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Bactériurie asymptomatique chez le sujet âgé : un risque de bactériémie très faible  

Une étude de cohorte américaine confirme que chez les sujets âgés hospitalisés avec bactériurie asymptomatique, le risque de bactériémie est très faible. En l’absence de facteurs de risque, la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste n’est pas justifiée.   

Isabelle Hoppenot 17 octobre 2024 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Des antibiothérapies parfois inutiles ou inappropriées.

Des antibiothérapies parfois inutiles ou inappropriées.RHJ / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Les infections urinaires, en particulier chez les sujets âgés ayant des troubles neurocognitifs, sont une cause majeure d’antibiothérapies inutiles et/ou inappropriées, qui exposent à des effets secondaires délétères.

Une étude de cohorte américaine ayant inclus plus de 11 500 patients âgés hospitalisés souligne que, en l’absence de signes systémiques d’infection, le risque de bactériémie est très faible, de 1,4 % sur l’ensemble de la cohorte et de 0,7 % chez les sujets ayant des altérations neurocognitives, voire une démence.

La présence de certains facteurs est associée à un risque accru de bactériémie : sexe masculin, hypotension, présence d’au moins deux marqueurs de réponse inflammatoire systémique, rétention urinaire, fatigue, hyperleucocytose et pyurie.

Des résultats en accord avec les recommandations américaines, qui préconisent de surveiller les sujets sans signes systémiques d’infection et de mettre en route une antibiothérapie probabiliste dans le cas contraire. 

Les infections urinaires sont l’une des infections les plus surdiagnostiquées et surtraitées. Il a été rapporté récemment aux États-Unis plus de 50 % d’antibiothérapies inutiles et/ou inappropriés en médecine de ville. Elles le sont particulièrement chez les personnes âgées hospitalisées et celles présentant une pathologie neurocognitive telle une démence.

Les troubles des fonctions supérieures constituent ainsi l’un des principaux facteurs motivant une antibiothérapie en cas de bactériurie asymptomatique, et ce malgré les recommandations des sociétés savantes, notamment aux États-Unis la Infectious Diseases Society of America (IDSA) [1].

La crainte d’une évolution défavorable

L’une des raisons de ce surtraitement est la crainte d’une évolution défavorable, telle qu’une bactériémie d’origine urinaire, en cas de retard à la mise en route du traitement antibiotique probabiliste.

Les données de la littérature dans ce contexte sont néanmoins rares et contradictoires. Certaines études suggèrent que l’absence de traitement précoce en cas de bactériémie ou de sepsis sévère peut accroître la mortalité. À l’inverse, d’autres soulignent que traiter une bactériurie asymptomatique n’améliore pas l’évolution clinique et est au contraire associé à une surconsommation de soins, des effets secondaires et à un risque accru d’infections à Clostridioides difficile.  

Évaluer le risque de bactériémie

Des travaux antérieurs ont suggéré l’intérêt d’évaluer le risque individuel de complications (par exemple à l'aide d'un outil de calcul approprié), et de ne traiter que les patients ayant un risque de bactériémie supérieur à 2 %. Mais il n’existe pas de score validé pour estimer ce risque en cas de bactériurie asymptomatique chez les sujets âgés hospitalisés. 

L'objectif d'une vaste étude de cohorte multicentrique américaine a été de se pencher spécifiquement sur cette question [2]. Elle a inclus 11 590 patients âgés (médiane : 78 ans), hospitalisés (à l’exclusion des unités de soins intensifs) entre juillet 2017 et juin 2022 et porteurs d’une bactériurie asymptomatique.

Plusieurs éléments susceptibles d’être associés à une bactériémie ont été pris en compte, notamment l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, des antécédents de complications urologiques, des comorbidités, une démence, des signes ou symptômes non spécifiques comme une fatigue, une hyperleucocytose.

Sur le total de la cohorte, 72,2 % des participants ont reçu une antibiothérapie pour infection urinaire alors qu'une bactériémie d’origine présumée urinaire a été rapportée chez 1,4 % des patients. De plus, seuls 17 des 2 126 malades (soit 0,7 %) ayant des troubles neurocognitifs et sans signes systémiques d’infection ont eu une bactériémie.

L’analyse multivariée a permis de mettre en évidence plusieurs paramètres associés à ce risque : le sexe masculin (odds ratio ajusté [ORa] = 1,45 ; IC95% [1,02-2,05]), une hypotension (ORa = 1,86 ; IC95% [1,18-2,93]), la présence d’au moins deux marqueurs systémiques de réponse inflammatoire (ORa = 1,72 ; IC95% [1,21-2,46]), une rétention urinaire (ORa = 1,87 ; IC95% [1,18-2,96]), une fatigue (ORa = 1,53 ; IC95% [1,08-2,17]), une hyperleucocytose (ORa = 3,38 ; IC95% [2,48-4,61]) et une pyurie (ORa = 3,31 ; IC95% [2,10-5,21]).

Cependant, aucun de ces facteurs pris isolément n’a été associé à un risque de bactériémie de plus de 2 %.

En utilisant ce seuil de 2 %, les auteurs estiment que 78,4 % des antibiothérapies empiriques auraient pu être évitées chez les patients ayant un faible risque de bactériémie.

Pas d’impact de la démence

Ils soulignent également qu’un âge élevé, des altérations neurocognitives et notamment une démence ou encore une modification de l’aspect des urines n'étaient pas associées à un risque accru de bactériémie.

Un constat qui va dans le sens de la faible rentabilité des examens d’urines et des hémocultures chez les sujets âgés hospitalisés sans signes systémiques d’infection et qui ne plaide pas en faveur d’une antibiothérapie probabiliste.

Les auteurs indiquent aussi qu’en l’absence de signes systémiques d’infection, la présence d’un diabète, d’une immunosuppression ou le port d’une sonde ne sont pas associés à un risque accru de bactériémie.

Cette vaste étude confirme ainsi la rareté des bactériémies chez les sujets âgés ayant une bactériurie asymptomatique, alors que leur taux est estimé entre 24 % et 56 % chez les patients symptomatiques. Ses résultats confortent la position des experts américains, qui préconisent une surveillance active chez les sujets sans signes systémiques d’infection, tandis qu’une antibiothérapie probabiliste est recommandée dans le cas contraire.

Sources

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