Une meilleure prise en charge grâce à des progrès diagnostiques et thérapeutiques.koyu / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Le diagnostic d’épilepsie chez l’enfant se fonde sur la survenue d’au moins deux crises convulsives espacées d’au moins 24 heures, dont au moins une sans fièvre, associées le plus souvent à des anomalies de l’électroencéphalogramme.
La confirmation diagnostique, la caractérisation du type d’épilepsie et la prise charge sont assurées par un neuropédiatre ou un médecin formé à l’épileptologie.
En cas de première crise, notamment s’il s’agit d’une crise avec manifestations motrices, l’enfant est généralement adressé aux urgences (sauf simples « ruptures de contact » de courte durée après l’âge de 2 ans, par exemple épilepsies-absences).
Toute épilepsie suspectée ou avérée, exception faite des convulsions fébriles simples, doit faire l’objet d’une consultation avec un neurologue et d’un électroencéphalogramme, idéalement dans les 15 jours, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé.
La prise en charge de l’épilepsie de l’enfant bénéficie de progrès dans la connaissance de la physiopathologie (étiologies inflammatoires et génétiques), de l’imagerie et d’un élargissement de l’éventail de médicaments disponibles.
Le médecin traitant jour un rôle important lors du premier épisode, pour décrire le plus finement possible la sémiologie de la crise et lors du suivi, notamment pour s’assurer du respect des règles d’hygiène de vie et des mesures de prévention.
La VIDAL Reco sur l’épilepsie de l’enfant vient d’être actualisée pour tenir compte de ces avancées. Le Dr Dorothée Ville, neuropédiatre qui a contribué à cette nouvelle version, détaille ici les points importants du diagnostic et de la prise en charge.
Affection neurologique chronique caractérisée par la survenue de crises récurrentes, l’épilepsie touche de 0,5 à 1 % de la population générale et débute dans la moitié des cas avant l’âge de 10 ans.
VIDAL. Comment analyser une crise d’épilepsie ?
Dr Dorothée Ville. Le déroulement d’une crise d’épilepsie obéit à une propagation temporo-spatiale (propagation d’une région initiale vers une autre région, généralisation). L’analyse de l’ensemble de ce déroulement est indispensable à la compréhension de la crise.
La description la plus fine possible de la sémiologie des crises est un élément indispensable de la démarche épileptologique pour classer une épilepsie, ajuster la démarche étiologique et thérapeutique ainsi que le discours pronostique.
Le rôle du médecin est de traduire en vocabulaire médical les données de l’interrogatoire parental, souvent empreint d’une forte composante émotionnelle (« mon enfant tombe », « il a les yeux qui bougent », « il fait des sursauts », « il est absent », « j’ai cru qu’il allait mourir »).
Le recours à des « home vidéos » est de plus en plus couramment associé à cette analyse sémiologique.
Quels sont les différents types de crises ?
Les types de crises sont bien définis, à partir de la sémiologie électro-clinique, selon la classification de la Ligue internationale de l’épilepsie [1]. Elle distingue :
- les crises focales, lorsque le début de la crise se situe dans une région localisée du cerveau : il peut y avoir des manifestations motrices unilatérales ou asymétriques (toniques, cloniques, atoniques), des manifestations hypermotrices, des automatismes, mais également des manifestations non motrices (manifestations neuro-végétatives, arrêt des activités, manifestations sensorielles, somatopsychiques) ; ces crises peuvent survenir avec ou sans altération de la conscience ;
- les crises généralisées lorsque le début de la crise implique d’emblée l’ensemble des structures du cerveau : manifestations motrices généralisées (cloniques, toniques, tonico-cloniques, atoniques, myocloniques) et manifestations non motrices dans le cas des absences.
Le caractère focal ou généralisé peut être impossible à confirmer.
Les spasmes représentent un type de crise à part pouvant être selon les cas, d’origine focale, généralisé, ou inclassable.
La classification de la crise se fonde, dans la grande majorité des cas, sur les signes initiaux de la crise qui sont extrêmement importants à repérer.
Faut-il systématiquement adresser l’enfant aux urgences ?
Il faut distinguer la situation d’une première crise de celle d’une crise survenant au cours du suivi d’une épilepsie connue.
- En cas de première crise, notamment s’il s’agit d’une crise avec manifestations motrices, l’enfant est généralement adressé aux urgences pour éliminer une cause occasionnelle et s’assurer de l’absence d’évolution vers un état de mal. S'il s'agit de simples ruptures de contact de courte durée (exemple des épilepsies-absences), il est inutile d’adresser l’enfant aux urgences.
Tout nourrisson de moins de 2 ans suspect de crises d’épilepsie doit être adressé aux urgences. - Au cours de l’évolution d’une épilepsie connue, certains critères doivent faire adresser l’enfant aux urgences : crise anormalement longue, ne répondant pas au traitement de recours habituel, répétition de crises rapprochées, mauvaise récupération neurologique, déficit neurologique postcritique, autre situation inhabituelle.
Quand demander un avis neurologique ? Via quels circuits ?
Toute épilepsie suspectée ou avérée, en dehors des convulsions fébriles simples qui ne nécessitent aucun bilan ni suivi spécialisé, doit faire l’objet d’une consultation avec un neurologue et d’un électroencéphalogramme. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande une consultation dans les 15 jours [2]. En pratique, le délai et les circuits sont variables selon la situation clinique et les ressources locales (libéral/hospitalier, consultations dédiées « première crise »).
Quelles sont les évolutions récentes quant aux modalités de prise en charge ?
L’épilepsie de l’enfant regroupe des pathologies hétérogènes, décrites dans la VIDAL Reco, dont l’abord est actuellement en pleine évolution.
Parmi les avancées les plus marquantes de ces dernières années :
- Tout d’abord, l’accès à un plus vaste éventail d’antiépileptiques, permettant d’élargir les possibilités de traitement. Toutefois, l’impact de ces progrès thérapeutiques sur le pourcentage d’épilepsies pharmacorésistantes est modéré, puisqu’il est resté le même depuis trente ans (30 % des épilepsies).
- Un autre progrès notable porte sur les techniques d’imagerie, qui ont permis d’importantes avancées dans les discussions de bilan préchirurgical. Tout enfant qui présente une épilepsie monofocale pharmacorésistante (définie par l’échec de deux traitements bien conduits) doit être adressé à un service expert pour discuter l’initiation des premières étapes de ce bilan préchirurgical.
- Troisième voie d’évolution : celle de la connaissance des épilepsies liées à une pathologie inflammatoire, auto-immune, qui permet, à côté du traitement antiépileptique, de proposer des traitements ciblés immunomodulateurs.
- Enfin, dans le domaine de la génétique, l’identification de variants monogéniques dans les encéphalopathies épileptiques et développementales précoces des premiers mois de vie, a transformé la prise en charge de ces épilepsies. Leur recherche fait maintenant partie des examens de première ligne dans cette indication. Par ailleurs, de nombreux projets de recherche sont en cours pour proposer dans le futur des thérapies ciblées, en particulier des thérapies géniques.
Ainsi, l’étiologie prend de plus en plus de place dans l’exploration d’une épilepsie et est maintenant intégrée dans les paramètres de classification.
Quelle est la place du médecin traitant dans le suivi ?
Devant la complexification de la prise en charge des épilepsies, le médecin généraliste peut se sentir dépassé, alors qu’il a toute sa place dans le parcours de soins d’un enfant avec épilepsie.
Même s’il est exceptionnel que le médecin généraliste initie un traitement ou change de molécule, il participe au suivi du traitement de l’épilepsie en veillant à l’observance, à la tolérance, à l’efficacité du traitement, au respect des règles hygiéno-diététiques (cf. infra) et à l'existence d’un suivi neuropédiatrique ; il peut faire le lien avec le neuropédiatre en cas de besoin.
Il est attentif à la survenue et à la prise en charge des comorbidités éventuelles (psychiatriques, cognitives, digestives, respiratoires, orthopédiques en cas de situation de polyhandicap) et s’assure de la mise en place d'une assistance psychosociale (conséquences psychologiques, mesures sociales telles que le dossier maison départementale pour les personnes handicapées [MDPH], accompagnement de l’impact sur l’activité professionnelle des parents...).
À côté de la formation à la gestion des crises et au traitement de recours, le médecin traitant joue un rôle important pour rappeler les règles hygiéno-diététiques et s’assurer de leur respect : durée de sommeil satisfaisante, recommandations pour les écrans ; abstinence de consommation d’alcool et de toxiques chez les adolescents. Il veille également au maintien d’une intégration scolaire et sociale et à la pratique des sports autorisés, tout en évitant les situations à risque (baignade en étant seul, escalade, activités motorisées...).
D’après un entretien avec le Dr Dorothée Ville, neuropédiatre, chef de service adjoint de neurologie pédiatrique, Hôpital femme-mère-enfant (HFME), hospices civils de Lyon.
[1] ILAE Methodology, classification and definition of epilepsy syndromes. Epilepsia 2022. epilepsy-syndromes-nomenclature-french.pdf (ilae.org).
[2] Guides du parcours de santé de l’adulte et de l’enfant avec épilepsie. HAS décembre 2023.
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