Les soins psychiatriques sans consentement sont encadrés par le Code de la santé publique.Media Raw Stock / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Les soins psychiatriques sous contraintes sont encadrés par la loi. Ils concernent un patient dont le consentement est altéré par des troubles mentaux et dont l’état nécessite des soins immédiats et une surveillance médicale constante.
Ils sont mis en place à la demande du directeur de l’établissement psychiatrique, ou sur décision d'un représentant de l’État par arrêté (préfet ou maire).
La demande du directeur de l’établissement peut être effectuée dans le cadre :
- de soins psychiatriques sur demande d'un tiers (SPDT) ;
- de soins psychiatriques sur demande d'un tiers en urgence (SPDTU) ;
- de soins psychiatriques avec péril imminent (SPPI).
Cette décision d’admission à l’hôpital, sans le consentement du patient, doit être confirmée ou infirmée par un psychiatre de l’établissement d’accueil après une période « d’observation et de soins » de 24 heures, puis à nouveau au plus tard 72 heures après l'admission.
Si les soins doivent être maintenus et que le consentement n'est toujours pas obtenu, il est proposé :
- soit une hospitalisation complète ;
- soit un suivi régulier et rapproché en ambulatoire, au cours d’une hospitalisation partielle, ou de visites à domicile avec élaboration d’un programme de soins.
Une mesure de soins psychiatriques à la demande d’un tiers (SPDT) doit être initiée par :
- un membre de la famille ;
- ou par un tiers connaissant le patient avant cette demande de soins ;
- ou par le directeur de l’établissement hospitalier en cas de péril imminent.
Elle est obligatoirement accompagnée d’un certificat médical descriptif (et non diagnostique) qui a une valeur médicolégale. Ce dernier peut être rédigé par tout médecin inscrit à l’Ordre.
Il est important d’y notifier clairement que l’état clinique du patient nécessite des soins immédiats et qu’il n’est pas consentant aux soins.
En France, il existe trois modalités de dispensation des soins psychiatriques.
Les plus fréquents, sont les soins psychiatriques dits « libres » au cours desquels les patients consentent à une prise en charge. Sur le plan de leurs libertés individuelles, ils disposent des mêmes droits que des personnes hospitalisées en service général et peuvent quitter l’établissement à tout moment s’ils le souhaitent.
Les soins psychiatriques peuvent également être pénalement ordonnés c’est-à-dire qu’ils sont imposés à une personne poursuivie ou condamnée pour une infraction pénale (cf. Encadré).
Enfin, il existe, les soins psychiatriques sous contrainte qui font l’objet de cette mise au point. Ils entraînent une privation de liberté et s’intègrent le plus souvent dans un contexte de crise pour un patient dont :
- le consentement est altéré par des troubles mentaux ;
- l’état nécessite :
- des soins immédiats,
- et une surveillance médicale constante ou régulière.
Le patient n’a pas la liberté de choisir son lieu d’hospitalisation, et la prise en charge des soins sans consentement est pratiquement exclusivement concentrée sur le secteur public dans des établissements autorisés en psychiatrie.
Qui fait la demande ou prend la décision selon la loi ?
Les soins psychiatriques sous contrainte à la demande d’un tiers sont encadrés par la loi du 5 juillet 2011, modifiée par la loi du 27 septembre 2013, et se divisent en deux grandes catégories, soit à la demande du directeur de l’établissement psychiatrique, soit sur décision d'un représentant de l’État.
Le directeur de l'établissement
La demande du directeur peut être effectuée dans le cadre :
- de soins psychiatriques sur demande d'un tiers (SPDT) : le directeur prononce l’admission dans son établissement à la suite de la demande d'un tiers et sur présentation de deux certificats médicaux concordants, circonstanciés et datés de moins de quinze jours.
- de soins psychiatriques sur demande d'un tiers en urgence (SPDTU) : en cas d’urgence, le directeur prononce l’admission dans son établissement à la suite de la demande d'un tiers et sur présentation d’un seul certificat médical (qui peut être rédigé par un médecin exerçant dans l’établissement).
- de soins psychiatriques avec péril imminent (SPPI). Il s’agit d’une procédure qui est utilisée si l’état de santé du patient représente un péril imminent en l’absence de tiers. Le certificat médical doit être rédigé par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement.
ou le représentant de l'État
Le représentant de l’État prenant la décision peut être :
- le préfet par arrêté préfectoral (soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État [SPDRE]) ;
- le maire en cas d'urgence (SPDREU).
Un état des lieux après 72 heures maximum
Cette décision d’admission à l’hôpital, sans le consentement du patient, sera respectivement confirmée ou infirmée par un psychiatre de l’établissement d’accueil après une période « d’observation et de soins » de 24 heures, puis à nouveau au plus tard 72 heures après l'admission. Dans les 24 heures, un médecin réalise également un examen somatique complet.
Si les deux certificats médicaux établis par ce(s) psychiatre(s) à 24 heures et à 72 heures concluent à la nécessité de « maintenir les soins », et que le consentement n'est toujours pas obtenu, il est proposé :
- soit une hospitalisation complète ;
- soit un suivi régulier et rapproché en ambulatoire, au cours d’une hospitalisation partielle, ou de visites à domicile, avec élaboration d’un programme de soins. Si l’état du patient se dégrade à nouveau fortement, une hospitalisation peut être décidée sans son consentement.
Si l'un des certificats conclut que les soins sans consentement ne sont plus justifiés : c'est la fin de la procédure de soins sans consentement.
Qui initie la démarche ?
Cette mesure de soins psychiatriques à la demande d’un tiers doit être initiée par :
- un membre de la famille ;
- ou par un tiers « justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de ce dernier » (article L3212-1 du Code de la santé publique) ;
- ou encore de façon plus exceptionnelle par le directeur de l’établissement hospitalier en cas de péril imminent (SPPI).
La personne rédige une demande d’hospitalisation, manuscrite, signée, datée, et qui comporte des renseignements sur le demandeur et le patient à hospitaliser :
- nom, prénoms ;
- profession ;
- domicile, âge ;
- nature des relations existantes entre le demandeur et le malade.
Comment le médecin généraliste peut-il soutenir la famille ?
Initier ce type de procédure est souvent très chargé émotionnellement pour la famille. Le médecin généraliste impliqué, ou témoin de cette procédure, ne doit pas hésiter à rappeler au tiers combien cette démarche s’inscrit dans une volonté :
- de protection de son proche face à des comportements ou des propos inquiétants, dangereux ou incompréhensibles, qui pourraient le mettre en danger lui-même et/ou les autres ;
- de ne pas retarder les soins.
Il s’assure par ailleurs que la famille est bien informée que cette décision d’admission à l’hôpital sans le consentement de leur proche est :
- réévaluée par un psychiatre de l’établissement qui doit établir un certificat à 24 heures, et à nouveau dans les 72 heures au plus tard après l'admission (cf. ci-dessus) ;
- contrôlée systématiquement par le juge des libertés et de la détention (JLD) qui statue au cours d’une audience dans les locaux de l’établissement sur le bien-fondé de la mesure et la régularité de la procédure dans les 12 jours d’hospitalisation avec rendu de la décision à l’issue de 15 jours d’hospitalisation complète.
Qui peut rédiger le certificat médical initial ?
La demande d’hospitalisation est obligatoirement accompagnée d’un certificat médical d’une importance fondamentale, car il s’agit d’un document médicolégal à l’origine de la décision de l’hospitalisation sous contrainte. Il doit permettre à des destinataires non médecins, et notamment au directeur d’établissement et au JLD, de comprendre le bien-fondé de la mesure demandée. Ce certificat peut être rédigé par tout médecin inscrit à l’Ordre quels que soient sa spécialité et son mode d’exercice.
Le médecin rédacteur ne doit être ni parent, ni allié jusqu’au 4e degré inclusivement avec le directeur de l’établissement d’accueil, ni avec la personne malade.
Le premier certificat d’une demande de SPDT doit être établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil alors que cette restriction n’est pas valable pour le 2e certificat.
Les deux médecins ayant rédigé les certificats ne peuvent être parents ou alliés entre eux.
Un certificat descriptif et non diagnostique
Le certificat décrit ce que le médecin observe et les symptômes qu’il constate personnellement. Il donne des éléments relatifs à :
- la présentation du patient :
- allure générale, hygiène personnelle (l’existence éventuelle d’une incurie),
- mimique,
- débit verbal,
- agitation et notamment la présence d’une activité motrice et ou verbale augmentée et inadaptée à la situation ;
- son contact et notamment s’il existe :
- une méfiance, une réserve, voire une réticence pour répondre aux questions posées,
- une absence ou un évitement de contact visuel ;
- ses capacités :
- à comprendre ce qui lui est dit,
- à écouter jusqu’au bout les questions qu’on lui pose (existe-t-il notamment des « attitudes d’écoute » du patient qui a souvent besoin qu’on lui répète la question qui vient d’être posée),
- à organiser et à structurer sa pensée : le médecin indique s’il repère un syndrome délirant et précise, s’il le peut, le mécanisme, la thématique, et le degré d’adhésion du patient à son discours.
- son humeur :
- stable ou non,
- tonalité pouvant osciller entre une position très pessimiste associée à un abattement jusqu’à une élation de l’humeur (exaltation),
- anhédonie (incapacité à ressentir du plaisir et des émotions positives) ;
- le contexte (éléments anamnestiques du parcours du patient selon les cas) et l’apparition des faits :
- brutale ou plus progressive,
- au décours ou non d’un événement particulier.
De la nécessité de soins immédiats au cours d’une phase aiguë
Afin de notifier clairement que des soins sont urgents et que le patient nécessite une prise en charge en milieu spécialisé avec une surveillance régulière de son état clinique tout au long du nycthémère, tous les signes cliniques qui relèvent de l’urgence de la prise en charge sont consignés dans le certificat.
À cet égard seront notés :
- une thymie sur un versant très dépressif, associée à des idées de ruine ou de culpabilité avec parfois une idéation suicidaire envahissante ;
- un syndrome délirant :
- occupant l’ensemble de l’espace psychique du patient et responsable de troubles graves du jugement avec un risque pour le patient ou pour autrui,
- qui s’accompagne d’hallucinations, en particulier auditives sous forme de voix injonctives enjoignant le patient à faire du mal à autrui ou à lui-même ;
- une intentionnalité suicidaire envahissante avec un scénario décrit et peu de facteurs protecteurs retrouvés ;
- une prise d’alcool ou de toxiques associée.
De l’impossible consentement aux soins
Un consentement libre et éclairé aux soins repose sur :
- le fait de donner son assentiment de manière fiable et stable dans le temps ;
- la nécessité d’appréhender la réalité et notamment celle de son état morbide.
On comprend de ce fait que la conscience que le patient a de ses troubles est à prendre en compte pour évaluer au mieux ce qui est de l’ordre du consentement aux soins au jour de l’initiation de la mesure. Une anosognosie totale, une reconnaissance partielle, une méconnaissance, ou une minimisation du caractère morbide des troubles rendent souvent difficile un consentement fiable et durable aux soins.
Le cas échéant, il est important d’insister dans le certificat sur l’impossibilité d’un consentement aux soins dû au trouble psychiatrique.
Le non-consentement aux soins est à différencier du renoncement aux soins. Ce dernier s’intègre dans une difficulté majeure pour le patient à organiser une hospitalisation complète. Dans cette situation, le patient n’est pas réticent aux soins, mais il est débordé par sa situation sociale (le plus souvent) et ne s’estime pas « autorisé » à quitter son domicile.
Dans le certificat, il est recommandé de préciser si le malade a été informé de la nécessité d’une hospitalisation. S’il n’était pas à ce stade en état de recevoir cette information sur sa situation juridique, elle devra lui être transmise dès que possible ainsi qu’une information sur les droits dont il dispose (article L3211-3 du Code de la santé publique) et notamment celui de prendre conseil auprès d’un médecin ou d’un avocat de son choix ainsi que celui de consulter le règlement intérieur et de recevoir toutes les explications qui s’y rapportent.
Des contraintes de forme
L’identité du patient qui a été examiné doit être précisée (nom, prénoms, date de naissance et, si possible, lieu de naissance et adresse d’habitation) ainsi que l’identité du médecin (nom, prénom, numéro de RPPS [répertoire partagé des professionnels de santé]).
Le certificat médical, bien lisible et rédigé en langue française, est daté, signé et doit se terminer par ces formules obligatoires :
- En cas de SPDT : « Cet état nécessite l’admission en soins psychiatriques à la demande du tiers » (II 1° de l'article L3212-1 du Code de la santé publique) ;
- En cas de SPDTU : « Cet état nécessite l’admission de soins psychiatriques en urgence en raison du risque grave d’atteinte à l’intégrité de la personne » (article L3212-3 du Code de la santé publique) ;
- En cas de SPPI : « Cet état nécessite l’admission en soins psychiatriques en raison du péril imminent pour la santé de la personne et en l’absence de tiers susceptible de formuler la demande » ( II 2° de l'article L3212-1 du Code de la santé publique) ;
- Et dans tous les cas : « J’atteste n’être à ma connaissance ni parent ni allié au 4e degré inclusivement, ni avec le directeur de l’établissement d’accueil ni avec la personne malade ».
Vers une alliance thérapeutique de meilleure qualité
Hormis sa valeur médicolégale, la rédaction fine et rigoureuse du certificat initial peut servir, dans un second temps, de support pour constater avec le patient l’amélioration de son état clinique par rapport à son arrivée dans le service. Ce certificat médical, qui a pu être rédigé par le médecin généraliste, pourra ainsi contribuer à l’établissement d’une alliance thérapeutique entre le patient et l’équipe soignante lors de l’hospitalisation. Il pourra aussi favoriser ultérieurement une participation plus active du patient à sa prise en charge et une poursuite du traitement à l’issue de l’hospitalisation.
Encadré - Trois catégories de soins psychiatriques pénalement ordonnés |
Les soins psychiatriques pénalement ordonnés sont imposés à une personne poursuivie ou condamnée pour une infraction pénale. À chaque catégorie de soins pénalement ordonnés (injonction thérapeutique/obligation de soins/injonction de soins) correspond une mesure juridiquement définie. L’injonction thérapeutique en accord avec le médecin relaisL'injonction thérapeutique est destinée à des personnes faisant usage de stupéfiants ou consommant de l'alcool de façon habituelle et excessive. Cette mesure est prise pour une durée de six mois, renouvelable trois fois, soit 24 mois au plus. Elle est décidée par les autorités judiciaires après examen de la personne par un médecin relais, inscrit sur une liste établie par l’agence régionale de santé (ARS) qui détermine l’indication d’une prise en charge médicale adaptée et en assure la surveillance et le suivi médical. L’obligation de soins : la mesure la plus fréquemment ordonnéeIl s’agit d’une obligation faite par une juridiction de consulter un professionnel de santé. Les soins peuvent être dispensés dans le secteur libéral ou dans le service public. Cette mesure s’applique aux majeurs et aux mineurs à partir de l’âge de 13 ans. Elle peut être prononcée à tous les moments judiciaires (pré ou postsentenciel, dans une alternative à l’incarcération ou au cours d’un aménagement de peine) et elle est ordonnée par l’autorité judiciaire aussi bien dans le cas d’un délit que d’un crime. Pour être prononcée, elle ne nécessite pas l’avis d’une expertise psychiatrique. L’injonction de soins sous le contrôle du médecin coordonnateurL'injonction de soins est une mesure judiciaire qui a été créée par la loi du 17 juin 1998 pour les auteurs d'infractions sexuelles dans le cadre d’un suivi sociojudiciaire. Cette mesure a été étendue en 2007 à des délits ou des crimes violents d'atteinte à la vie ou des actes de dégradation par des moyens dangereux. Elle n’est prononcée par un juge que si une expertise psychiatrique a mentionné que « la personne était susceptible de faire l'objet d'un traitement ». L'injonction de soins se distingue ainsi de l'obligation de soins qui peut être prononcée sans expertise psychiatrique. C’est le médecin coordonnateur, désigné par le juge d'application des peines sur une liste agréé, qui oriente le patient vers un médecin psychiatre ou un psychologue traitant avec lequel les soins seront mis en œuvre. Ces professionnels de santé délivrent au patient des attestations de suivi et peuvent informer le juge de l’application des peines ou le médecin coordonnateur en cas d’arrêt du suivi médical (sans que ce soit considéré comme une violation du secret professionnel). Le médecin coordinateur entretient des liens réguliers avec le juge d’application des peines. |
Fiche mémo : Aide à la rédaction des certificats et avis médicaux dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement d'une personne majeure à l'issue de la période d'observation de 72 heures. Haute Autorité de santé, mars 2018
Soins pour troubles psychiatriques. Vérifié le 15 février 2022 - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre).
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