Presque tous les antibiotiques déclenchent une dysbiose aiguë passagère.megaflopp / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
La diarrhée associée aux antibiotiques est une complication fréquente de l’antibiothérapie. Elle est rapportée par 5 à 25 % de patients, au cours du traitement ou dans les deux mois qui suivent.
Presque tous les antibiotiques administrés par voie orale ou parentérale sont en effet responsables d’un déséquilibre de l'écosystème bactérien (dysbiose), susceptible d'entraîner une diarrhée le plus souvent légère à modérée, disparaissant en quelques jours à l'arrêt de l'antibiotique.
Parfois, le déséquilibre de la flore intestinale fait le lit d’une prolifération d’agents bactériens pathogènes déjà résidents ou de rencontre, qui peuvent être responsables d’une infection intestinale symptomatique : Clostridioides difficile le plus souvent, plus rarement Salmonella spp et Klebsiella oxytoca.
La meilleure des préventions des diarrhées associées aux antibiotiques et des infections à Clostridioides difficile est d'éviter les antibiothérapies inutiles ou prolongées sans nécessité.
La démarche diagnostique et thérapeutique est reprécisée dans la VIDAL Reco consacrée aux diarrhées aiguës de l’adulte, qui vient d’être actualisée.
Quasiment tous les antibiotiques administrés par voie orale ou parentérale sont responsables d’une dysbiose aiguë passagère, pouvant provoquer une diarrhée modérée. Il s'agit donc d'une situation fréquente.
Quelle conduite à tenir ?
Lorsqu'une diarrhée survient au cours d’une antibiothérapie, il faut dans la mesure du possible arrêter le traitement antibiotique. C'est, par exemple, le cas si l'antibiothérapie n'était pas vraiment justifiée, si la durée du traitement était inappropriée, sachant que la majorité des infections communautaires se traitent en 6 jours maximum. Le plus souvent, la diarrhée disparaît alors spontanément en quelques jours.
Les médicaments antidiarrhéiques ne doivent pas être prescrits et les probiotiques, utilisés par voie orale à titre préventif ou curatif pour rétablir l’équilibre de la flore intestinale, n'ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Si la poursuite de l'antibiothérapie est nécessaire, par exemple en présence d'une infection potentiellement grave comme une pneumonie bactérienne, une pyélonéphrite, etc., il convient, si possible, de changer d'antibiotique et d'effectuer une recherche de Clostridioides difficile. C'est notamment le cas quand il existe des signes évocateurs (douleurs abdominales, diarrhée glairo-sanglante) et/ou de facteurs de risque (antibiothérapie à large spectre, hospitalisation, chimiothérapie, prise d’inhibiteurs de la pompe à protons [IPP], sonde nasogastrique...).
Diarrhées ou infections à Clostridioides difficile
Clostridioides difficile est une bactérie anaérobie, productrice de toxines (souches toxinogènes) à l'origine de colites pseudomembraneuses, qui est en cause dans 10 à 20 % des diarrhées provoquées par des antibiotiques, plus particulièrement par les céphalosporines, les fluoroquinolones et la clindamycine.
Toutefois, un quart des infections à Clostridioides difficile (ICD) ne sont pas liées à une antibiothérapie. Elles peuvent notamment survenir lors de la prise d’un IPP ou relever d’une transmission nosocomiale. L'incidence des ICD dans les établissements de santé est estimée à 2,3 à 3,6 cas pour 10 000 patients-jours.
L’ICD peut se traduire par une diarrhée aiguë sans colite, d’évolution le plus souvent bénigne en milieu communautaire. Il faut savoir évoquer ce diagnostic en cas d'évolution traînante après la prise d’antibiotiques ou d’IPP.
Elle peut aussi provoquer une colite pseudomembraneuse, associée à un taux de mortalité élevé, de 15 à 20 % chez les sujets à risque hospitalisés. En France, on estime à 300 à 400 le nombre de décès annuels en lien avec une colite pseudomembraneuse.
Quelle prise en charge des ICD ?
L'arrêt de l'antibiotique responsable permet la guérison en 2 à 3 jours dans 25 % des cas. Il est recommandé d'assurer une rééquilibration électrolytique et, comme dans toutes les formes liées à la prise d'antibiotiques, de ne pas prescrire de ralentisseur du transit. Lorsque la diarrhée perdure, l’opportunité d’un traitement spécifique se pose si l’ICD est confirmée avec souche toxinogène.
Une antibiothérapie ciblant Clostridioides difficile est aussi nécessaire en présence d’une diarrhée sévère, d’un syndrome dysentérique, de douleurs abdominales, de fièvre élevée ou si le patient est fragile.
La prise en charge doit avoir lieu en milieu hospitalier.
Face à un premier épisode, la fidaxomicine (de prescription hospitalière) est recommandée en première intention pendant 10 jours. La vancomycine est proposée en alternative.
Le métronidazole, qui a pendant longtemps été préconisé en première intention dans les formes non graves, n'est plus recommandé en Europe dans le traitement de l'ICD, les choix préférentiels se portant sur la fidaxomicine et la vancomycine (moins bonne réponse avec le métronidazole versus la vancomycine).
Un risque élevé de récidive
Le risque de récidive (rechute ou réinfection) dans les deux mois suivant une ICD est élevé, pouvant atteindre 20 % à 30 %. Les rechutes peuvent être liées à la persistance de la souche initiale ou à l'acquisition d'une nouvelle souche, et sont favorisées par des facteurs de risque : âge supérieur à 65 ans, poursuite d'un traitement antibiotique autre que celui utilisé contre l'ICD, comorbidité sévère et insuffisance rénale, plus d'un épisode antérieur d'ICD, utilisation concomitante d'IPP ou encore sévérité de la maladie initiale.
Cependant, ni une prophylaxie antibiotique, ni le recours aux probiotiques ne sont recommandés pour prévenir ces rechutes.
En cas de première rechute, le traitement de premier choix fait appel à la vancomycine si le premier épisode avait été traité par la fidaxomicine, et à la fidaxomicine dans le cas inverse.
Les ICD ne sont pas rares, y compris en milieu communautaire chez des patients sans facteurs de risque. Il faut donc savoir évoquer ce diagnostic et demander une recherche de la bactérie sur un examen de selles.
Il est aussi utile de souligner l’importance d'éviter les antibiothérapies inutiles, ce qui est encore trop souvent le cas dans bon nombre d’infections virales, de bronchites ou d’exacerbations de bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) non graves.
Le respect de la durée des antibiothérapies, largement revue à la baisse ces dernières années (cf. notre article du 18 juillet 2024), est également un facteur de réduction du risque de diarrhée qui leur est associée : 6 jours maximum pour les angines, pas plus de 5 jours pour les exacerbations de BPCO qui justifient des antibiotiques.
D’après un entretien avec le Pr Christian Chidiac, Lyon.
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