, de culpabilité et une perte de plaisir généralisée doivent la faire suspecter. La dépression du post-partum est un état qui inclut souvent une tristesse intense, une culpabilité excessive, un isolement, des idées noires et/ou un désintérêt envers le bébé. En revanche, le burn out maternel est souvent centré sur la gestion du quotidien avec un sentiment de surcharge et s’améliore avec le repos. En cas de doute, orienter rapidement la patiente vers un psychiatre ou une consultation spécialisée.
Tableau - Distinguer un burn out d’un épisode dépressif
Burn out |
Dépression |
|
Origine principale |
Stress chronique lié à l’environnement professionnel (ou parental dans le cas du burn out parental). |
Multifactorielle complexe, sans nécessaire lien direct avec l’environnement professionnel (ce dernier représente un facteur parmi d’autres). |
Symptômes spécifiques |
|
|
Évolution |
Les symptômes s’améliorent nettement lors d’une période de repos ou d’éloignement du travail. |
Ne s'améliore pas uniquement avec le repos ; nécessite une prise en charge médicale spécifique. |
Diagnostic |
S’appuie sur des questionnaires comme le « Maslach Burnout Inventory ». |
Répond aux critères DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) pour un épisode dépressif caractérisé. |
Quels sont les facteurs de risque de burn out ?
Les caractéristiques, liées à l’environnement professionnel lui-même, jouent un rôle :
- pression managériale excessive et toxique ;
- attentes de rendement trop élevées et irréalistes ;
- ambiance de travail délétère ;
- mauvaise définition du poste, etc.
Le syndrome est également fréquent dans les métiers impliquant un investissement personnel élevé, comme les professions de santé, où les taux de burn out peuvent atteindre 30 à 50 % ! On pense évidemment aux difficultés que rencontre la profession, et en particulier les jeunes collègues internes qui portent quotidiennement un immense fardeau, au prix parfois de leur santé et de leur vie.
Le risque de burn out semble aussi exacerbé chez les personnes :
- extrêmement impliquées dans leur travail ;
- perfectionnistes ;
- ambitieuses, compétitives ;
- soucieuses de gestion du temps et de performance ;
- et/ou ayant des traits d’anxiété et de vulnérabilité émotionnelle.
Y a-t-il des répercussions spécifiques sur l’entourage ?
Le burn out peut avoir des répercussions importantes sur l’entourage, notamment sur la famille et les collègues. L’épuisement émotionnel et physique affecte la capacité de l’individu à s’engager socialement, ce qui peut entraîner de l’isolement et des tensions au sein de la famille.
Les proches peuvent se sentir négligés ou incompris, et des conflits peuvent émerger, notamment en raison de l’irritabilité ou de la perte de motivation du travailleur. Ces effets peuvent engendrer du stress chez les membres de la famille, entraînant un cercle vicieux d’épuisement et d’anxiété.
Quel est le pronostic du burn out ? Y a-t-il un risque suicidaire ?
Le pronostic du burn out dépend de sa sévérité et de la rapidité avec laquelle il est pris en charge. En cas de burn out sévère, des risques suicidaires peuvent exister, en particulier en cas de dépression caractérisée associée ou d’autres comorbidités (mésusage de l’alcool, etc.).
L’évolution peut varier : certains patients se rétablissent avec un long repos assorti d’un suivi médico-psychologique adapté, tandis que d’autres risquent des rechutes si les facteurs de stress ne sont pas résolus.
Les facteurs de bon pronostic incluent :
- une détection précoce ;
- un soutien familial et social fort ;
- une prise en charge appropriée (psychologique et professionnelle) ;
- et une réduction du stress au travail.
Quel est le traitement ?
Le traitement du burn out est souvent complexe et se fait au cas par cas. Il repose sur plusieurs axes et inclut :
- en premier lieu une réduction immédiate du stress professionnel. L’arrêt de travail fait souvent partie intégrante du traitement. En pratique, il est de l’ordre de trois mois et représente un temps privilégié pour débuter une prise en charge pluridisciplinaire ;
- une prise en charge psychologique (comme la thérapie cognitivo-comportementale) ;
- et parfois des médicaments antidépresseurs si une dépression associée est présente.
Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge ?
Le médecin généraliste joue un rôle clé dans la détection précoce du burn out, dans l’évaluation des complications éventuelles (en particulier la recherche d’une dépression caractérisée et l’évaluation systématique du risque suicidaire et de la consommation d’alcool ou de drogues), mais aussi dans la gestion des symptômes somatiques (fatigue, douleurs, troubles du sommeil, etc.) et dans l’orientation vers d’éventuels soins spécialisés. Il peut aussi aider à la réorganisation du travail ou à la mise en place d’aménagements pour limiter le stress au quotidien. Le soutien à la gestion du stress et à la prévention des rechutes est essentiel et l’articulation avec la médecine du travail, quand elle est possible, et avec l’accord du salarié, est également très importante (cf. Partie 2 qui sera traité dans un prochain article VIDAL).
Quand orienter vers un spécialiste ?
On doit orienter vers un psychiatre si :
- des idées suicidaires sont évoquées ;
- le tableau clinique est flou et ne s'améliore pas malgré une prise en charge initiale ;
- les symptômes perturbent fortement la vie quotidienne ou professionnelle.
Un dialogue étroit entre le généraliste et les spécialistes est essentiel pour clarifier le diagnostic et proposer un traitement.
Par ailleurs, les consultations spécialisées en santé mentale ou en médecine du travail sont cruciales pour un diagnostic approfondi, un suivi et des recommandations thérapeutiques. Elles permettent d'orienter vers des traitements ou une réadaptation professionnelle.
La Haute Autorité de santé
L’Assurance maladieUn burn out est-il considéré comme un accident de travail ? Guide pratique employeurs : La souffrance au travail, les risques psychosociaux en entreprise Le site souffrance-et-travail.comCe site a été créé par Marie Pezé (docteur en psychologie, ancien expert judiciaire) en 2010 sous l’égide de l’association diffusion des connaissances sur le travail humain. Il vise à informer des droits et des devoirs de tous les « travailleurs » par la mise en ligne en temps réel des connaissances scientifiques sur la souffrance au travail, ses conséquences médicales, administratives et juridiques. En particulier, un Guide pratique pour les médecins généralistes est disponible (mis à jour en septembre 2024). Les informations délivrées dans ce guide peuvent être très utiles pour la pratique quotidienne du médecin généraliste confronté à cette problématique. À titre d’exemple : modèles types d’arrêts maladies, de certificats médicaux, un questionnaire d’autoévaluation de l’épuisement professionnel, qui peuvent être utilisés par le clinicien ou par le patient lui-même. Il y a également un annuaire des consultations Souffrance et Travail avec plus de 200 consultations répertoriées en France, en Europe et dans les départements et régions d'outre-mer (DROM). Les professionnels sont des psychologues du travail, psychologues cliniciens, psychiatres, médecins… Ils ont tous une formation supplémentaire à la clinique du travail, au droit et aux stratégies médico-administratives (par exemple la vérification d’un contrat de prévoyance avant la délivrance d’un arrêt de travail…). Le ministère du Travail et de l’EmploiGuide d'aide à la prévention : Le syndrome d’épuisement professionnel ou burnout | Mieux comprendre pour mieux agir (mis à jour le 9 décembre 2024). Encadré proposé par Laurence Houdouin |
Bayes A, Tavella G & Parker G. The biology of burnout: Causes and consequences. The World Journal of Biological Psychiatry, 2021 Nov; 22(9): 686-698. doi: 10.1080/15622975.2021.1907713
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