Interview de Agathe Raynaud-Simon, présidente du Collectif de lutte contre la dénutrition.Infographie VIDAL réalisée par le studio graphique de VIDAL.
- Podcast - La dénutrition touche plus de 2 millions de personnes en France, mais cette maladie reste méconnue, tardivement repérée. D’où l’importance de sensibiliser les professionnels de santé, les professionnels de l'aide à domicile et la population. À l'occasion de la 5e édition de la Semaine nationale de la dénutrition qui se déroule du 12 au 19 novembre 2024, Agathe Raynaud-Simon, présidente du Collectif de lutte contre la dénutrition et médecin-chef du département de gériatrie à Bichat, Beaujon AP-HP, donne les outils de repérage et de prise en charge de cette pathologie.
TRANSCRIPTION
VIDAL News. Parole d'expert. David Paitraud reçoit le professeur Agathe Raynaud-Simon, gériatre et présidente du Collectif de lutte contre la dénutrition.
La dénutrition touche plus de 2 millions de personnes en France, mais cette maladie reste méconnue, tardivement repérée, d'où l'importance d'en parler, de sensibiliser à la fois les professionnels de santé, les professionnels de l'aide à domicile et la population. C'est l'objectif de la Semaine nationale de la dénutrition.
En 2024, la 5e édition se déroule du 12 au 19 novembre 2024. Agathe Raynaud-Simon, vous êtes la présidente du Collectif de lutte contre la dénutrition qui organise cette semaine de sensibilisation. Vous êtes également médecin-chef du département de gériatrie à Bichat, Beaujon AP-HP.
Aujourd'hui, la dénutrition est considérée comme une maladie. Qu'est-ce que ça change ?
Agathe Raynaud-Simon. C'est une maladie, qui a des critères diagnostiques, et qui a un traitement. Considérer la dénutrition comme une maladie implique qu'il faut la diagnostiquer, la dépister d'abord, et ensuite la traiter. Il est important de ne pas considérer la dénutrition, la perte de poids, le manque d'appétit comme seulement un effet collatéral de certaines maladies. C'est une maladie à part entière, qui a ses complications et son traitement.
Le Collectif, que vous présidez, qualifie la dénutrition « d'enjeu sanitaire silencieux ». Pourquoi ?
C'est un enjeu sanitaire parce que cela représente plus de 2 millions de personnes : des enfants, des adultes, des malades chroniques, des personnes âgées.
Et il est silencieux parce que ne pas manger quand on n'a pas très faim, les personnes ne s'en plaignent pas forcément. Beaucoup de professionnels de santé ne se préoccupent pas forcément d'une perte de poids et les malades ne posent pas la question non plus. Finalement, on reste dans un silence du côté des professionnels, comme du côté des patients. Et c'est bien là le problème. D’où l'intérêt d'une semaine de sensibilisation.
Ce n'est pas normal de perdre du poids quand on est malade. Cette perte de poids, il faut la mesurer, en prenant régulièrement le poids. Il faut la traiter, avec les outils dont on dispose, sur le plan diététique, sur le plan des compléments nutritionnels oraux et sur le plan de la nutrition artificielle quelquefois.
Pour les professionnels de santé, quels sont les leviers pour améliorer le repérage, d'une part, et la prise en charge, d'autre part ?
Il y a un levier très simple pour améliorer le repérage, c'est de peser régulièrement les personnes. On pèse et on mesure les enfants régulièrement. En grandissant, en vieillissant, on a besoin d'une surveillance un peu moins rapprochée que celle des enfants. Mais en réalité, les changements de poids sont des indicateurs très sensibles de l'état de santé.
Une perte de poids, surtout si elle est importante et rapide, et même une perte de poids étalée sur plusieurs années, peut témoigner d'un problème de santé. Donc le poids est vraiment le premier indicateur.
Après, on peut aussi regarder la fonction musculaire, la masse musculaire et d'autres critères, c'est un peu plus précis. Mais pour l'ensemble des professionnels et des personnes concernées, ce sera la mesure du poids.
En ce qui concerne la prise en charge, la question n'est pas facile, parce qu'il faut adapter des conseils nutritionnels à la personne. On s'aperçoit que les meilleures prises en charge nutritionnelles sont celles qui sont très individualisées. Et pour individualiser une prise en charge nutritionnelle, on a besoin d'une consultation diététique pour faire en sorte que la personne atteigne ses besoins nutritionnels, mais qu'elle le fasse dans le respect de ce qui lui fait plaisir, dans son rythme alimentaire, dans ses habitudes alimentaires. C'est vraiment l'enjeu le plus important.
La deuxième chose : pour manger plus quand on n'a pas faim, le plus important est de rendre l'alimentation plus dense, c'est-à-dire qu'il faut manger des choses riches en protéines, riches en énergie. On va aussi proposer à des personnes dénutries de manger des aliments, en particulier gras et sucrés, qui apportent de l'énergie. Ce qu'on ne doit pas manger pour ne pas trop grossir, il faut le manger pour ne pas trop maigrir.
Quels sont les professionnels de santé qui peuvent s'impliquer dans le repérage et la prise en charge de la dénutrition ?
Tous les professionnels de santé sont concernés. Tous ceux qui sont en contact avec des patients, qui les voient régulièrement, permettent justement de surveiller le poids, l'état général, demander comment est l'appétit. C'est une stratégie très pluriprofessionnelle. On aimerait bien que tous ces professionnels soient suffisamment organisés entre eux et communiquent entre eux pour pouvoir évoquer les causes et le traitement des pertes de poids.
La Semaine nationale de la dénutrition 2024 se déroule du 12 au 19 novembre, mais le repérage de la dénutrition se pratique toute l'année.
Interview : David Paitraud, pharmacien
Montage : Robin Benatti & David Paitraud
Remerciements : Agathe Raynaud-Simon, présidente du Collectif de lutte contre la dénutrition et médecin-chef du département de gériatrie à Bichat, Beaujon AP-HP
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