Le recours à un antiseptique n'est pas systématique dans le soin des plaies.MDV Edwards / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Les antiseptiques jouent un rôle important dans la prévention des infections associées aux soins.
Des recommandations existent pour guider le praticien dans le choix de l’antiseptique en fonction des différents gestes.
La gestion des délais de péremption et le risque de contamination des produits imposent d’adapter leur conditionnement en fonction des besoins.
Les objets du quotidien, en particulier les téléphones portables, ne doivent pas être oubliés.
L’impact des biocides sur l’écosystème, qui in fine peut favoriser l’acquisition de résistances, oriente vers un usage raisonné.
Cette actualité a fait l'objet d'un premier article pour « Mieux connaître les antiseptiques ».
La prévention des infections associées aux soins, au cabinet médical comme lors des visites à domicile, se fonde sur l’application stricte de précautions standard, notamment hygiène des mains, port de gants, voire d’autres équipements de protection individuelle.
Dans ses recommandations pour l’hygiène des mains et le recours aux antiseptiques lors des soins, publiées en 2015, la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) avait proposé un guide synthétique sur l’utilisation des antiseptiques dans le cadre de différents gestes techniques, qui reste d’actualité même si le protocole d’application des produits a globalement été simplifié [1].
Quelles sont les règles générales communes à tous les antiseptiques ?
Tout antiseptique appliqué sur la peau a un effet d’inhibition de la cicatrisation et expose à un risque de sensibilisation, ce qui souligne la nécessité d'un emploi à bon escient, après évaluation du rapport bénéfice/risque et après avoir vérifié auprès du patient l’absence d’allergie ou d’intolérance connue (povidone iodée, chlorhexidine en particulier).
De façon générale, il faut laisser sécher l’antiseptique avant tout geste pour un effet optimal. L’ajout d’alcool dans de nombreux produits permet de raccourcir le temps de séchage, qui est ramené entre 30 et 60 secondes.
Les produits contenant de l’alcool ne peuvent être utilisés que sur une peau saine et sont inflammables.
Certains étant très sensibles à la présence de protéines, il faut veiller à réaliser un nettoyage minutieux avant leur application.
Quel antiseptique pour quel geste ?
- Avant une ponction veineuse sur peau saine (prélèvement hors hémoculture), une ponction artérielle pour gaz du sang, une injection sous-cutanée, intramusculaire ou intradermique, ou une glycémie capillaire :
- alcool à 60 % ou 70 %,
- ou chlorhexidine alcoolique 0,5 %,
- ou povidone iodée alcoolique 5 % (si disponible, à défaut povidone iodée dermique 10 %),
- ou chlorhexidine + benzalkonium + alcool benzylique ;
En cas de prélèvement pour une alcoolémie, la povidone iodée dermique est préférée.
- Pour l’acupuncture et la mésothérapie :
- chlorhexidine + benzalkonium + alcool benzylique,
- ou alcool à 70 %,
- ou chlorhexidine alcoolique 0,5 %,
- ou povidone iodée alcoolique 5 % (à défaut povidone iodée dermique 10 %) ;
- Pour une biopsie cutanée ou un geste de petite chirurgie (ou encore un tatouage ou un piercing) :
- chlorhexidine alcoolique 0,5 % ou 2 %,
- ou povidone iodée alcoolique 5 % (à défaut povidone iodée dermique 10%) ;
- Avant la pose d’une sonde urinaire ou un sondage évacuateur (hétérosondage) :
- savon doux + dérivés chlorés (ou gamme savon + antiseptique) ou povidone iodée dermique 10 % ;
- savon doux + dérivés chlorés (ou gamme savon + antiseptique) ou povidone iodée dermique 10 % ;
- Pour la pose et la manipulation d’une sonde gastrique ou un abord de sonde de gastrostomie :
- aucun antiseptique n’est nécessaire ;
- aucun antiseptique n’est nécessaire ;
- Pour la pose d’un dispositif intra-utérin :
- dérivés chlorés (Dakin),
- ou povidone iodée gynécologique 10 % ;
- Pour un accouchement par voie basse :
- dérivés chlorés (Dakin ou Amukine) ;
- dérivés chlorés (Dakin ou Amukine) ;
- Pour une rupture de la poche des eaux :
- dérivés chlorés ;
- dérivés chlorés ;
- Pour les soins de cordon :
- chlorhexidine + benzalkonium + alcool benzylique,
- ou Amukine ;
- Pour les soins bucco-dentaires :
- chlorhexidine « bain de bouche »,
- ou povidone iodée solution pour bain de bouche 10 % ;
- En cas d’injection intra-articulaire ou paravertébrale :
- chlorhexidine alcoolique 0,5 % ou 2 %,
- ou povidone iodée alcoolique 5 % (à défaut povidone iodée dermique 10 %) ;
- En cas de manipulation de perfusion veineuse périphérique, sous cutanée, de pose de cathéter pour perfusion veineuse ou perfusion sous-cutanée :
- chlorhexidine alcoolique 0,5 %,
- ou povidone iodée alcoolique 5 % (à défaut povidone iodée dermique 10 %).
Comment appliquer un antiseptique ?
Le mode d’application n’est pas systématiquement indiqué sur les produits.
Il est de façon générale recommandé d’utiliser une quantité suffisante, mais non excessive de produit actif, d’appliquer l’antiseptique sur une compresse selon un mouvement en spirale, en commençant par le point de piqûre ou d’insertion, ou de faire un mouvement de va-et-vient dans les deux sens.
Il faut prendre soin de laisser sécher l’antiseptique avant tout geste, le temps de séchage étant raccourci en présence d’alcool.
Quelle est la place des antiseptiques dans les soins de plaies ?
L’objectif des antiseptiques dans ce contexte est de prévenir ou traiter une infection. Mais que la plaie soit propre ou souillée, aiguë ou chronique, le recours à un antiseptique n’est pas systématique.
Dans les soins des plaies aiguës post-traumatiques ou postopératoires, l’utilisation des antiseptiques est débattue. Toutes les plaies ne s’infectent pas et les antiseptiques peuvent de leur côté retarder la cicatrisation via leur action sur la colonisation bactérienne.
Le nettoyage de la plaie à l’eau ou au sérum physiologique, voire au savon est mis au premier plan.
En pratique, seules les plaies à risque infectieux élevé, telles que celles par morsures humaines ou animales, les plaies profondes de nettoyage difficile ou encore celles survenant sur un terrain immunodéprimé, pourraient relever de l’usage d’antiseptiques (povidone iodée sous forme aqueuse, solutés chlorés, chlorhexidine aqueuse seule ou faiblement alcoolisée associée à un ammonium quaternaire).
Pour les soins des plaies chroniques (ulcères, escarres, plaies des diabétiques notamment), infectées ou non, les antiseptiques doivent rester exceptionnels.
Enfin, en cas de brûlures, le bénéfice éventuel des antiseptiques sur le risque d’infection et la cicatrisation est incertain.
Quelles sont les restrictions d’usage en fonction des populations ?
Chez les enfants, en particulier les prématurés et les nourrissons, le risque des antiseptiques est à la fois local (épiderme fragile et donc risque de brûlures) et systémique (passage à travers la barrière cutanée de l’alcool et de l’iode, avec des conséquences possibles à type d’alcoolisation et d’impact sur la thyroïde).
Ainsi, pour les prématurés et les nouveau-nés (moins d’un mois), la SF2H recommande de faire appel à la chlorhexidine faiblement alcoolisée associée à un ammonium quaternaire (Biseptine) ou à un antiseptique chloré. L’alcool pédiatrique peut être utilisé pour l’antisepsie de la tranche de section du cordon.
Il faut toutefois noter que, dans les pays développés et en milieu hospitalier, l’antisepsie du cordon n’a pas fait la preuve de sa supériorité sur le soin sec quant au risque de sepsis.
Pour les enfants de 1 à 30 mois : chlorhexidine faiblement alcoolisée associée à un ammonium quaternaire (Biseptine), antiseptiques chlorés ou chlorhexidine alcoolique.
Après l’âge de 30 mois, l’antisepsie fait appel aux mêmes produits que chez l’adulte.
Chez la femme enceinte, une seule restriction d’usage est mentionnée dans les résumés des caractéristiques des produits. Elle concerne la povidone iodée, qui ne « doit pas être utilisée de façon prolongée durant les 2e et 3e trimestres de la grossesse ».
Quelles modalités de désinfection des mains ?
La désinfection des mains occupe une place essentielle dans la prévention des infections associées aux soins, mais elle permet également de prévenir la transmission croisée, l’infection du soignant et la contamination de l’environnement.
Depuis l’épidémie de Covid-19, le recours aux produits hydroalcooliques en friction, mode de désinfection des mains recommandé pour les soins, a connu un net essor. Cependant, pour la population générale, le lavage des mains à l’eau et au savon doit rester la règle, notamment en raison de son moindre impact sur l’environnement.
Et pour le téléphone, le stéthoscope, l’ordinateur ?
Tout comme les surfaces et le matériel, les objets du quotidien des soignants ne doivent pas être oubliés, car ils sont eux aussi vecteurs de transmission de nombreux germes.
Les données issues de plusieurs études menées notamment dans différents services de médecine adultes et enfants au CHU de Saint-Etienne illustrent bien cette problématique : de l’ARN viral a été mis en évidence sur près de 40 % des téléphones mobiles utilisés quotidiennement dans les services, en particulier de pédiatrie, dans une étude de 2016, et la présence de virus et de bactéries a été constatée sur les deux tiers des téléphones analysés dans un autre travail de 2020 [2, 3]. Le risque de contamination des téléphones mobiles, qui sont de plus en plus utilisés par les soignants dans le cadre des soins (consultation de protocoles, d’algorithmes...), a été bien mis en évidence dans une méta-analyse récente [4].
Cela conduit à préconiser un nettoyage à intervalle régulier (si possible au moins une fois par jour) des objets du quotidien, qu’il s’agisse des téléphones, des ordinateurs (claviers et écrans) ou des stéthoscopes, avec des lingettes imbibées de détergents/désinfectants disponibles dans le commerce pour la désinfection. Les stéthoscopes sont désinfectés également avec de l’alcool à 70°.
Quel impact sur l’écosystème et les résistances bactériennes ?
Les biocides se retrouvent dans l’environnement, notamment dans les eaux souterraines, avec un impact sur la microflore et la microfaune et donc sur l’ensemble des chaînes trophiques. Ils peuvent induire l’activation de gènes de résistance et in fine des résistances bactériennes croisées avec les antibiotiques.
La préservation de l’efficacité des antibiotiques passe donc aussi par un usage raisonné des biocides utilisés en antisepsie et désinfection.
D’après un entretien avec les Professeurs Philippe Berthelot et Bruno Pozzetto, CHU Saint-Etienne, coordinateurs avec Raphaële Girard de la deuxième édition de l’ouvrage Antiseptiques et désinfection en médecine humaine [5].
[1] Bonnes pratiques essentielles en hygiène à l’usage des professionnels de santé en soins de ville. Recommandations SF2H, novembre 2015
[2] S. Pillet et al. Contamination of healthcare workers' mobile phones by epidemic viruses. Clinical Microbiology and Infection, 2016; 22:e21. doi: 10.1016/j.cmi.2016.07.024
[3] Cantais A et al. Contamination of hospital pediatricians' mobile phones. Microorganisms, 2020 Dec 16; 8(12): 2011. doi 10.3390/microorganisms8122011
[4] De Groote P et al. Mobile phones as a vector for healthcare-associated infection: A systematic review. Intensive Crit Care Nurs., 2022 Oct; 72: 103266. doi: 10.1016/j.iccn.2022.103266
[5] Berthelot Philippe, Girard Raphaële, Pozzetto Bruno (coordonnateurs). Antisepsie et désinfection en médecine humaine, 2e édition, 2024, Éditions ESKA, 395 p.
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