Les symptômes du choléra sont essentiellement liés à l’effet de l’entérotoxine cholérique.Gilnature / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Le choléra est une infection diarrhéique aiguë, épidémique, transmise par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par la bactérie Vibrio cholerae du sérogroupe O1 (ou plus rarement O139) productrice de la toxine cholérique
En France métropolitaine, le choléra est une maladie importée rare. Mais il touche chaque année plusieurs millions de personnes dans les pays en voie de développement et cause plusieurs dizaines de milliers de décès.
De 10 à 20 % des patients présentent une forme typique : diarrhée aiguë aqueuse de survenue brutale et vomissements importants. L’incubation est de quelques heures à 5 jours.
Toute suspicion de choléra doit conduire à une déclaration obligatoire à l’agence régionale de santé.
Une coproculture permet de rechercher V. cholerae. Pour confirmer le diagnostic, il est nécessaire d'avoir une mise en culture ainsi qu'un typage identifiant l’espèce et le sérogroupe.
Selon la gravité des symptômes, le patient est pris en charge en ambulatoire ou en milieu hospitalier. La réhydratation peut se faire dans la majorité des cas par voie orale, sinon par voie intraveineuse dans les formes sévères. L’antibiothérapie n’est pas systématique et est réservée à certaines formes sévères ou survenant sur un terrain particulier.
La meilleure des préventions est le respect des mesures d’hygiène. La vaccination n’est globalement pas recommandée chez les voyageurs se rendant en zone à risque de choléra et se discute chez certains personnels de santé exposés. Elle permet de limiter la propagation de la maladie en zone d’endémie.
Au 15 avril 2024, 10 cas importés ont été confirmés dans le département de Mayotte. Le bulletin d'information de la préfecture et de l'ARS de Mayotte rappelle la conduite à tenir.
Maladie disparue dans les pays développés, le choléra touche chaque année plusieurs millions de personnes dans les pays en voie de développement. Plusieurs cas ont été rapportés ces dernières semaines à Mayotte, chez des migrants venus d’Afrique, et les cas importés dans les pays développés, bien que rares, sont en augmentation.
La confirmation de 10 cas de choléra (au 15 avril 2024) à Mayotte - EDIT du 26 avril 2024 : et 3 premiers cas « autochtones » au 26 avril 2024 /FIN EDIT - est l’occasion de rappeler quelques messages clés sur cette infection diarrhéique aiguë qui fait suite à l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés par la bactérie Vibrio cholerae du sérogroupe O1 ou O139 productrice de la toxine cholérique.
Si les mesures d’assainissement et d’hygiène ont permis la disparition du choléra en France métropolitaine, comme dans les autres pays industrialisés, on assiste toujours à une circulation sur un mode endémique ou épidémique des vibrions cholériques dans certains pays marqués par de fortes concentrations de population défavorisées, des mesures d’hygiène individuelle et collective insuffisantes et un manque d’accès à l’eau potable.
Qu’est-ce que le choléra ?
Le choléra est une infection diarrhéique aiguë, épidémique, transmise par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par la bactérie Vibrio cholerae du sérogroupe O1 (ou plus rarement O139) productrice de la toxine cholérique. C’est l’homme qui va contaminer l’environnement de façon transitoire par les selles diarrhéiques libérées en grande quantité. Les souches des autres sérogroupes de l’espèce V. cholerae (on en dénombre plus de 200), dont le réservoir est l’eau, ne sécrètent généralement pas la toxine cholérique et sont le plus souvent responsables de cas sporadiques de gastro-entérites banales.
Pour entraîner des symptômes, la dose infectieuse doit être relativement élevée, ce qui sous-tend le non-respect des mesures d’hygiène et reflète des conditions de vie précaires.
Quelle est l’épidémiologie de la maladie ?
Le choléra sévit par pandémies, et le golfe du Bengale – région du monde où les hommes entretiennent des liens particuliers avec l’eau qui constitue le vecteur majeur de transmission – est considéré comme une source permanente de nouvelles souches de choléra. Les souches diffusent ensuite, à la faveur des déplacements de population et des transports, dans d’autres parties du monde, en particulier en Afrique.
Depuis 1961, il s'agit de la 7e pandémie de cette maladie liée à la diffusion de V. cholerae O1 toxinogène du biotype El Tor, du nom de la station de la Mer Rouge, sur la route de la Mecque en Égypte, où cet agent fut isolé pour la première fois chez des pèlerins en 1905. À noter que ce vibrion est moins virulent que celui ayant déclenché les pandémies du XIXe siècle (cf. Encadré).
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que, chaque année dans le monde, le choléra :
- touche de 1,3 à 4 millions de personnes ;
- entraîne de 20 000 à 140 000 décès ;
- est sous-déclarée par de nombreux payset son incidence est probablement sous-estimée.
En France métropolitaine, le choléra est une maladie importée rare, dont on dénombre quelques cas chaque année chez des personnes de retour d’un voyage en zone d’endémie ou d’épidémie. Il n’y a pas de cas secondaires rapportés.
Comme dans d’autres pays d’Europe, le nombre de cas importés, même s’il reste très faible, tend toutefois à augmenter depuis quelques années, reflet de l’augmentation de l’incidence de la maladie au niveau mondial, attribuée en partie à la survenue de plus en plus fréquente d’événements climatiques extrêmes dans les zones de circulation endémique, à l’origine de déplacements de masse des populations.
Ainsi, en Europe en 2022, 51 cas de choléra importés ont été déclarés, dont 7 en France (4 dans le cadre d’une toxi-infection alimentaire collective par ingestion d’un aliment contaminé).
Quels sont les signes cliniques ?
L’incubation est de quelques heures à 5 jours, rarement 7 jours.
Dans la majorité des cas (de 80 à 90 % des cas), le choléra est pauci- ou asymptomatique, pouvant mimer une gastro-entérite banale.
Les formes typiques ne concernent que de 10 à 20 % des patients : diarrhée aiguë aqueuse (classiquement en « eau de riz ») de survenue brutale, associée à des vomissements importants. La diarrhée est très profuse, pouvant atteindre de 15 à 20 litres/24 heures, source de déshydratation rapide, qui explique le taux de mortalité élevé (de 25 à 50 % par collapsus cardio-vasculaire) en l’absence de prise en charge.
Quand évoquer le diagnostic ?
En cas de symptômes typiques, le diagnostic est d’autant plus facilement évoqué que le patient a séjourné, dans les 10 jours précédant la survenue des symptômes, dans une zone d’épidémie ou d’endémie.
Le choléra doit aussi être suspecté face à une diarrhée aiguë moins sévère chez une personne ayant séjourné dans les 10 jours précédents dans un pays à risque.
Toute suspicion de choléra doit conduire à une déclaration obligatoire à l’agence régionale de santé (ARS). Le praticien peut aussi contacter facilement par téléphone ou mail le Centre national de référence (CNR) des vibrions et du choléra.
Une coproculture est demandée en spécifiant sur l’ordonnance la recherche de V. cholerae. Les laboratoires de biologie utilisent de plus en plus pour le diagnostic des PCR syndromiques, qui ne vont pas toujours jusqu’à l’identification de l’espèce bactérienne. Or, un résultat positif (Vibrio sp ou Vibrio cholerae) ne signe pas forcément le choléra.
Sont nécessaires pour confirmer le diagnostic :
- une mise en culture ;
- et un typage identifiant l’espèce et le sérogroupe (V. cholerae sérogroupe O1 ou O139 toxinogène).
Tous les laboratoires concernés peuvent contacter le CNR.
Quelle prise en charge ?
Selon la gravité des symptômes, le patient est pris en charge en ambulatoire, sous réserve d’une surveillance étroite, ou en milieu hospitalier.
La réhydratation peut se faire dans la majorité des cas par voie orale (solutés de réhydratation par voie orale), sinon par voie intraveineuse dans les formes sévères.
Selon les préconisations de Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra (GTFCC), l’antibiothérapie n’est pas systématique et est réservée :
- aux cas suspects hospitalisés ;
- aux patients en échec des 4 premières heures de réhydratation ;
- à ceux ayant un terrain particulier (grossesse, comorbidités notamment).
Chez des patients ayant une déshydratation sévère, il a été montré que l’antibiothérapie diminuait le volume de la diarrhée jusqu’à 50 %, sa durée de 1,5 jour ainsi que l’élimination du vibrion de 1 à 2 jours.
Le choix de l’antibiotique dépend en particulier des niveaux d’antibiorésistance observés localement.
Elle fait appel en première ligne à la doxycycline en monodose.
L’azithromycine est une alternative thérapeutique, qui n’est actuellement pas valable à Mayotte en raison d’une résistance des souches à cet antibiotique.
L’ARS recherche des cas associés ou coexposés et donne les conseils à l’entourage. Notamment, les mesures d’hygiène (au domicile et à l’hôpital) sont renforcées : lavage fréquent des mains, nettoyage et désinfection des toilettes avec de l’eau de Javel.
En France (en dehors des zones d'endémie) :
- il n’y a pas de cas secondaires ;
- la vaccination ou l’antibioprophylaxie ne sont pas justifiés dans l’entourage dans la majorité des cas ;
- l’ARS ajuste ces dispositions en fonction de l’enquête épidémiologique autour du cas.
Quelle prévention en zone d’endémie ?
La meilleure des préventions est le respect des mesures d’hygiène : lavage des mains, consommation d’aliments cuits et d’eau en bouteille décapsulée devant soi (sans glaçons).
La vaccination :
- n’est globalement pas recommandée chez les voyageurs se rendant en zone d’épidémie ou d’endémie du choléra ;
- se discute chez certains personnels de santé exposés ;
- permet de limiter la propagation de la maladie et d’endiguer les épidémies chez les personnes vivant en zone d’endémie (vaccination réactive).
Cependant, la pénurie actuelle de vaccins, associée au manque d’accès à l’eau potable, et au manque de moyens d’assainissement et d’hygiène de base, savons et toilettes, rend les populations concernées encore plus exposées, comme le rappelle l’OMS, en soulignant la forte augmentation des cas de choléra dans le monde depuis 2021.
Le cas particulier de Mayotte
Le 18 mars 2024, un premier cas de choléra importé depuis les Comores voisines a été identifié à Mayotte. Un dispositif de dépistage s’inscrivant dans le cadre d'un plan d'action plus large visant à éviter une propagation du vibrion sur l'ensemble de l’île a été mis en place (cf. notre article du 27 mars 2024). Ce dispositif repose notamment sur l'utilisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (TROD) réalisé sur un échantillon de selles.
Au 15 avril 2024, 10 cas importés avaient été confirmés (sur la base d’un test d’une PCR ou d’une culture), comme le précise le premier bulletin d’information de la Préfecture et de l’ARS de Mayotte. EDIT du 26 avril 2024 : Le directeur général de l'ARS, Olivier Brahic, vient d’annoncer lors d'une conférence de presse que 3 premiers cas de choléra « autochtones » ont été identifiés à Mayotte dans la commune de Koungou au nord de Mamoudzou. Des mesures d'identification des contacts, de mise sous antibiotique et de vaccination sont en cours de mise en place /FIN EDIT.
Ce bulletin rappelle les mesures barrières, la conduite à tenir en cas de symptômes et fait le point sur l’évolution du nombre de traitements antibiotiques prescrits aux personnes contacts des cas confirmés, ainsi que sur le nombre de vaccinations des professionnels de santé et des cas contacts.
La mission nationale de coordination opérationnelle risque épidémique et biologique (COREB) a édité une fiche REB à destination des soignants de premier recours, pour le repérage et la prise en charge des patients potentiellement atteints de choléra.
Elle met également à disposition le replay du webinaire organisé le 29 mars 2024, en lien avec l'ARS de Mayotte, dont la participation conjointe avec le centre hospitalier de Mayotte est complétée par celle du CNR - Institut Pasteur, de Santé publique France, de l'Inserm, IRD et de Médecins sans frontières (MSF) France : « une approche multidisciplinaire et de nombreux retours d'expériences ».
Encadré - Pandémies de choléra au XIXe siècle : une énigme non résolue*
Jusqu’au début du XIXe siècle, le mot choléra faisait référence à des maladies diarrhéiques de moyenne gravité. Or, comme l’expliquent G. Lachenal et G. Thomas dans leur « Atlas historique des épidémies »*, le sens de ce terme change avec l’apparition, pendant l’été 1817, d’une épidémie mortelle au Bengale à l’origine d’une 1re pandémie de choléra. Le taux de létalité de cette infection avoisine alors les 50 %. Cette épidémie mondiale ne touche pas l’Europe et prend fin en 1824. Vibrio cholerae a probablement été à l’origine d'épidémies antérieures qui n’ont pas été décrites précisément et « l'énigme » de cette émergence brutale au début du XIXe reste entière, soulignent les auteurs*. La 2e (1830), la 3e (1846-1862) et la 4e pandémies (1865-1875) touchent l’Europe, l’Afrique du Nord et les Amériques. La pandémie des années 1850 est la plus meurtrière en Europe et cause environ 150 000 décès en France. La 5e (1881-1896) et la 6e pandémie (1899-1923) épargnent l’Amérique du Nord. Plusieurs facteurs expliquent cette diffusion mondiale de la maladie à partir du sous-continent indien : la colonisation, le développement des moyens de communication et les pèlerinages à la Mecque. Le bactériologue allemand Robert Koch et ses équipes identifient l’agent causal en 1883-1884. Mais il faudra attendre la fin des années 1960 pour que les premiers traitements soient mis au point (sels de réhydratation orale). *Guillaume Lachenal, Gaëtan Thomas. Atlas historique des épidémies. Cartographe : Fabrice Le Goff |
D’après un entretien avec Caroline Rouard, responsable adjointe du Centre national de référence des vibrions et du choléra - Institut Pasteur, Paris.
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