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Convention médicale 2024 : des engagements réciproques pour renforcer le bon usage des médicaments

La nouvelle Convention médicale 2024 entre l'Assurance maladie et les médecins libéraux conventionnés prévoit plusieurs engagements pour améliorer le bon usage des médicaments. Les antibiotiques, les analgésiques de palier 2 et les IPP sont particulièrement ciblés.  

David Paitraud 11 juin 2024 Image d'une montre10 minutes icon Ajouter un commentaire
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Un des axes de la lutte contre la iatrogénie : la réduction de la polymédication.

Un des axes de la lutte contre la iatrogénie : la réduction de la polymédication.Motortion / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

La Convention entre l'Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux signée le 30 mai 2024 liste quinze programmes pour améliorer la pertinence et la qualité des soins tout en permettant de générer des économies. 

Cinq de ces programmes intéressent directement le bon usage du médicament et la prévention de la iatrogénie médicamenteuse : 

  • lutte contre l'antibiorésistance
  • réduction de la polymédication 
  • conformité des prescriptions médicales aux indications thérapeutiques remboursables (ITR)
  • sécurisation du recours aux analgésiques de palier 2
  • pertinence des prescriptions d'inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)

Avec ces programmes, la Convention médicale introduit la notion de sobriété médicamenteuse et de déprescription, et prévoit un ensemble de moyens (information, dispositifs d'accompagnement, et outils pratiques) pour accompagner les médecins à prescrire conformément aux recommandations en vigueur. 

Parmi les dispositifs de soutien, la Convention médicale met particulièrement en avant la coopération entre le médecin prescripteur et le pharmacien d'officine, dispensateur. 

Un sixième programme encourage les médecins à participer à la pénétration des biosimilaires sur le marché français. 

Pour atteindre les objectifs fixés, l'Assurance maladie et les médecins ont pris un certain nombre d'engagements et un mécanisme de rémunération spécifique est mis en œuvre. 

L'article 61 de la Convention médicale signée le 4 juin 2024 [1, 2, 3] par l'Assurance maladie et par cinq syndicats représentatifs de médecins libéraux (MG France, Avenir-Spé Le Bloc, la CSMF [Confédération des syndicats médicaux français], la FMF [Fédération des médecins de France] et le SML [Syndicat des médecins libéraux]) prévoit de développer 15 programmes d'actions pour améliorer la pertinence et la qualité des soins (cf. Encadré). Le but est de renforcer la prise en charge globale des patients et également de maîtriser les dépenses de santé, voire de générer des économies. 

Pour chacun de ces programmes, des objectifs chiffrés sont affichés ; les signataires s'engagent à mettre en œuvre un ensemble d'actions pour les atteindre.

Ils « s’appuient sur des référentiels scientifiques, de la Haute Autorité de santé (HAS) à chaque fois qu’ils existent, avec l’appui des collèges et sociétés savantes, et sur des diagnostics et constats partagés entre les partenaires conventionnels », précise la Convention médicale.  

Parmi ces 15 programmes, certains concernent directement les médicaments : 

  • bon usage des médicaments (antibiotiques, analgésiques de palier 2, inhibiteurs de la pompe à protons [IPP]) ;
  • prescription dans le cadre du périmètre de remboursement ;
  • réduction de la polymédication ;
  • déploiement des biosimilaires. 
Encadré - Les 15 programmes conventionnels d'actions partagés pour améliorer la pertinence et la qualité des soins 
  • Pertinence des prescriptions des arrêts de travail   
  • Lutte contre l’antibiorésistance
  • Réduction de la polymédication
  • Conformité des prescriptions médicales aux indications thérapeutiques remboursables (ITR)
  • Développement des biosimilaires
  • Sécurisation du recours aux analgésiques de palier 2
  • Pertinence de la prescription et de la dispensation des dispositifs médicaux dits « du quotidien »
  • Pertinence de la prescription et de l’utilisation des traitements pour apnée du sommeil
  • Pertinence des prescriptions d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
  • Diminution des actes d’imagerie redondants ou non pertinents
  • Qualité des prescriptions des actes infirmiers
  • Pertinence de la prescription des transports sanitaires et partagés
  • Diminution des examens biologiques inutiles
  • Juste recours à l’ordonnance bizone
  • Amélioration du dépistage précoce des maladies cardiovasculaires et des cancers

Des objectifs ambitieux

Concernant la prescription de médicaments, la Convention médicale fixe les objectifs suivants : 

  • lutte contre l'antiobiorésistance : avoir diminué de 25 % le volume d'antibiotiques prescrits en 2027, avec un premier objectif de 10 % dès 2025 ; 
  • réduction de la polymédication : diminuer respectivement de 4 et 2 molécules le traitement chronique des patients hyperpolymédiqués (plus de 10 molécules délivrées au moins 3 fois dans l'année) et des patients polymédiqués de 65 ans et plus (plus de 5 molécules délivrées au moins 3 fois dans l'année) ; 
  • ITR et durées de traitement recommandées : viser 80 % de prescriptions conformes ; 
  • biosimilaires : atteindre un taux de pénétration de 80 % de biosimilaires en ville en décembre 2025 ;
  • analgésiques de palier 2, dont le tramadol : diminuer de 10 % les volumes remboursés dès 2025 ; 
  • IPP : diminuer de 20 % les prescriptions chez l'adulte et, chez l'enfant, les limiter aux seules indications recommandées par la HAS (Bon usage des IPP, HAS 2022).

Un ensemble de moyens promis par l'Assurance maladie

Pour chaque programme, l'Assurance maladie s'engage à développer différents moyens pour aider les prescripteurs à atteindre les objectifs conventionnels.

Un effort d'information globale 

L'Assurance maladie prévoit de développer l'information à différents niveaux :

  • auprès des médecins :
    • une information générale régulière afin de faciliter l'actualisation de leurs connaissances et l'intégration dans leur pratique des recommandations en vigueur, 
    • une information individuelle : par exemple, une information auprès de chaque médecin sur ses patients polymédiqués ;
  • auprès de la population :
    • des campagnes d'information pour soutenir les efforts des praticiens dans la réduction des prescriptions d'antibiotiques, d'analgésiques ou d'IPP.

Des outils pour guider la prescription

L'Assurance maladie promet également de mettre à disposition différents outils permettant de guider la prescription conformément aux objectifs conventionnels : 

  • outil d'aide à la décision thérapeutique dans le domaine des antibiotiques (de type Antibioclic) ;
  • ordonnance sécurisée pour les prescriptions de tramadol seul ou en association ;
  • boîtes à outils pour la déprescription, c'est-à-dire la suppression de lignes de traitement.

Des dispositifs pour accompagner la pratique des médecins libéraux 

Un ensemble de dispositifs (encadrement de la prescription, dispositif financier, consultation dédiée) est prévu pour accompagner la prescription de certains médicaments ou la sobriété médicamenteuse : 

  • dispositif de prescription renforcée pour les analogues du GLP-1 (aGLP1) sur Amelipro, prévu pour fin 2024 ;
  • une consultation longue de déprescription des patients âgés hyperpolymédiqués (10 lignes de traitement minimum) : cette consultation facturée 60 euros s'applique aux personnes de plus de 80 ans, une fois dans l'année, en s'appuyant sur un bilan de médicament réalisé par le pharmacien que le médecin aura préalablement prescrit. Son application est prévue à partir de janvier 2026 ; 
  • un renforcement de la coopération médecin/pharmacien : complémentarité avec les dispositifs conventionnels mis en œuvre dans les officines tels que le bilan partagé de médication, la substitution des biosimilaires ou la mise en place d'un entretien pharmaceutique « opioïdes » pour les renouvellements ;
  • un renforcement de la coopération libéraux/hospitaliers : action auprès des prescripteurs hospitaliers pour promouvoir les initiations de biosimilaires ;
  • dispositif financier incitatif individuel pour réduire les volumes d'IPP prescrits.

Les engagements des médecins libéraux

Bon usage des antibiotiques : sobriété et respect des recommandations

Dans le cadre du programme de lutte contre l'antibiorésistance, les médecins libéraux s'engagent à respecter : 

  • les recommandations de la HAS en termes de molécules et de durée de prescription ;
  • le principe de sobriété, en s'appuyant notamment sur les tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) pour évaluer la pertinence d'un traitement antibiotique (TROD angine et bandelettes urinaires) lorsque l'examen clinique seul ne permet pas de caractériser avec certitude la nature bactérienne d'une infection.

Ils s'engagent également à recourir aux différents dispositifs validés pour éviter un emploi inutile aux antibiotiques :  

  • ordonnances conditionnelles : conditionner la délivrance du médicament antibiotique à la réalisation d'un TROD à l'officine ; 
  • ordonnance de non prescription quand la prescription d'antibiotique n'est pas utile et que ce dispositif peut faciliter l'accompagnement du patient.

Polymédication : sobriété et coopération avec le pharmacien

La Convention médicale rappelle que « chaque nouvelle spécialité administrée aux patients polymédiqués augmente de 12 à 18 % le risque d'effet indésirable ».

Dix classes de médicaments sont le plus souvent concernées dans les situations de polymédication (cf. Tableau).

Tableau - Liste des molécules le plus souvent en cause dans la polymédication des patients de 65 ans et plus

Pour réduire le nombre de médicaments dans cette population, les médecins s'engagent : 

  • à respecter le principe de sobriété médicamenteuse ;
  • à prescrire selon les meilleurs standards de pertinence, c'est-à-dire en respectant les indications thérapeutiques remboursables (ITR) et les durées de prescription recommandées (notamment pour les IPP, les benzodiazépines et les antibiotiques) ;
  • à s'interroger sur la iatrogénie lors de la prescription ;
  • à coopérer avec les pharmaciens d'officine :
    • en prescrivant des bilans de médication et en s'appuyant sur les conclusions de ce bilan pour mener la consultation longue de déprescription, 
    • en menant une consultation de déprescription chez les 80 ans et plus hyperpolymédiqués,
    • en prenant en compte l'intervention pharmaceutique (via notamment l'ordonnance numérique) lorsqu'un risque iatrogénique est identifié.

Signaler les indications non remboursables sur l'ordonnance

Dans le cadre du programme de conformité des prescriptions médicales aux indications thérapeutiques remboursables (ITR), les médecins s'engagent : 

  • à respecter les ITR et les modalités de prescription (par exemple, le cas échéant sur une ordonnance de médicament d'exception) ;
  • à indiquer la mention « NR » sur l'ordonnance lorsque la prescription d'un médicament en dehors de ses ITR est maintenue. Dans ce cas, le patient doit être informé du non remboursement du médicament ;
  • à coopérer avec le pharmacien qui s’interrogerait sur le caractère remboursable d’une prescription au moment de la dispensation ;
  • dans le déploiement de l’ordonnance numérique ; 
  • à recourir au dispositif d’« accompagnement à la prescription » développé par l’Assurance maladie, en débutant avec le dispositif d’accompagnement à la prescription des aGLP-1.

Biosimilaires : y penser en primo-prescription et en renouvellement

Pour accélérer la pénétration des biosimilaires sur le marché français, les médecins s'engagent à privilégier la prescription des produits biosimilaires au sein d’une même classe :

  • primo-prescrire les biosimilaires à hauteur d'au moins 80 % ;
  • prescrire un biosimilaire en remplacement de la spécialité de référence lors des renouvellements ; 
  • cibler en particulier les biosimilaires prescrits en ophtalmologie (traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge [DMLA]) ainsi qu'en gastroentérologie, rhumatologie et dermatologie (anti-TNF).

Analgésiques de palier 2 : une ordonnance sécurisée pour le tramadol

Les antalgiques de palier 2 sont des opioïdes faibles parmi lesquels on trouve la codéine ou le tramadol. Ils sont employés dans le cadre du traitement des douleurs modérées à sévères ou rebelles au palier 1. 

Le programme conventionnel de sécurisation du recours aux analgésiques de palier 2 vise à limiter le risque de dépendance et de mésusage associé à ces médicaments.

Pour atteindre les objectifs conventionnels, les médecins s'engagent à :

  • s’interroger sur la iatrogénie et le risque de dépendance engendrée à chaque prescription d’antalgiques de niveaux 2 et 3 ;
  • privilégier le palier 1 des antalgiques dès que possible, et demander si le patient détient des boîtes de paracétamol chez lui avant d'en prescrire ;
  • recourir à l'ordonnance sécurisée pour le tramadol ;
  • limiter les renouvellements de traitements s’ils ne sont pas nécessaires et prescrire la durée de traitement la plus courte possible compatible avec l’état du patient.

IPP : pas de prescription systémique et déprescription dès que possible

La Convention médicale souligne que « plus de 50 % des usages des IPP ne seraient pas justifiés » et que ces traitements sont souvent prescrits « de manière trop systématique ou pour des durées trop longues ».

Dans le cadre du programme conventionnel visant à recentrer les prescriptions d'IPP conformément aux recommandations de la HAS, les engagements pris par les médecins sont les suivants : 

  • respecter les ITR et s’interroger sur la iatrogénie engendrée à chaque ligne de prescription.
    Pour les enfants de moins de 2 ans : la prescription d’un IPP doit être réservée aux nourrissons âgés de plus de 1 mois et aux enfants ayant un reflux gastro-œsophagien (RGO) persistant et gênant, s’accompagnant de complications ou survenant sur un terrain particulier.
    Chez les moins de 65 ans : les coprescriptions IPP-AINS ne doivent pas être systématiques ;
  • limiter l'utilisation au long cours (au-delà de 8 semaines) et réévaluer la poursuite du traitement ;
  • déprescrire dès que possible. 

Un intéressement financier à la déprescription est prévu dans la Convention médicale. Il consiste en un partage, entre les médecins concernés et l’Assurance maladie, des économies générées par la mise en conformité des prescriptions d’IPP avec les indications médicales et les référentiels de bon usage pour cette classe thérapeutique.

Il concerne les situations suivantes :

  • patient de moins de 65 ans sous association IPP-AINS ;
  • patient de plus de 65 sous IPP pendant une durée de plus de 8 semaines sans justification particulière.

Ce dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2025 et prendra fin 3 ans après son démarrage. 

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