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Choléra à Mayotte : une stratégie vaccinale évolutive en fonction de la situation épidémiologique

En réponse à la menace d'épidémie de choléra à Mayotte, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande une stratégie vaccinale en trois paliers avec les vaccins oraux DUKORAL ou VAXCHORA.

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Selon le BEH du 13 mai 2024, 78 cas ont été déclarés à Mayotte (dont 1 décès).

Selon le BEH du 13 mai 2024, 78 cas ont été déclarés à Mayotte (dont 1 décès).bin kontan / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Face à la menace d'épidémie de choléra à Mayotte, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande une stratégie vaccinale en trois paliers, en fonction de la situation épidémiologique : 

  • palier 1 : présence de quelques cas sporadiques non liés ou importés
  • palier 2 : faible nombre de cas avec transmission locale avérée
  • palier 3 : épidémie confirmée

Pour chaque palier, le HCSP définit les populations à vacciner avec les vaccins oraux DUKORAL ou VAXCHORA, en tenant compte des contre-indications et de la disponibilité des doses.

La lutte contre le choléra repose en premier lieu sur l’amélioration de l’accès à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement. Le HCSP rappelle que la vaccination est un moyen additionnel.

Saisi par la direction générale de la Santé (DGS), le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a émis des recommandations relatives à la vaccination et à la gestion des corps dans un contexte de choléra à Mayotte [1, 2]. Dans cet article, seule la stratégie vaccinale est présentée. 

Dans un contexte d’épidémie dans l’archipel des Comores, un ensemble de mesures a déjà été mis en place par l'Agence régionale de santé (ARS) pour maîtriser la diffusion du choléra à Mayotte, incluant la vaccination : 

  • ouverture d'une cellule « choléra » au centre hospitalier de Mayotte (CHM) ;
  • renforcement des interventions de terrain par l'ARS Mayotte : équipe d'intervention réactive dès la confirmation biologique d'un cas suspect [3] ;
  • mise en place par l'ARS Mayotte d'une vaccination des intervenants de première ligne, d’abord par DUKORAL (schéma à 2 doses) puis par VAXCHORA au regard des allotissements disponibles ;
  • mise en œuvre d'une vaccination par DUKORAL pour les contacts domiciliaires et de VAXCHORA pour les habitants dans un rayon proche.

Les cas de choléra augmentent à Mayotte

Un premier cas suspect de choléra a été signalé à Mayotte le 18 mars 2024 [4] (cf. notre article du 27 mars 2024). 

Le 10 avril 2024, quatre nouveaux cas de choléra importés ont été identifiés (cf. notre article du 25 avril 2024). L'ARS a confirmé le décès d'un enfant infecté le 8 mai [5]. 

Selon le dernier bulletin épidémiologique publié le 13 mai 2024 [6] : 

  • 78 cas ont été déclarés (dont 1 décès) ;
  • 464 personnes contacts proches ont été traitées ;
  • 4 456 personnes contacts ont été vaccinées.

L'accès à l'eau potable et l'hygiène : premières armes pour lutter contre le choléra

Le choléra est une infection à transmission exclusivement digestive à partir de l’eau ou d’aliments contaminés ou après contact direct avec un patient (y compris récemment décédé de l’infection). Elle peut être rapidement mortelle par déshydratation dans les formes les plus sévères (cf. notre article du 25 avril 2024).

Dans son avis, le HCSP rappelle que « la pierre angulaire de la lutte contre le choléra est l’amélioration de l’accès à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement (...). Sur l’île de Mayotte, cette lutte est déjà mise en place (audition ARS). La vaccination contre le choléra est un moyen de lutte additionnel ».

Trois paliers et deux vaccins

Le HCSP recommande une stratégie vaccinale en trois paliers à activer en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique du choléra sur le territoire de Mayotte.

Quel que soit le palier, la stratégie vaccinale recommandée par le HCSP repose sur deux vaccins oraux :

  • DUKORAL suspension et granulé effervescent pour suspension buvable (vaccin inactivé) selon un schéma en 2 doses (idéalement) : ce vaccin est celui habituellement distribué en France. « Des lots avaient été prépositionnés à Mayotte à la suite des recommandations du HCSP du 22 juin 2023 concernant les risques de maladies à transmission féco-orale en situation de crise de l’eau », souligne le HCSP. DUKORAL doit être indispensablement administré avec une solution tampon antiacide (bicarbonate de sodium) afin d’empêcher son inactivation par l’acidité gastrique ; 
  • VAXCHORA poudre effervescente et poudre pour suspension buvable (vaccin vivant atténué) selon un schéma à 1 dose : « dans le contexte de l’émergence du choléra à Mayotte et de l’accessibilité limitée au DUKORAL, des lots de VAXCHORA ont été mis à disposition de l’ARS », note le HCSP. L’administration en une seule prise orale de ce vaccin vivant atténué en une dose nécessite une préparation avec de l’eau ne contenant pas de produit désinfectant, chloré notamment, au risque de le dénaturer (eau de source et non eau du robinet). Il est contre-indiqué en cas d'immunodépression ou de grossesse. 

Le HCSP présente en page 7 de son avis [2] un tableau de comparaison (composition, schéma vaccinal, modalités d'administration) des deux vaccins. 

Palier 1 : cas sporadiques non liés ou importés

Le premier palier de vaccination défini par le HCSP est applicable en présence de quelques cas sporadiques non liés ou importés. Cette situation était celle observée à la date de l’avis du HCSP, c'est-à-dire en avril. Dans cette situation, la vaccination cible : 

  • les intervenants de 1re ligne (soignants et tout intervenant autour des cas y compris pour toute opération funéraire) : finaliser la vaccination déjà engagée par VAXCHORA 1 dose, ou par DUKORAL 2 doses en cas de contre-indication au VAXCHORA ;
  • les personnes vivant dans le même foyer que le cas et/ou à contact avéré avec le cas (par exemple passagers d’un même bateau) : DUKORAL (aucune contre-indication sauf âge < 2 ans) 2 doses chaque fois que possible (si l’administration de la 2e dose est incertaine, administrer au moins 1 dose) + antibioprophylaxie par doxycycline en l’absence de contre-indication (cf. recommandations SPILF) ;
  • les personnes hors foyer domiciliaire, mais partageant cours, latrines, cuisines, points et stocks d’eau : VAXCHORA 1 dose, sauf contre-indication.

Palier 2 : faible nombre de cas avec transmission locale avérée

Ce deuxième palier s'applique en cas de transmission locale avérée du choléra, mais avec un faible nombre de cas signalés. La vaccination est recommandée pour les personnes suivantes :

  • intervenants de 1re ligne : intensifier et finaliser la campagne de vaccination déjà engagée ; 
  • personnes vivant dans le même foyer et/ou contacts avérés : DUKORAL 2 doses chaque fois que possible (si l'administration de la 2e dose est incertaine, administrer au moins 1 dose) + antibioprophylaxie par doxycycline en l’absence de contre-indication ;
  • personnes hors foyer domiciliaire : possibilité selon les résultats d’une enquête de terrain immédiate d’étendre la vaccination (par VAXCHORA 1 dose) au-delà des personnes partageant cours, latrines, cuisines, points et stocks d’eau (par exemple toutes personnes habitant la même zone d’habitat précaire).

Palier 3 : épidémie confirmée

En cas d'épidémie confirmée (augmentation du nombre de cas avec transmission locale avérée), la stratégie vaccinale recommandée cible : 

  • les intervenants de 1re ligne non encore vaccinés, ainsi que les intervenants de 2e ligne (en particulier recrutés pour des centres additionnels de traitement) : VAXCHORA une dose (ou en cas de contre-indication, DUKORAL 2 doses) ;
  • personnes coexposées au sein du foyer et/ou contacts avérés : DUKORAL 2 doses chaque fois que possible (si l’administration de la 2e dose est incertaine, administrer au moins 1 dose) + antibioprophylaxie par doxycycline en l’absence de contre-indication ; 
  • vaccination de toute ou partie de la population selon la disponibilité en doses vaccinales après sollicitation de la GTFCC (Global Task Force on Cholera Control).

« Ce palier pourrait s’assortir de mesures d’hygiène touchant la population générale (a minima la restriction temporaire d’organisation de repas collectifs, hors établissements permettant le respect des mesures d’hygiène en particulier les grands banquets de la saison des grands mariages ou les voulés (grands barbecues) réunissant sur les plages de nombreux convives », ajoute le HCSP.

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