De nombreux aliments riches en fibres comportent à la fois des fibres solubles et insolubles. marilyna / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Les fibres alimentaires se distinguent principalement par leurs caractéristiques physico-chimiques (solubilité, fermentescibilité, viscosité), facteurs déterminants pour leurs propriétés fonctionnelles.
Les fibres solubles ont des actions multiples en particulier en raison de leurs caractères visqueux et fermentescible. Elles peuvent avoir une action sur :
- la diarrhée par un effet absorbant de l’eau et ralentisseur de la vidange gastrique ;
- la constipation par un effet « gel » avec augmentation du volume des selles et de la motricité colique ;
- le syndrome de l’intestin irritable par un effet pré et probiotique.
Une revue récente de la littérature internationale permet de recommander les fibres alimentaires dans différentes affections gastro-entérologiques selon des niveaux de preuve variables que ce soit dans le syndrome de l’intestin irritable à constipation ou à diarrhée prédominante, la constipation fonctionnelle, les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) et les diverticulites.
En dehors de l’impact positif sur le tube digestif, les fibres solubles peuvent agir sur le syndrome métabolique, le risque cardiovasculaire et la stéatohépatite non alcoolique grâce à leurs effets potentiels sur le poids, le taux de cholestérol et la glycémie.
Les apports quotidiens en fibres devraient se situer entre 25 et 30 g par jour d’après les résultats de méta-analyses d'études épidémiologiques. Ils sont encore largement insuffisants en France quel que soit le groupe de population considéré.
Une incitation à un enrichissement et une diversification des apports en fibres fait partie intégrante de l’activité d’un gastro-entérologue.
Les fibres alimentaires sont définies comme des carbohydrates
Des fibres solubles ou insolubles
Deux types de fibres
Les fibres insolubles ne se dissolvent pas dans l’eau mais gonflent. Elles parcourent le tube digestif sans se transformer et sont très partiellement dégradées par la flore intestinale. Les fibres insolubles
- stimulation du
transit intestinal ; - augmentation du
volume et de la fréquence des selles [2].
Elles agissent aussi de façon action indirecte sur le métabolisme des glucides en ralentissant leur digestion.
Lignine, cellulose, amidon résistant et hémicellulose sont des fibres insolubles. À noter que l'hémicellulose peut comporter différents sucres dont certains peuvent être fermentescibles comme l'arabinoxylane et devenir en conséquence solubles dans l'eau.
Quant aux fibres solubles, elles se dissolvent dans l’eau et forment un « gel ». Elles sont souvent dégradées par les enzymes bactériennes en monosaccharides, puis en acides gras à chaîne courte (AGCC), notamment l'acétate, le butyrate et le propionate, responsables d’un effet prébiotique* [2].
Pectines, oligosaccharides résistants, gommes et mucilages sont des fibres solubles.
*prébiotique :
Figure 1 - Différents types de fibres
Une mixité de fibres au sein des aliments
On peut différencier les aliments selon
La grande majorité des aliments riches en fibres comportent les deux types de fibres solubles et insolubles dans
- dans les légumineuses, oléagineux et graines
: environ 25 % de fibres solubles et 75 % de fibres insolubles ; - dans les fruits et légumes
: environ 35 % de fibres solubles et 65 % de fibres insolubles.
Figure 2
Figure 3
En termes de fermentescibilité et de viscosité
Hormis la solubilité qui est leur caractéristique la plus connue, les fibres peuvent être différenciées selon leur viscosité et
Une viscosité accrue des fibres (capacité à former des solutions épaisses ou des gels quand l'hydratation est suffisante)
- contribue à la sensation de satiété en ralentissant la vidange gastrique ;
- ralentit :
- la digestion,
- l'absorption des nutriments (glucides et lipides) (cf. infra).
La fermentescibilité des fibres (capacité à être dégradée par les bactéries intestinales du côlon) :
- favorise la diversité microbienne et contribue à la stabilité du microbiote intestinal ;
- permet la production d'AGCC dans le côlon, qui jouent plusieurs rôles clés (cf. infra).
Les caractéristiques physicochimiques des fibres
- les fibres insolubles, non visqueuses, non fermentescibles agissent
principalement sur le temps de transit intestinal : par exemple, la cellulose dans le son a un effet exclusivement laxatif. - à l’inverse,
les fibres solubles, visqueuses et fermentescibles ont des fonctions liées au microbiome, à la fermentation et à la biodisponibilité des nutriments : par exemple, la pectine et la galactomannane augmentent la biodisponibilité de certains nutriments et la synthèse d’AGCC. - les fibres solubles non visqueuses et fermentescibles ont des fonctions liées au microbiome et à la fermentation : par exemple, l’inuline et les galacto-oligosaccharides ont la capacité à produire des AGCC avec un effet prébiotique.
- les fibres à solubilité et à viscosité moyennes et à faible fermentescibilité comme le psyllium augmentent la biodisponibilité de certains nutriments, accélèrent le transit intestinal et retiennent l’eau.
Focus sur les fibres solubles
Les mécanismes d'action des fibres solubles semblent plus complexes que ceux des fibres insolubles. Elles ont des actions multiples, en particulier en raison de leurs caractères fermentescible et visqueux [3, 5].
Elles augmentent :
- le bol alimentaire avec un effet de satiété précoce
; - la rétention d’eau et
la viscosité du bol fécal ; - les AGCC qui ont un effet important anti-inflammatoire et immunomodulateur et qui jouent un rôle dans
:- le maintien de l’intégrité de la barrière intestinale (jonctions serrées des cellules intestinales),
- la régulation de la néoglucogenèse dans le foie,
- la réduction du pH avec inhibition du développement des agents pathogènes,
- la croissance d’un microbiote intestinal diversifié,
- l’activation du système neuroendocrine intestinal. Les AGCC activent en particulier le
peptide tyrosine tyrosine (PYY), responsable d'une augmentation de la motricité intestinale et d'un effet anorexigène, et le Glucagon-Like Peptide-1 (GLP-1) qui augmente la satiété, la sécrétion d'insuline, et diminue l'appétit et l'insulinorésistance.
Elles diminuent/ralentissent
- l’absorption du glucose et des lipides, ce qui aide à réguler la glycémie (réduction des pics glycémiques post-prandiaux) et les taux de lipides sanguins
; - la réabsorption des acides biliaires (d'où une élimination accrue dans les selles et une baisse de la cholestérolémie).
Les fibres solubles peuvent ainsi avoir une action sur
- la diarrhée
par un effet absorbant de l’eau et ralentisseur de la vidange gastrique ; - la constipation par un
effet « gel » avec augmentation de la motricité colique, du volume et de l'évacuation des selles (effet laxatif) ; - le syndrome de l’intestin irritable
par un effet pré et probiotique détaillé ci-dessus.
Quelles fibres ? Pour qui ?
Dans cette revue récente de Gill et al.
- le syndrome de l’intestin irritable à constipation ou à diarrhée prédominante
; - la constipation fonctionnelle
; - les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI)
; - les diverticulites.
Désordre gastro-entérologique |
Recommandation en fibres |
Niveau de preuve |
Syndrome de l’intestin irritable avec constipation prédominante |
Supplémentation en fibres solubles comme le psyllium, la méthylcellulose et la gum de guar partiellement hydrolysée |
Méta-analyses d’essais contrôlés randomisés |
Ajuster l’apport en fibres selon les symptômes en ajoutant d’autres sources naturelles comme l’avoine et les graines de lin |
Accord professionnel |
|
Les recommandations pour les graines de lin moulues sont de 6 à 24 g par jour avec une augmentation graduelle sur 3 mois |
Petit nombre d’essais contrôlés randomisés |
|
Syndrome de l’intestin irritable avec diarrhée prédominante |
Réduire la consommation de fibres insolubles comme le pain complet, les farines riches en fibres, les céréales riches en son et en grains entiers comme le riz brun |
Revue systématique d’essais contrôlés randomisés |
Supplémentation en fibres solubles comme le psyllium |
Méta-analyses d’essais contrôlés randomisés |
|
Ajuster l’apport en fibres selon les symptômes |
Accord professionnel |
|
Constipation fonctionnelle |
Encourager une augmentation graduelle de tous types de fibres (solubles et insolubles) sur des semaines (et non pas sur des jours) pour minimiser l’inconfort intestinal en rapport surtout avec les ballonnements jusqu’à une dose cible de 25 à 30 g par jour. Et aviser les patients que l’effet peut être retardé de plusieurs semaines |
Méta-analyses d’essais contrôlés randomisés |
Encourager la prise de fibres complètes (son de blé, riz complet, pâtes et pain complet) avec une possibilité d'ajouter d’autres produits à effet laxatif comme le sorbitol, les pruneaux et les abricots |
Petit nombre d’essais contrôlés randomisés et accord professionnel |
|
Recommander une importante dose de psyllium > 15 g par jour |
Méta-analyses d’essais contrôlés randomisés |
|
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin |
Encourager une alimentation variée qui apporte l’énergie et les nutriments nécessaires incluant les fibres de tous les types |
Accord professionnel |
Considérer une limitation des fibres chez les patients avec sténose |
Accord professionnel |
|
Une diète de fibres est contre-indiquée en cas de symptômes occlusifs |
Accord professionnel |
|
La RCH semble plus adaptée à un régime riche en fibres que la maladie de Crohn |
Revue systématique d’essais contrôlés randomisés |
|
La maladie diverticulaire |
Un apport faible en fibres est recommandé en cas de diverticulite |
Accord professionnel |
En dehors des crises, une diète riche en fibres de différentes sources est recommandée pour éviter la récidive de la diverticulite |
Études observationnelles et accord professionnel |
Autres applications
En dehors de l’impact positif sur le tube digestif, les fibres solubles peuvent agir sur le syndrome métabolique, le risque cardiovasculaire et la stéatohépatite non alcoolique (NASH) en régulant
- le poids grâce à une satiété précoce par
: - le taux de cholestérol par
: - la glycémie par
:- diminution de l’absorption du glucose et du pic glycémique postprandial,
- réduction de l’index glycémique des aliments digérés,
- effet de satiété précoce,
- stimulation de la néoglucogenèse par les AGCC.
Les fibres solubles pourraient
Les perspectives sont prometteuses, mais de nombreuses questions restent encore sans réponse notamment sur les types de fibres, les doses et les associations les plus efficaces pour prévenir ou traiter ces pathologies.
Des apports quotidiens largement insuffisants
Plusieurs données de la littérature montrent que les apports quotidiens en fibres dans la population générale en France sont insuffisants quels que soient le sexe et la tranche d’âge. Ils sont de l’ordre de 15 g par jour, bien en dessous des recommandations qui préconisent entre 25 et 30 g par jour
Pour rappel, ces recommandations se fondent sur les résultats de méta-analyses
Tableau 2 - Quantité de fibres recommandée selon la tranche d'âge
Quels conseils en pratique ?
Expliquer aux patients l'effet bénéfique des fibres sur :
- le transit et les symptômes associés au syndrome de l'intestin irritable ;
- le poids ;
- la glycémie ;
- le cholestérol.
Insister sur le fait que
- les effets ne sont pas immédiats
; - l’augmentation doit être progressive sur plusieurs semaines (un enrichissement brusque peut provoquer constipation, crampes abdominales et ballonnements, responsables d’une non-adhésion au régime)
; - l’absorption d’une quantité suffisante d’eau est nécessaire pour avoir l’effet escompté (au moins 1,5 à 2 litres de liquide
en moyenne par jour) ; - les fibres solubles sont à privilégier
chez les patients souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable ; - il ne faut pas hésiter, en cas de besoin, à faire appel à un
nutritionniste/diététicien, du moins au début du régime, car les patients sont souvent très demandeurs.
Une incitation à un enrichissement et une diversification des apports en fibres doit faire partie intégrante de l’activité d’un gastro-entérologue.
N.B. : Les figures et tableaux ont été fournis par le Dr Nadia Fathallah, lors des Journées francophones d'hépato-gastro-entérologie et d'oncologie digestive (JFHOD) des 14-17 mars 2024 au Palais des congrès de Paris.
[1] Ionita-Mîndrican CB et al. Therapeutic Benefits and Dietary Restrictions of Fiber Intake: A State of the Art Review. Nutrients, 2022 Jun 26; 14: 2641. doi: 10.3390/nu14132641
[2] Guillon F, Auffret A, Robertson JA, Thibault JF, Barry JL. Relationships between physical characteristics of sugar beet fibre and its fermentability by human fecal flora. Carbohydr Polym., 1998; 37: 185-197. doi.org/10.1016/S0144-8617(98)00053-8
[3] Gill SK, Rossi M, Bajka B, Whelan K. Dietary fibre in gastrointestinal health and disease. Nat Rev Gastroenterol Hepatol., 2021 Feb; 18: 101-116. doi: 10.1038/s41575-020-00375-4
[4] Kaoutari AE et al. The abundance and variety of carbohydrate-active enzymes in the human gut microbiota. Net Rev Microbiol., 2013 Jul; 11: 497-504. doi: 10.1038/nrmicro3050
[5] Koh A et al. From Dietary Fiber to Host Physiology: Short-Chain Fatty Acids as Key Bacterial Metabolites. Cell, 2016 Jun 2; 165: 1332-1345. doi 10.1016/j.cell.2016.05.041
[6] Müller M et al. : Gastrointestinal Transit Time, Glucose Homeostasis and Metabolic Health: Modulation by Dietary Fibers. Nutrients, 2018 Feb 28; 10: 275. doi: 10.3390/nu10030275
[7] Vuskan V, Jenkins A, Brissette C et al. Salba-chia (Salvia hispanica L.) in the treatment of overweight and obese patients with type 2 diabetes: A double-blind randomized controlled trial. Nutr Metab Cardiovasc Dis., 2017; 27: 138-146. doi: 10.1016/j.numecd.2016.11.124
[8] Anderson JW et al. Long-term cholesterol-lowering effects of psyllium as an adjunct to diet therapy in the treatment of hypercholesterolemia. Am J Clin Nutr., 2000 Jun; 71: 1433-8. doi: 10.1093/ajcn/71.6.1433
[9] Reynolds A et al. : Carbohydrate quality and human health: a series of systematic reviews and meta-analyses Lancet, 2019 Feb 2; 393: 434-445. doi: 10.1016/S0140-6736(18)31809-9
[10] Donohoe DR, Collins LB, Wali A, Bigler R, Sun W, Bultman SJ. The Warburg effect dictates the mechanism of butyrate-mediated histone acetylation and cell proliferation. Mol Cell., 2012 Nov 30; 48: 612-26. doi: 10.1016/j.molcel.2012.08.033
[11] De Vuyst L. Cross-feeding between bifidobacteria and butyrate-producing colon bacteria explains bifdobacterial competitiveness, butyrate production, and gas production. Int J Food Microbiol., 2011 Sep 1; 149: 73-80. doi: 10.1016/j.ijfoodmicro.2011.03.003
[12] Vitton V et al. : Clinical practice guidelines from the French National Society of Coloproctology in treating chronic constipation. Eur J Gastroenterol Hepatol., 2018 Apr; 30: 357-363. doi: 10.1097/MEG.0000000000001080
[13] Nishida C, Uauy R, Kumanyika S, Shetty P. The joint WHO/FAO expert consultation on diet, nutrition and the prevention of chronic diseases: process, product and policy implications. Public Health Nutr., 2004 Feb;7(1A):245-50. doi: 10.1079/phn2003592
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