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La grippe est associée à un nombre plus élevé d’infarctus du myocarde

Une vaste étude observationnelle vient de confirmer une association entre la grippe et la survenue d’un infarctus du myocarde. Un résultat qui plaide en faveur de la vaccination.

Patricia Thelliez 10 septembre 2024 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Un risque multiplié par six au cours de la semaine suivant le début de l'infection.

Un risque multiplié par six au cours de la semaine suivant le début de l'infection.Suze777 / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Une étude menée aux Pays-Bas a croisé les cas de grippe documentés par PCR (Polymerase Chain Reaction) avec les hospitalisations (ou les décès) en lien avec un infarctus du myocarde (IDM), en s’appuyant sur plusieurs registres nationaux.

Entre 2008 et 2019, 23 405 épisodes de grippe et 406 infarctus du myocarde ont été identifiés. Par rapport à une période témoin allant de un an avant à un an après l’événement cardiovasculaire, la période à risque de 7 jours suivant l’infection virale était caractérisée par une incidence relative d’IDM de 6,16.

Cette incidence était encore plus élevée chez les patients n’ayant jamais été hospitalisés auparavant pour un IDM versus ceux qui avaient cet antécédent (16,6 contre 1,43).

Plusieurs études ont déjà montré que la grippe était associée à une augmentation des infarctus du myocarde (IDM). En 2018, Kwong et al. [1] ont quantifié cette relation, rapportant un risque six fois plus élevé. Une observation qui a ensuite été corroborée par d'autres équipes dans le monde.

Sous l'égide du Influenza-MI Study Group, une équipe néerlandaise a voulu préciser ces données à l'aide d'une étude observationnelle recueillant à la fois les cas de grippe documentés par PCR (Polymerase Chain Reaction) et les hospitalisations pour IDM [2].

L’étude était autocomparative (« self controlled case series » [SCCS]), comme celle de Kwong et al., chaque sujet étant aussi son propre témoin, de façon à mieux contrôler certains facteurs de confusion ne variant pas dans le temps.

Il était programmé de comparer l'incidence des IDM (mesurée sur la base des hospitalisations pour infarctus ou des décès par IDM) au cours d’une période dite à risque, soit les 7 jours après le début de l'infection (date de la PCR positive), à celle d’une période témoin couvant l’année précédant et l’année suivant la semaine à risque.

Sur 158 777 tests PCR de la grippe effectués entre 2008 et 2019, 26 221 étaient positifs parmi lesquels 23 405 correspondaient à un épisode infectieux unique. Parallèlement, parmi les 586 IDM colligés via les registres d'hospitalisation et de mortalité, 406, survenus chez 401 individus, ont été inclus dans l'analyse principale (les autres événements ont été exclus, car le test PCR avait été réalisé au cours de l’hospitalisation et pas avant).

L'âge médian de la population étudiée était de 74 ans et 85 % des patients ont été admis à l’hôpital au moment où le prélèvement pour PCR avait été réalisé. Près des deux tiers (64 %) avaient déjà été hospitalisés pour une coronaropathie.

Une incidence relative d’infarctus du myocarde de 6,16

Dans les sept jours suivant le diagnostic de grippe, 25 cas d'IDM se sont produits contre 394 au cours de la période témoin.

L'incidence relative ajustée d'infarctus au cours de la semaine à risque était, comparativement à l’année précédente et à la suivante, de 6,16 (IC95% [4,11-9,24]) et elle a décliné de J1 à J7.

Mais, cette différence n'était pas la même selon que les patients avaient ou non déjà été hospitalisés pour un épisode coronarien. De façon pouvant paraître contre-intuitive, l'incidence relative était bien plus élevée en l'absence d'antécédents de ce type d’événement cardiovasculaire : de 16,6 (IC95% [10,47-26,37]) contre 1,43 (IC92% [0,53-3,84]) en cas d'admission antérieure en raison d’une coronaropathie.

Dans les analyses post-hoc, l'utilisation d'antithrombotiques était associée à une incidence relative moindre d'IDM, de 4,10 (IC95% [2,35-7,14]), contre 13,5 (IC95% [7,39-24]) en l’absence de ces traitements.

Ces résultats conduisent à diverses réflexions. En premier lieu, ils confirment ce qui avait déjà été constaté : dans les jours qui suivent un diagnostic prouvé de grippe, l'incidence des infarctus du myocarde apparaît six fois plus élevée qu'à l'accoutumée.

Une relation déjà mise en évidence avec d’autres infections virales respiratoires

Les auteurs rappellent à cet égard qu'une augmentation des événements coronariens à la suite d’infections virales respiratoires (voire d'étiologie inconnue) a également été mise en évidence par plusieurs équipes. Un travail récent [3] a, par exemple, rapporté ce lien avec les infections à virus respiratoires syncytial (cf. notre actualité du 6 juin 2024). En revanche, la Covid-19 n’est pas citée, l'étude s'étant déroulée avant la pandémie.

Un autre point notable est aussi que l’incidence relative des IDM est bien plus importante chez les personnes n'ayant pas d'antécédents coronariens par rapport à celle des patients ayant déjà été hospitalisés pour un événement cardiovasculaire de ce type. Une des hypothèses est que les premiers sont en principe sous traitement antithrombotique et possiblement mieux protégés.

Quant aux mécanismes permettant d'expliquer l'association grippe-IDM, ils restent hypothétiques. Il pourrait s'agir d'un effet sur les voies de l’inflammation et de la coagulation, avec une demande métabolique accrue, conduisant à une déstabilisation des plaques athéromateuses.

Le point de vue des éditorialistes

Bien sûr des bémols sont à apporter. C'est ce que fait Lori E. Dodd dans un éditorial [4], qui, sans nier la réalité de l’association, s'interroge sur son caractère causal ou non. Y aurait-il la possibilité qu’il y ait un autre facteur reliant grippe et infarctus ? Il faudrait pour en savoir plus mettre en place d’autres études dédiées. 

A contrario, C.R MacIntyre et al. [5] se sont emparés avec enthousiasme de ces résultats qui s’ajoutent à d’autres s’inscrivant en faveur de la vaccination antigrippale. Pour exemple, ils citent une étude observationnelle [6], menée au Royaume-Uni sur plus de 193 000 individus, qui a montré une réduction de la survenue d’un premier événement cardiovasculaire chez les personnes ayant reçu un vaccin antigrippal par rapport à celles n’ayant pas été vaccinées. En cela, cette mesure préventive aurait un effet du même ordre de grandeur que l’arrêt du tabagisme, le recours aux statines ou aux antihypertenseurs.

En 2023, la Société européenne de cardiologie a d’ailleurs actualisé ses recommandations, à la suite d’un essai [7] (cf. notre article du 19 octobre 2021) ayant comparé la vaccination antigrippale à l’injection d'un placebo (sérum physiologique) immédiatement après un infarctus du myocarde et montré que le vaccin était associé à la diminution d’un critère composite comprenant décès de toutes causes, IDM et thrombose de stent à 12 mois.

Les éditorialistes se sont aussi penchés avec attention sur les résultats obtenus chez les non-coronariens soulignant que ces patients pourraient en réalité avoir une coronaropathie non diagnostiquée. Les bénéfices préventifs de la vaccination antigrippale pourraient ainsi être encore plus importants chez les personnes ayant des facteurs de risque de pathologie coronarienne n’ayant pas (encore) été hospitalisés pour un événement cardiovasculaire aigu. 

Sources

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