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Fibrillation atriale : qui et comment dépister ?

Le dépistage de la FA est recommandé de façon « opportuniste » après 65 ans, en « population » après 75 ans (ou après 65 ans s’il existe des facteurs de risque embolique), et de façon impérative en cas d’AVC cryptogénique, si besoin par moniteur ECG implantable.

Isabelle Hoppenot 14 novembre 2024 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les objets connectés peuvent avoir un intérêt pour le dépistage d’une FA dans certains cas.

Les objets connectés peuvent avoir un intérêt pour le dépistage d’une FA dans certains cas.Sitthiphong / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Une personne de plus de 55 ans sur trois présente une fibrillation atriale (FA), qui est associée à un risque accru d’embolie systémique et d’accident vasculaire cérébral. 

Dépister ce trouble du rythme en population générale, pour permettre de traiter par anticoagulants des FA sinon méconnues, n’apporte qu’un très faible bénéfice clinique.

Un dépistage opportuniste, par la simple prise du pouls, lors des consultations médicales, est ainsi recommandé après 65 ans, sauf situations à risque embolique élevé, ou si la personne a plus de 75 ans, ce qui peut justifier un dépistage par électrocardiogramme (ECG) de longue durée.

Après un AVC cryptogénique, une recherche active d’une FA s’impose.

Quelles que soient les circonstances de sa découverte, le diagnostic de FA doit toujours être confirmé par un tracé ECG.

La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme le plus fréquent, qui concernerait une personne sur trois après l'âge de 55 ans, plus souvent les hommes que les femmes. Sa prévalence est en augmentation, en particulier dans les pays industrialisés, conséquence de l’impact des facteurs de risque « sociétaux », d’un meilleur diagnostic, de l’accroissement et du vieillissement de la population.

Quels sont les facteurs associés à la survenue d’une FA ?

L’âge, le sexe masculin, une origine européenne et un faible statut socio-économique sont des facteurs associés à la FA, sur lesquels on ne peut évidemment pas agir.

D’autres facteurs de risque, comme les habitudes de vie, sont modifiables :

  • le tabagisme ;
  • la consommation d’alcool ;
  • la sédentarité.

Enfin, pour certains facteurs de risque, des mesures de prise en charge peuvent être instituées (détaillées dans les récentes recommandations de la Société européenne de cardiologie [1]) :

  • hypertension artérielle ;
  • insuffisance cardiaque ;
  • diabète ;
  • surpoids et obésité.

Quel est l’intérêt du dépistage en population générale ?

La FA expose à un certain nombre de complications, dont la survenue d’un accident vasculaire cérébral, qui est imputable à une FA dans environ 20 % des cas. 

L’intérêt théorique du dépistage en population générale, le « screening » des Anglo-Saxons, est de pouvoir mettre en évidence une FA occulte pouvant conduire à une prise en charge thérapeutique, notamment l’administration d’anticoagulants, afin de réduire le risque thrombo-embolique.

Plusieurs études se sont penchées sur cette question et in fine, les preuves des bénéfices du dépistage sont très ténues.

Un dépistage « une fois en instantané » (« snapshot ») chez des sujets de 65 ans et plus, ne permet pas de diagnostiquer davantage de FA qu’un suivi habituel des patients, avec prise de pouls lors des consultations médicales de routine. 

Deux études ont évalué l’intérêt d’un dépistage par une méthode prolongée.

L’essai STROKESTOP, mené en Suède chez des sujets âgés précisément de 75 et 76 ans, a comparé un dépistage à raison de 2 ECG à une dérivation par jour pendant 2 semaines à une prise en charge habituelle [2]. Après un suivi moyen de 6,9 ans, cette étude a montré un bénéfice, certes significatif, mais très marginal du dépistage prolongé sur le critère d’évaluation combinant décès de toutes causes, AVC, embolie et hémorragie sévère : odds ratio de 0,96. 

Le deuxième essai, LOOP, a inclus des patients à risque accru d’embolie qui ont bénéficié ou non d’un moniteur ECG implantable et qui ont été suivis pendant 3,3 ans en moyenne [3]. Malgré un taux plus élevé de détection de la FA et de mise sous anticoagulants dans le groupe « moniteur » en comparaison du groupe témoin, aucune différence n’a été retrouvée quant au risque d’embolie systémique et d’AVC.

Que disent les recommandations européennes de 2024 ?

S'appuyant sur ces résultats, les experts de la Société européenne de cardiologie préconisent dans leurs recommandations de 2024 :

  • un dépistage dit « opportuniste » à partir de 65 ans (recommandation de classe IC) ;
  • un dépistage en population reposant sur un ECG prolongé non invasif chez les patients à partir de 75 ans, ou à partir de 65 ans en présence de facteurs de risque thrombo-embolique selon le score CHA2DS2-VA (recommandation de classe IIa B, donc avec un niveau un peu moindre que pour le dépistage opportuniste).

Quelle place pour les objets connectés ?

Depuis quelques années, de nombreux appareils connectés, notamment des montres, ont été développés. Ils s'appuient majoritairement sur la photopléthysmographie (technique optique d'exploration fonctionnelle vasculaire non invasive), moins souvent sur un enregistrement ECG.

En population générale, les études font encore aujourd’hui défaut pour conclure à l’intérêt de ces approches sur des critères cliniques (AVC, embolie systémique par exemple). Et, il faut préciser que les épisodes de FA ainsi dépistés sont sans doute moins emboligènes que ceux mis en évidence sur un ECG lors d’une consultation médicale.

En revanche, ces appareils connectés apparaissent intéressants chez les personnes présentant des palpitations pour faciliter le diagnostic de FA. Mais soulignons que ce dernier se fonde toujours sur la mise en évidence du trouble du rythme sur un ECG d’une durée d’au moins 30 secondes.

Quel dépistage après un AVC cryptogénique ?  

Un AVC sur cinq serait lié à une FA, le plus souvent occulte, ce qui souligne l’importance de la recherche active d’une FA en cas d’AVC sans cause évidente.

Des recommandations ont été rédigées récemment, conjointement par la Société française de cardiologie et la Société française neurovasculaire [4]. Elles détaillent les modalités de la stratégie visant à rechercher une FA dans ce contexte, et notamment la place des moniteurs ECG implantables, gold standard pour ce diagnostic. Cependant, leur utilisation se heurte aujourd’hui au problème du temps nécessaire en télécardiologie pour l’interprétation des tracés, qui n’est pas valorisé.   

Que faire en cas d’épisodes de FA détectés chez un patient porteur d’un stimulateur/défibrillateur ?

L’enregistrement d’épisodes d’arythmies atriales à haute fréquence chez les patients porteurs d’un stimulateur/défibrillateur conduit à un diagnostic de FA infraclinique chez 30 % d’entre eux, mais les bénéfices d’une anticoagulation sont discutés. En effet, deux études publiées en 2023, NOAH-AFNET6 et ARTESIA [56], ont donné des résultats contradictoires.

La première n’a pas montré de bénéfice de l’anticoagulation sur le risque de décès cardiovasculaire ou d’embolie.

À l’inverse, la seconde a mis en évidence une réduction du risque d’AVC ou d’embolie systémique avec l’anticoagulation, au prix d’une augmentation des saignements majeurs.

Ces résultats, en apparence contradictoires, peuvent toutefois être réconciliés puisque les deux études montrent une diminution du nombre d'accidents vasculaires cérébraux dans le bras anticoagulation.

Par ailleurs, ils confirment que la FA infraclinique est moins emboligène que la FA clinique, le seuil à partir duquel l’anticoagulation est bénéfique (nombre d’épisodes, durées) étant ainsi plus élevé.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Claude Deharo, chef du service de Cardiologie-rythmologie, hôpital de La Timone (Marseille), secrétaire général du bureau de la Société française de cardiologie.

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