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Échinococcoses : rares, mais souvent graves

Comment dépister et prévenir les échinococcoses, dues aux ténias du chien et du renard ? La question est d'importance, car si ces zoonoses sont rares, elles sont potentiellement graves et réclament souvent un traitement chirurgical.

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L'échinococcose du renard est une zoonose parasitaire présente dans l'hémisphère nord.

L'échinococcose du renard est une zoonose parasitaire présente dans l'hémisphère nord.JMrocek / iStock / via Getty Images

Résumé

Chaque année, en France, entre 250 et 300 hospitalisations sont dues à la contamination par les œufs de deux ténias des canidés (échinocoques du chien et du renard). Celle-ci a eu lieu des années avant l’apparition de symptômes le plus souvent hépatiques ou pulmonaires, potentiellement graves.

Même si ces échinococcoses sont essentiellement régionales (Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur [PACA]), des cas peuvent survenir dans tout le pays, chez des personnes ayant consommé des végétaux contaminés lors d’un séjour ancien en zone endémique.

Si le diagnostic de ces zoonoses parasitaires est relativement simple, leur traitement implique un recours à la chirurgie (voire à la greffe hépatique) complété par un traitement antiparasitaire.

La sensibilisation des professionnels de santé des régions les plus touchées permet aujourd'hui un diagnostic plus précoce et un meilleur pronostic.

Les échinococcoses sont des zoonoses parasitaires dues aux larves de diverses espèces de ténia des canidés. En Europe, on distingue :

  • l’échinococcose alvéolaire due à Echinococcus multilocularis (ténia du renard), présente seulement dans l’hémisphère nord ;
  • l’échinococcose kystique (ou hydatidose) due à Echinococcus granulosus (ténia du chien), présente sur l’ensemble du globe (sauf l’Antarctique).

Il existe également des formes tropicales d’échinococcoses [1].

Dans certaines conditions, une personne peut devenir l’hôte intermédiaire de ces parasites [2] qui provoquent alors, après une longue période de latence, des symptômes qui peuvent être graves s’ils sont dépistés tard, en particulier dans la forme alvéolaire.

Le cycle des échinocoques présents en France

Dans l’intestin de leur hôte définitif (renard ou chien), les échinocoques pondent des œufs qui sont disséminés via les selles. Ces œufs sont très résistants, avec une durée de survie à l’air libre d’environ trois mois en été et de plus de un an dans des conditions plus froides et humides. Ils contaminent des végétaux qui sont ensuite consommés par les hôtes intermédiaires habituels (rongeurs et autres micromammifères pour le ténia du renard ; moutons, chèvres, bovins, porcs pour le ténia du chien). Une fois ingérés, les œufs éclosent pour donner des larves qui se fixent dans leur foie, leurs poumons, leur rate, leur système nerveux central, etc. Lorsque l’hôte définitif consomme ces hôtes intermédiaires (ou leurs viscères dans le cas des animaux d’élevage), il s’infecte et les larves se transforment en vers adultes prêts à se reproduire.

L’être humain peut ingérer accidentellement des œufs, soit en mangeant des plantes contaminées (salades, pissenlits, légumes proches du sol, fruits tombés, baies diverses, champignons, etc.), soit par voie manuportée après avoir touché la fourrure d’un animal contaminé ou s’être fait lécher les mains par celui-ci [3]. La transmission par morsure est possible mais exceptionnelle, donnant des symptômes atypiques. Il n’y a pas de transmission interhumaine.

À la suite de cette contamination, les œufs vont éclore et les larves se fixer dans divers organes, selon le ténia en cause :

  • pour E. multilocularis, dans le foie (97 % des cas), exceptionnellement dans les poumons, la rate, le diaphragme ou le cerveau ;
  • pour E. granulosus, dans le foie (60 % des cas), les poumons (30 %), la rate, les os, les reins, les muscles ou le cerveau.

Au bout d’une longue période de latence asymptomatique (quelques années, jusqu’à quinze ans pour E. multilocularis), les kystes larvaires vont provoquer des symptômes. À noter, les humains sont souvent résistants à l’implantation et/ou au développement des larves. Les patients immunodéprimés (par une maladie ou un traitement immunosuppresseur) sont davantage sujets à des formes opportunistes d'apparition plus rapide, avec des symptômes plus sévères.

En France, les échinococcoses sont des maladies régionales

L’échinococcose alvéolaire n’est pas une maladie à déclaration obligatoire en France. Depuis 2003, sa surveillance est fondée sur le réseau de déclarants volontaires FrancEchino, coordonné depuis 2012 par le Centre national de référence - Échinococcoses (CNR-É) de Besançon. Depuis 2017, l’échinococcose kystique, qui n’est pas non plus à déclaration obligatoire, est surveillée par l'Observatoire français des cas d’échinococcose kystique (réseau Ofrekys).

Concernant l’échinococcose alvéolaire, une surveillance autopsique des renards est régulièrement effectuée. Jusqu’à la fin des années 1990, l’aire connue d’enzootie chez le renard était limitée à une quinzaine de départements du nord-est de la France et à l’Auvergne. Une étude menée de 2005 à 2017 sur 44 départements français, avec près de 5 000 renards analysés, a permis de mettre en évidence une expansion de la présence du parasite vers l’ouest et le sud, ce qui a soulevé des inquiétudes en termes d’impact sur la santé humaine.

En octobre 2024, Santé publique France a publié une étude [4] portant sur 4 454 hospitalisations pour échinococcose signalées dans le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) entre 2006 et 2022 :

  • 407 cas avaient été codés comme « échinococcose alvéolaire » (une moyenne de 25 cas/an) ;
  • 1 546 comme « échinococcose kystique » (97 cas/an en moyenne) ;
  • 150 avaient à la fois un codage « alvéolaire » et un codage « kystique » (56 % se sont révélés alvéolaires et 31 % kystiques) ;
  • 2 341 avait eu un codage « échinococcose » sans précision de l’espèce (qui semblent avoir principalement été des formes kystiques).

Les cas d’échinococcose alvéolaire étaient essentiellement signalés en régions Bourgogne-Franche-Comté (26 % des cas), Grand-Est (24 %) et Auvergne-Rhône-Alpes (incidence annuelle moyenne : 0,04 hospitalisation pour 100 000 habitants). Cinq départements (Doubs, Haute-Saône, Jura, Vosges, Haute-Savoie) rassemblaient 60 % des cas français recensés.

Les cas d’échinococcose kystique ont été signalés dans les régions Île-de-France (22 %), Auvergne-Rhône-Alpes (17 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) (14 %) et Grand-Est (13 %) (incidence annuelle moyenne : 0,14 hospitalisation pour 100 000 habitants). En PACA, la Corse est la plus affectée avec une incidence annuelle moyenne de 0,65 hospitalisation pour 100 000 habitants (on est encore loin des 50 cas pour 100 000 personnes dans certaines régions du monde). Les éleveurs ovins, les bergers et les propriétaires de chiens en liberté sont particulièrement touchés par cette forme.

Les hommes semblent aussi touchés que les femmes pour les deux formes, avec des âges médians allant de 49 à 56 ans selon les groupes, cohérents avec la grande latence clinique avant apparition des symptômes. Le nombre annuel de cas de formes alvéolaires évolue à la baisse avec le temps, ce qui semble rassurant considérant l’expansion de la zone de présence du parasite chez les renards. Mais une étude suisse a montré qu'il existe un décalage dans le temps d’environ 10 ans entre l’évolution de la population des renards et celle du nombre de cas humains  [3].

Les symptômes dans l’espèce humaine

L’échinococcose alvéolaire est asymptomatique chez le renard. Le chien contaminé par E. granulosus (beaucoup plus rarement par E. multilocularis) peut présenter des symptômes classiques de vers digestifs : diarrhée, prurit anal (« signe du traîneau » où le chien frotte son postérieur sur le sol), coprophagie.

Le diagnostic de kystes d’échinococcose chez un être humain est, dans environ les deux tiers des cas, une découverte fortuite à la suite d’un examen d’imagerie médicale ou d’une recherche de marqueurs de souffrance hépatique, pendant la phase de latence. Le pourcentage de diagnostic en phase asymptomatique est en augmentation depuis quelques années (60 % des diagnostics), en partie grâce à des campagnes de sensibilisation en zones endémiques. La découverte de la maladie en présence d'un ictère, autrefois fréquente, ne représente plus que 5 % des diagnostics [5].

Les symptômes des échinococcoses sont légèrement différents selon le ténia qui en est à l’origine :

  • lors d’échinococcose alvéolaire, les symptômes les plus courants sont des signes d’insuffisance hépatique, une hépatomégalie, un ictère, des maux de ventre, des nausées, des vomissements, une asthénie, une anorexie ou une perte de poids. Parfois sévères, ces symptômes peuvent entraîner le décès en l’absence de traitement ;
  • lors d’échinococcose kystique, les symptômes sont plus divers en raison de la plus grande variété de localisation des larves. Aux symptômes hépatiques décrits ci-dessus, s’ajoutent par exemple la toux chronique, l’hémoptysie, l’essoufflement ou des douleurs thoraciques en lien avec l’infestation pulmonaire. Cette forme d’échinococcose est moins grave que la forme alvéolaire et ne met habituellement pas la vie en danger.

Le diagnostic des échinococcoses repose sur l’échographie, éventuellement précisée par une imagerie par résonance magnétique (IRM) ou une tomodensitométrie (TDM). La sérologie parasitaire à visée de dépistage n’est pas recommandée : certaines personnes vivant en zone endémique peuvent avoir des anticorps dirigés contre le parasite sans pour autant développer la maladie.

Quel traitement pour éliminer les kystes ?

Le traitement des échinococcoses repose sur l’élimination des kystes et la prévention des rechutes lorsque cette élimination n’a pas pu être complète. La stratégie est personnalisée en fonction du ténia et des images échographiques du ou des kystes.

La forme alvéolaire est systématiquement traitée par une intervention chirurgicale destinée à enlever toute la masse parasitaire [5]. Cela n’est possible que lorsque la maladie n’a pas trop évolué et que les grosses voies biliaires et les gros vaisseaux n’ont pas été envahis. Les dommages hépatiques requièrent parfois le recours à la greffe de foie. Parce que les diagnostics sont de plus en plus précoces, la chirurgie de l’échinococcose alvéolaire est curative chez 30 à 40 % des patients, un pourcentage en nette hausse. Un traitement antihelminthique (albendazole) peut être associé ou administré seul selon les cas.

Les kystes d’hydatidose sont éliminés par voie percutanée selon la méthode PAIR (ponction, aspiration, injection, réaspiration), parfois par chirurgie. Un traitement vermifuge peut être donné en complément.

Comment prévenir la contamination par des œufs d’échinocoques ?

La prévention des échinococcoses repose sur diverses mesures, à adopter dans les zones endémiques [6] :

  • pour la forme alvéolaire, éviter de consommer crus des fruits ou des légumes ramassés sur le sol ou à moins de 50 cm de hauteur. Attention, ni le lavage (même avec des désinfectants), ni la congélation domestique n’éliminent le risque de contamination. Seule la cuisson à plus de 60 °C (ou la surgélation à - 80 °C pendant plusieurs jours) détruit efficacement les œufs ;
  • se laver systématiquement les mains en rentrant du jardin ou de balade dans la campagne, ou après avoir caressé un animal dont on ne connaît pas le statut parasitaire ;
  • protéger son potager/jardin avec une clôture capable de prévenir la visite des renards ;
  • porter des gants pour manipuler les animaux sauvages, morts ou vivants ;
  • vermifuger ses chiens tous les mois avec du praziquantel (les chats sont parfois porteurs de ces ténias, mais la transmission à l’homme semble anecdotique).
Conclusion

Même si elles sont régionales, les échinococcoses doivent être envisagées en présence de symptômes hépatiques ou pulmonaires inhabituels chez des sujets d’âge moyen. Un séjour touristique en zone endémique suffit à la contamination, mais l’interrogatoire le révèle rarement, du fait du très grand délai de latence entre cette contamination et l’apparition des symptômes.

Cette vigilance doit être accrue dans les populations à risque, en zone endémique : bergers, éleveurs ovins, vétérinaires, forestiers, toiletteurs, ainsi que les personnes qui consomment régulièrement des végétaux ramassés dans la nature. Pour ces dernières, le rappel des consignes de prévention, en particulier le lavage des mains et la cuisson adéquate de ces végétaux, est indispensable.

Sources

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