#Santé #Nutrition et équilibre alimentaire

MICI : une mise à jour des recommandations nutritionnelles 

La société européenne de nutrition clinique et de métabolisme a publié, à destination des professionnels de santé, ses dernières recommandations concernant les liens existants entre nutrition et maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

Julien Hernandez 15 octobre 2024 Image d'une montre8 minutes icon Ajouter un commentaire
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L’alimentation doit être adaptée à l’état digestif du patient et à ses préférences. 

L’alimentation doit être adaptée à l’état digestif du patient et à ses préférences. bit245 / iStock / Getty Images Plus /via Getty Images

Résumé

Il n’existe pas d’alimentation spécifique dans le cadre des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). Les patients sont encouragés à suivre les recommandations classiques d’une alimentation équilibrée et à se faire suivre par un diététicien.

Le dépistage de la malnutrition et un apport suffisant en protéines ainsi qu’une supplémentation adaptée en cas de carence en macro/micronutriments représentent la pierre angulaire du traitement nutritionnel.

La nutrition orale doit toujours être privilégiée avec une supplémentation orale adaptée. La nutrition entérale peut intervenir pour enclencher une rémission ou pour compléter les apports nutritionnels dans certains cas. La nutrition parentérale intervient en dernier recours, notamment lorsque le fonctionnement du système digestif est radicalement altéré.

La gestion du microbiote est une piste prometteuse, mais, pour l’instant, il n’existe pas de données assez robustes pour pouvoir conseiller des compléments alimentaires adaptés et encore moins une transplantation fécale.

Enfin, la pratique d'une activité physique est recommandée.

La prévalence des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), qui regroupent la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique et les colites indéterminées est, comme le rappellent différentes études et rapports, en hausse constante dans le monde [1], en Europe [2] et en France [3]. Ces maladies, qui se caractérisent par une inflammation exacerbée au niveau de la paroi intestinale, sont généralement causées par un dysfonctionnement du système immunitaire [4]. Concernant les étiologies possibles, il est admis qu’elles sont multifactorielles, et probablement la résultante de prédispositions génétiques ainsi que d’interactions complexes épigénétiques entremêlant gènes et environnement. Avec les traitements pharmacologiques, la prise en charge nutritionnelle a toute sa place dans la stratégie thérapeutique. D’où l’intérêt des nouvelles recommandations publiées par l’European Society of Clinical Nutrition and Metabolism (ESPEN) qui permettant de guider au mieux la pratique clinique [5].

Pour élaborer ces recommandations, la société savante a fait appel à de nombreux chercheurs et chercheuses ainsi qu’à des professionnels de santé intervenant dans le cadre des MICI qui ont travaillé ensemble selon une procédure bien codifiée (cf. Encadré). Les 70 recommandations ont été résumées et classées en différentes catégories : la prévention, le dépistage et le traitement de la malnutrition, l’adoption d’un régime alimentaire spécifique, la nutrition thérapeutique et la modulation du microbiote. 

Prévention : végétaux, oméga-3 et allaitement 

Les recommandations pour la prévention proviennent le plus souvent d’études de cas contrôles rétrospectives. Par conséquent, le niveau de preuve est limité.

Il en ressort toutefois qu’une alimentation riche en fruits, en légumes, et en oméga-3, et faible en oméga-6 est recommandée, car associée à une diminution du risque de MICI. 
Grade de recommandation : 0 ; accord : 96 (cf. Encadré).

À l’inverse, la consommation d’aliments ultratransformés (bien que cette classification soit encore controversée) et d’émulsifiants alimentaires (comme le carboxyméthylcellulose) pourrait être associée à un risque augmenté de MICI.
Grade de recommandation : 0 ; accord : 100 %.

De même, l’allaitement maternel (d’au moins 6 mois) est recommandé, car il jouerait un rôle protecteur dans la survenue des MICI chez l’enfant. Prudence cependant afin d’éviter de causer une éventuelle culpabilité chez des femmes qui ne pourraient pas ou ne voudraient pas allaiter. 
Grade de recommandation : B ; accord : 96 %.

Dépister et traiter la malnutrition 

Chez les personnes souffrant de MICI, le risque de malnutrition est augmenté en particulier en cas de maladie de Crohn et de maladie active. La malnutrition peut être causée par une alimentation insuffisante (notamment en raison de son caractère monotone et restreint) ou bien par une malabsorption. Plusieurs recommandations permettent de prévenir et/ou de traiter cette condition :

  • Premièrement, un dépistage initial au moment du diagnostic devra être effectué et réitéré régulièrement. Les situations de dénutrition sont associées à une aggravation sur les plans du pronostic, des complications, de la qualité de vie, de la mortalité, et doivent être prises en charge.
    Grade de recommandation : GPP ; accord : 100 %.

    Les conseils d’un diététicien dans le cadre du suivi pluridisciplinaire, en prenant notamment en compte le mode de vie générale du patient, sont requis.
    Grade de recommandation : GPP ; accord : 100 %

    Il faut être particulièrement vigilant concernant les personnes en situation d’obésité qui présentent une aggravation du risque de malnutrition et chez qui cette dernière est moins suspectée. Il est conseillé aux personnes obèses de ne perdre du poids qu’en situation de rémission stable. 
    Grade de recommandation : GPP ; accord : 100 %.
  • Deuxièmement, la consommation énergétique recommandée est similaire à celle de la population générale, mais les apports en protéines devront être revus à la hausse lors des phases actives de la maladie passant de 1 g par kilo de poids de corps à 1,2 à 1,5. Les quantités précises et adéquates devront être déterminées par un diététicien. 
    Grade de recommandation : GPP ; accord : 96 %.
     
  • Troisièmement, pour éviter les carences, fréquentes dans le cadre des MICI, un dépistage systématique, que la maladie soit en phase active ou en rémission, et une supplémentation adaptée sont prescrits devant une carence confirmée par un bilan sanguin.

La carence en fer est l’une des plus fréquente chez les personnes atteintes de MICI et elle doit être corrigée. Il est également important de surveiller le statut en calcium/vitamine D, surtout chez les patients sous corticothérapie pour prévenir la déminéralisation osseuse.
Grade de recommandation : B ; accord : 96 %.

Pas d’alimentation spécifique pour les MICI et des supplémentations préventives dans certains cas

Les régimes thérapeutiques ont souvent le vent en poupe dans ce type de pathologie. Malgré tout, les recommandations suggèrent qu’il n’existe aucun régime spécifique ayant fait ses preuves dans le cadre des MICI : paléolithique, sans gluten, faible en sucre fermentescible (FODMAP), sans carraghénane, sans lactose, sans viande, riche en viande, végétarien, enrichi en oméga-3… En particulier, les supplémentations préventives en oméga-3 ne sont pas efficaces (Grade de recommandation : A ; accord : 100 %).

Il est conseillé de suivre les principes d’une alimentation équilibrée et d’éviter les aliments qui semblent poser problème.

La prescription préventive de vitamines est recommandée dans certains cas spécifiques :

  • une résection intestinale pour la vitamine B12 (Grade de recommandation : B ; accord : 100 %) ;
  • un traitement par sulfasalazine et méthotrexate pour la vitamine B9 (Grade de recommandation : B ; accord 95 %). 

La nutrition thérapeutique 

La nutrition thérapeutique représente l’ensemble des techniques pour soutenir ou remplacer, dans une durée limitée, l’alimentation solide. On y retrouve la supplémentation orale, la nutrition entérale par sonde nasogastrique, et parentérale directement par intraveineuse.

La supplémentation orale est la première indiquée en raison de son absence d’invasivité. Si les apports alimentaires ne sont pas suffisants, la nutrition entérale peut-être envisagée et elle est toujours préférable à la nutrition parentérale, car elle conserve l’activité du processus de digestion (grade de recommandation : O ; accord : 96 %). Elle peut représenter la totalité des apports chez des enfants ou des adolescents avec une maladie de Crohn modérément active pour enclencher une rémission (grade de recommandation : O ; accord : 96 %).

Pour éviter d’éventuels effets secondaires, il faut préférer, autant que faire se peut, une sonde nasogastrique (grade de recommandation : GPP ; accord 100 %). Concernant les formules de nutrition entérale, les solutions standard avec apports modérés en graisse doivent être préférées aux solutions spécifiques avec enrichissements (grade de recommandation : B ; accord 90 %).

La nutrition parentérale n’intervient qu’en dernier recours lorsque la nutrition orale et la nutrition entérale ne suffisent plus à combler les apports en raison de diverses complications (tractus intestinal trop court, obstruction du tractus intestinal, fistule, etc. [grade de recommandation : GPP ; accord : 100 %]).

Modulation du microbiote : une piste prometteuse, mais des preuves peu robustes

Le microbiote est une nouvelle cible potentielle dans le traitement des MICI. Néanmoins, pour l’instant, les données ne sont pas assez robustes pour que cela puisse faire l’objet de recommandations. Par conséquent, les probiotiques et les prébiotiques ne sont pas conseillés dans le cadre de la maladie de Crohn, que ce soit en phase active de la maladie ou en prévention (grade de recommandation : B ; accord de 95 à 100 %).

Certains probiotiques pourraient être utilisés très spécifiquement dans la rectocolite hémorragique en alternative à l’acide 5-aminosalicylique quand ce traitement de référence n’est pas toléré (grade de recommandation : O ; accord : 85 %).

Aussi, des composés de probiotiques multisouches semblent pouvoir prévenir la pochite (inflammation idiopathique du réservoir iléal après une anastomose iléo-anale postcoloproctectomie totale) (grade de recommandation O ; accord : 95 %).

Les antibiotiques ne sont pas recommandés dans la gestion des MICI et la transplantation fécale n’est pas indiquée, étant donné le flou qui règne autour de son efficacité (aucun argument ni pour ni contre) (accord : 100 %).

L’activité physique aussi

Enfin, la pratique d’une activité physique d’endurance est recommandée en phase de rémission à tous les patients atteints d’une MICI (et contre résistance si la fonction musculaire est diminuée). 
Grade de recommandation : GPP ; accord : 100 %.

Encadré - Formulation des questions, évaluation du niveau de preuves et mesure du consensus

La procédure en 4 étapes était bien codifiée et a donné lieu à :

  • des niveaux d’évidence notés de [4] (le plus faible pour des opinions d’experts) à [1++] (le plus fort qui correspond à des méta-analyses, des revues systématiques et des essais contrôlés randomisés de grandes qualités à faible risque de biais) ;
  • des grades de recommandation (affiliés à un niveau d’évidence) allant de [GPP] (pour Good Practice Point s'appuyant sur l’expérience clinique des praticiens) à [O], [B], puis [A] : recommandation comportant au moins une méta-analyse, une revue systématique ou un essai contrôlé randomisé classé 1++ ou un ensemble de preuve solide classé 1+ directement applicable à une population cible et démontrant une consistance dans les résultats ;
  • des niveaux de consensus des différentes recommandations allant d’une absence de consensus réunissant moins de 50 % des participants à un fort consensus réunissant au moins 90 % des participants. 
Sources

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