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Maladie de Wilson : ne pas passer à côté du diagnostic

Non traitée à temps, cette maladie génétique rare du métabolisme du cuivre peut avoir des conséquences graves. Des troubles hépatiques ou neuropsychiatriques sont le plus souvent révélateurs. Mais les signes cliniques sont variés, d'où un diagnostic parfois difficile.

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Le traitement est efficace s’il est institué précocement et à vie sans jamais être interrompu.

Le traitement est efficace s’il est institué précocement et à vie sans jamais être interrompu. Kuppa_rock/ iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

La maladie de Wilson (MW) est une affection génétique rare potentiellement grave due à une accumulation tissulaire de cuivre libre : essentiellement hépatique, cérébrale et péricornéenne.

Cette maladie monogénique, de transmission autosomique récessive, résulte de mutations dans le gène ATP7B porté par le chromosome 13. Ce gène code pour la protéine de même nom qui assure le transport du cuivre au sein de l’hépatocyte.

La MW se révèle par des symptômes hépatiques, neurologiques, et psychiatriques chez 45 %, 35 % et 10 % des patients, respectivement.

Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments incluant notamment un bilan cuprique, une IRM cérébrale et un test génétique.

Le traitement fait appel soit aux chélateurs du cuivre tels que la D-pénicillamine ou les sels de trientine, soit aux sels de zinc.

Toute personne nouvellement diagnostiquée doit être traitée, même si elle est asymptomatique. La précocité du traitement est fondamentale. Ce dernier est poursuivi à vie et ne doit jamais être interrompu. 

Un suivi régulier est nécessaire pour s’assurer de l’efficacité, de la bonne tolérance et de l’observance du traitement.

La maladie de Wilson (MW), encore appelée « dégénérescence hépato-lenticulaire » a été identifiée il y a un siècle par Samuel Alexander Kinnier Wilson. En s’appuyant sur l’observation de quatre patients, ce neurologue anglais a décrit les éléments clés de la maladie et formulé l’hypothèse que « les anomalies cérébrales étaient liées à un toxique généré par le foie cirrhotique ».

On sait désormais que cette maladie génétique rare, potentiellement grave et mortelle, mais qui dispose d’un traitement, est effectivement due à une accumulation tissulaire de cuivre libre, initialement dans le foie, puis dans le cerveau, l’œil et les reins notamment.

La prévalence clinique mondiale de la MW varie de 12 à 25 cas par million d’habitants. En France, une étude épidémiologique, réalisée en 2013, a retrouvé 906 cas, ce qui équivaut à une prévalence clinique d’environ 1,5 cas pour 100 000. Il y aurait un peu plus de personnes touchées dans le Nord et l’Est de la France.

Quelle physiopathologie ?

Cette maladie monogénique, de transmission autosomique récessive, est due à des mutations dans le gène ATP7B (ATPase copper transporting beta) situé sur le chromosome 13 (13q14) qui code pour la protéine du même nom. Cette dernière, située dans le foie principalement, assure le transport du cuivre au sein de l’hépatocyte et, lorsque les concentrations de cuivre intracellulaire augmentent, elle permet son excrétion dans la bile, puis dans les selles.

La protéine ATP7B permet aussi de lier le cuivre à la céruloplasmine (protéine de transport du cuivre dans le sang) sous forme d’un complexe non toxique (contrairement au cuivre libre).

Ainsi, en cas de dysfonctionnement de la protéine ATP7B :

  • l’hépatocyte ne peut plus évacuer le cuivre excédentaire vers la bile et l’élimination du cuivre se fait uniquement dans les urines ;
  • le cuivre s’accumule dans le foie sous forme liée et libre (toxique). Cette accumulation peut durer des années avant l’apparition des premiers symptômes cliniques ;
  • la diminution d’incorporation du cuivre dans la céruloplasmine fait que cette protéine est dégradée plus rapidement et que les taux de céruloplasminénie sont abaissés ;
  • le cuivre libre (toxique), libéré dans le sang, est à l’origine des atteintes extrahépatiques (cerveau, œil, sang, os, cœur, glandes endocrines) qui s’associent à la maladie hépatique initiale (cf. Figure).

Des tableaux cliniques protéiformes

On distingue principalement trois formes de la maladie :

  • présymptomatique ;
  • hépatique ;
  • systémique avec atteintes hépatique et extrahépatique (essentiellement neurologique).

Une combinaison de ces différentes formes est possible.

 La maladie se révèle dans la grande majorité des cas par des symptômes :

  • hépatiques (45 % des patients) ;
  • neurologiques (35 %) ;
  • psychiatriques (10 %).

Des signes moins spécifiques et plus rares peuvent aussi survenir (cf. Figure) :

  • une anémie hémolytique aiguë ou chronique à coombs négatif chez un enfant de plus de 7 ans ;
  • une atteinte rénale : tubulopathie, fanconi, lithiase, néphrocalcinose ;
  • une atteinte cardiaque : arythmies, cardiomyopathie ;
  • une atteinte endocrinienne : hyperparathyroïdie, dysménorrhée ;
  • une atteinte osseuse : arthropathie, ostéoporose rachitisme.

Comme le précise le Dr Eduardo Couchonnal-Bedoya, pédiatre hépatologue, coordonnateur du centre de référence de la maladie de Wilson à Bron (Lyon), « la maladie de Wilson doit faire partie des hypothèses diagnostiques devant toute anomalie biologique ou morphologique hépatique chez l’enfant et l’adulte. Sur le plan neuropsychiatrique, les symptômes principaux sont : un tremblement, une dystonie, une dysarthrie, un trouble de la déglutition, un trouble de la marche, ou de l’humeur ».

L’âge n’est pas un critère d’exclusion 

Dans la majorité des cas, les symptômes de la MW apparaissent entre 5 et 35 ans.

Chez l’enfant, la maladie fait exceptionnellement parler d’elle avant 3 ans et l’âge moyen au diagnostic est de 10,5 ans.

Cependant, l’âge ne doit pas être un critère d’exclusion :

  • dans 8 % des cas, le diagnostic est posé après 40 ans devant des symptômes hépatiques et/ou neurologiques ;
  • 6 % des découvertes de MW sont faites chez des personnes de plus de 60 ans.

Quelles circonstances de découverte chez l’enfant ?

Chez l’enfant/adolescent, la maladie est le plus fréquemment révélée par des symptômes hépatiques :

  • une cytolyse ;
  • une stéatose ;
  • une hépatomégalie.

Une insuffisance hépatique aiguë ou une complication de la cirrhose sont plus rarement révélatrices. 

Le Dr Dominique Debray, hépatopédiatre à l'hôpital Necker à Paris, insiste sur l’importance d’évoquer une MW devant toute augmentation des transaminases chez un enfant de plus de 2 ans (après avoir exclu une hépatite virale).

Les formes neurologiques surviennent en moyenne vers 20 ans et sont rares chez l’enfant avant 10 ans (mais sont décrites dès 6 ans). Les premières manifestations apparaissent progressivement sur plusieurs semaines ou quelques mois. Il peut s’agir de « petits signes » tels que :

  • une irritabilité ;
  • un syndrome dépressif ;
  • une diminution des performances scolaires ;
  • une incoordination ;
  • une micrographie.

Selon le Dr Eduardo Couchonnal-Bedoya, « la survenue de ces symptômes doit conduire à une exploration du foie (bilan biologique et au moins une échographie). Il n’est pas rare que le bilan biologique hépatique soit normal ou très peu perturbé en cas de formes neurologiques ».

Quelles présentations chez l’adulte ?

Comme chez l’enfant, il n’y a pas de symptômes spécifiques de l’atteinte hépatique chez l’adulte. Cette dernière peut être découverte lors :

  • d’un bilan systématique ;
  • ou devant :
    • une hépatite chronique,
    • une cirrhose,
    • une insuffisance hépatique en rapport avec une hépatite sévère ou fulminante (de 6 à 12 % des cas).

Des mouvements anormaux

Les signes neurologiques varient en fonction de la localisation cérébrale du cuivre en excès et peuvent comporter :

  • un tremblement très polymorphe (au repos ou à l’action, fin ou ample, lent ou rapide) variable dans sa localisation et le plus souvent asymétrique. C’est le signe neurologique le plus fréquent (55 %) et qui a le meilleur pronostic. Il disparaît généralement sous traitement au bout de quelques mois ou années ;
  • une dystonie (de 11 à 69 %) avec des contractions musculaires soutenues soit généralisées soit focales. Au niveau du visage, la dystonie est responsable du « risus sardonicus » qui donne l’impression que le patient sourit spontanément ;
  • un syndrome parkinsonien : lenteur des mouvements, rigidité, difficulté à marcher (de 28 à 45 %) ;
  • une dysarthrie, une hypersalivation et une dysphagie sont souvent associées.

Quand des signes neurologiques sont présents chez l’adulte, il existe quasiment toujours :

  • des anomalies échographiques du foie et, dans la moitié des cas, les patients ont déjà une cirrhose.
  • un anneau péricornéen de Kayser-Fleischer (voir ci-dessous).

Des symptômes psychiatriques

Des troubles psychiatriques et comportementaux sont présents dans 30 à 63 % des cas au diagnostic. Ils peuvent être isolés et/ou masqués les atteintes hépatique et neurologique qui passent alors au second plan. Leur présence allonge le délai du diagnostic de 2,5 ans en moyenne.

Il s’agit de troubles :

  • dépressifs (dépression, troubles bipolaires) le plus souvent ;
  • du comportement : irritabilité, changement de personnalité (psychose) ;
  • de l’attention ;
  • anxieux.

L’anneau de Kayser-Fleischer reflet de la surcharge en cuivre

L’anneau péricornéen de Kayser-Fleischer est objectivé par un examen oculaire à la lampe à fente réalisé par un ophtalmologiste expérimenté. Il reflète la surcharge en cuivre de la membrane de Descemet (partie postérieure de la cornée). Des cataractes visibles uniquement à la lampe à fente (sunflower cataract) sont également rapportées.

L’anneau de Kayser-Fleischer est :

  • absent dans environ la moitié des formes hépatiques tout âge confondu et deux tiers des formes hépatiques chez l’enfant ;
  • présent dans la quasi-totalité des formes neurologiques (plus de 95 % des patients).

Le dépistage familial

En cas de nouveau diagnostic de MW, un dépistage familial doit être réalisé. Il ne doit pas uniquement concerner la fratrie du cas index, mais également les ascendants et les descendants (même asymptomatiques). La variabilité phénotypique de la MW étant importante, les modes de révélation peuvent être, au sein d’une même famille, complétement différents.

Pour poser le diagnostic

La précocité du diagnostic et du traitement de la MW est fondamentale. Si le traitement est débuté tôt, le pronostic est excellent et l’espérance de vie quasiment identique à celle de la population générale.

Le diagnostic de MW repose sur un faisceau d’arguments incluant notamment le bilan cuprique, l’IRM cérébrale et le test génétique. Il ne faut pas hésiter à s’adresser à un centre de référence/compétence maladie de Wilson en cas de doute pour confirmer ou infirmer un diagnostic et pour guider le traitement et le suivi d’un patient.

Zoom sur le bilan du cuivre

Le bilan cuprique de première intention comporte : une céruloplasminémie, une cuprémie, et une cuprurie des 24h.

  • La céruloplasminémie est diminuée chez plus de 9 patients sur 10 avec un seuil < à 0,14 g/L (pour une normale entre 0,2 et 0,4 g/L [PNDS, 2021]). Une diminution isolée de ce dosage ne permet pas de poser le diagnostic. Des valeurs très basses (< 0,05 g/L) le suggèrent cependant fortement (NEJM 2023).
  • Du fait de la diminution de la céruloplasminémie, la cuprémie totale (cuivre totale sérique) est en général abaissée < 10 µmol/L (pour une normale entre 14 et 21 µmol/L).
  • La cuprurie des 24h est le plus souvent augmentée, mais cette élévation n’est pas spécifique. Dans les formes neurologiques, l’augmentation du cuivre urinaire est constante > 1,6 µmol (pour une normale inférieure à 0,6 µmol). Dans certaines formes hépatiques ou présymptomatiques, la cuprurie peut être normale notamment chez les enfants.

Le cuivre échangeable (CuEXC) correspond à la fraction labile de cuivre dans le sérum. Ce dosage, quand il est élevé, peut faire suspecter d’emblée une forme extrahépatique. Il peut aussi être utilisé pour le suivi (diminution sous traitement). Mais il permet surtout de calculer le cuivre échangeable relatif (REC) c’est-à-dire le rapport entre cuivre échangeable/cuprémie totale. Or, le REC est un excellent marqueur diagnostique avec une sensibilité et une spécificité proches de 100% lorsqu’il est > 18,5 %. Le REC peut aussi aider à différencier les porteurs hétérozygotes (ou les sujets sains) des sujets malades (si > 15 %).

Quel premier bilan en ville et où ?

Le Dr Eduardo Couchonnal-Bedoya préconise un bilan biologique minimal en ville qui comporte au moins :

  • un hémogramme ;
  • un bilan hépatique complet ;
  • un dosage plasmatique de la céruloplasmine.

Ces premières analyses peuvent être faites dans n’importe quel laboratoire.

Un bilan intermédiaire inclut :

  • une cuprémie totale ;
  • un cuivre urinaire des 24 heures.

Ces deux dosages doivent être réalisés dans un laboratoire qualifié. Les conditions de recueil des urines sont importantes : contenants en plastique ou en verre, lavés à l’acide afin d’éviter la contamination par du cuivre.

La détermination du cuivre échangeable relatif est l’un des meilleurs examens pour confirmer/éliminer ce diagnostic, mais peu de laboratoires effectuent ce dosage qui doit être réalisé dans un laboratoire labellisé. Il faut alors se rapprocher d’un centre de référence/compétence de la maladie de Wilson pour avoir les renseignements sur la manipulation et l’envoi du prélèvement (cf. Annexe 4 page 31 du PNDS 2021).

L’IRM cérébrale, un examen de référence

L’IRM cérébrale (séquences T1, T2 et FLAIR) est l’examen cérébral de référence. C’est un outil important du diagnostic de la maladie, même si les anomalies détectées qui concernent essentiellement la substance grise, et notamment les noyaux gris centraux, ne sont pas spécifiques. Le scanner cérébral n’est pas recommandé et son indication se limite aux contre-indications de l’IRM.

Le Dr Eduardo Couchonnal-Bedoya souligne que : « L’IRM cérébrale est presque systématiquement anormale dans les formes neurologiques, et souvent anormale dans les formes psychiatriques. Des anomalies à l’IRM cérébrale peuvent également être rapportées dans les formes hépatiques, même en l’absence de signes neurologiques cliniques évidents. »

L’analyse moléculaire permet de confirmer le diagnostic

La présence de mutation(s) dans le gène ATP7B lors de l’analyse moléculaire permet de confirmer le diagnostic, mais les résultats sont plus tardifs (délai de un ou deux mois) et ne doivent pas retarder la mise en route du traitement. Actuellement, l’identification de mutations permet de confirmer le diagnostic de la maladie de Wilson dans près de 98 % des cas. À ce jour, plus de 900 mutations ont été répertoriées (la plupart des individus atteints étant hétérozygotes composites).

Quelle prise en charge ?

La prise en charge du patient atteint de la MW est complexe et multidisciplinaire. Elle est coordonnée par le médecin traitant et réalisée en lien et/ou dans un centre de référence/compétence de la maladie de Wilson et autres maladies rares liées au cuivre ou dans un centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme.

Toute personne nouvellement diagnostiquée doit être traitée, même si elle est asymptomatique.

Le traitement est :

  • débuté le plus précocement possible (pour améliorer le pronostic) ;
  • instauré après avis du centre de référence ;
  • poursuivi à vie.

Il ne doit jamais être interrompu.

Un arrêt du traitement conduit à une réapparition inexorable des symptômes dans des délais variables et sous différentes formes avec possible survenue d’une hépatite fulminante nécessitant une greffe de foie.

La grossesse ne contre-indique aucun traitement spécifique de la MW. Il peut être nécessaire de réduire les doses pendant cette période. La grossesse doit être anticipée et programmée dans une période de stabilité de la maladie.

Les patients atteints de la MW relèvent de l’exonération du ticket modérateur au titre de l’ALD 17 (maladies métaboliques héréditaires).

Un régime alimentaire pauvre en cuivre* est associé au traitement médical, surtout lors de la phase active de chélation. 

Les traitements spécifiques de la MW sont les chélateurs du cuivre (D-pénicillamine ou sels de trientine) qui éliminent le cuivre dans les urines, et les sels de zinc (zinc acétate) qui diminuent l’absorption digestive du cuivre.

Dans les formes présymptomatiques (ou en cas de maladie stabilisée), le traitement repose habituellement sur les sels de zinc.

Dans les formes symptomatiques, la D-pénicillamine est prescrite en première intention. Ce médicament est très efficace, mais des effets secondaires surviennent dans 30 % des cas. Une surveillance rapprochée est ainsi nécessaire (rein, peau, bilan hémato et auto-immun).

* aliments riches en cuivre : chocolat noir, fruits secs (noix, noisettes, amandes), abats (en particulier le foie), coquillages et crustacés.

Un suivi à vie

Le suivi repose sur un tryptique : surveillance de l’efficacité du traitement, de la tolérance et de l’observance. Les adultes doivent être suivis au minimum tous les six mois dans une consultation spécialisée, et par un hépatologue à raison d’une consultation et d’une échographie abdominale annuelle (ou tous les six mois en cas de cirrhose).

Texte rédigé avec la collaboration du Dr Eduardo Couchonnal-Bedoya, pédiatre hépatologue coordonnateur du centre de référence de la maladie de Wilson à Bron (Lyon), et d’après le webinar maladie de Wilson et le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) « Maladie de Wilson » de décembre 2021. 

Figure réalisée par le Studio graphique de VIDAL d'après le N Engl J Med. (2023 ; 389 :922-938). 

Sources

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