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Activité physique et dépression : « Eh bien ! dansez maintenant. »

Les bénéfices de l’activité physique contre la dépression légère à modérée ne sont plus à prouver. Mais quelles pratiques choisir pour un effet optimal ?

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Pour soulager la dépression légère à modérée, la danse semble apporter un bénéfice intéressant.

Pour soulager la dépression légère à modérée, la danse semble apporter un bénéfice intéressant. DragonImages / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Les personnes qui souffrent de dépression présentent souvent des comportements de retrait et d’isolement, à l’origine d’une réduction de leur activité physique qui aggrave les symptômes dépressifs.

Contre les épisodes dépressifs légers à modérés, la pratique d’une activité physique améliore les symptômes et la qualité de vie : selon les recommandations de la Haute Autorité de santé, un programme mixte (en endurance et en renforcement musculaire, avec un minimum de 3 séances par semaine, sur une durée minimale de 3 mois) serait aussi efficace qu’un traitement médicamenteux ou une psychothérapie sur les symptômes et le taux de rémission.

Mais quelles activités physiques recommander pour un effet optimal et une adhérence durable à ce type de programme ? Une vaste méta-analyse récemment publiée vient compléter ce que l’on savait déjà sur les préférences des patients et les effets des différentes formes d’activité physique.

Depuis une vingtaine d’années, diverses études cliniques ont montré les effets positifs de l’activité physique (AP, qui ne se limite pas aux activités sportives) comme traitement adjuvant de la dépression légère à modérée. Des méta-analyses de ces études sont régulièrement publiées, le plus souvent sans distinguer les différents types d’AP. Récemment, l'une d'entre elles, de bonne qualité méthodologique [1], a eu pour objectif de dégager une comparaison entre diverses modalités d’AP. Nous vous proposons un historique de quelques-unes de ces méta-analyses (cf. Encadré), puis de nous pencher sur cette nouvelle publication.

Encadré - Préambule méthodologique

Dans les méta-analyses relatives à la médecine, pour mesurer les effets d’une intervention, les auteurs utilisent classiquement la différence moyenne standardisée (DMS ou « d de Cohen ») :

DMS = différence absolue moyenne du score entre le groupe intervention et le groupe témoin / écart-type global de toutes les mesures [2]

Ce paramètre est utile lorsque des études évaluent le même résultat, mais le mesurent de différentes manières (par exemple, toutes les études mesurent la dépression, mais utilisent des échelles psychométriques différentes). Globalement, une DMS de 0,2 indique que l’intervention exerce un effet faible, une DMS de 0,5 indique un effet modéré et une DMS supérieure ou égale à 0,8 un effet important.

Dans les méta-analyses relatives aux sciences sociales, on emploie plutôt le « g (ajusté) de Hedges ». Il s’agit d’une DMS dont le dénominateur est calculé différemment, en appliquant un facteur de correction aux résultats des plus petites études. Utilisé dans la récente méta-analyse objet de cet article, le g de Hedges s’interprète de la même manière que la DMS.

Quels mécanismes pour d’éventuels effets de l’AP sur la dépression ?

Concernant les possibles mécanismes d’action de l’AP sur les symptômes de la dépression [3], divers travaux ont montré un effet sur les taux intracérébraux de sérotonine et d’endorphines [45]. Par ailleurs, l’exercice aérobie semble réduire les taux sanguins d’interleukine-1b et de TNF-alpha (Tumor Necrosis Factor-alpha), deux cytokines dont les taux sont élevés chez les personnes souffrant de dépression sévère [6]. L’AP augmenterait également l’irrigation de l’hippocampe et réduirait l’atrophie de cet organe observée lors de dépression [7].

Enfin, d’autres travaux suggèrent que les taux de BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor), et de GDNF (Glial cell Derived Neurotrophic Factor), diminués lors de dépression sévère, tendent à se normaliser après un exercice physique [89].

Dans les recommandations de la Haute Autorité de santé sur la prescription de l’AP aux personnes dépressives [9], deux hypothèses psychosociales sont également évoquées :

  • « chez un patient déprimé, l’AP facilite la distraction des pensées négatives et favorise les pensées et les émotions positives. Elle augmente l’auto-efficacité, la capacité à faire face et l’estime de soi, ce qui favorise un changement vers un comportement physiquement plus actif et une plus grande participation sociale ;
  • dans le monde occidental, l'AP est considérée comme faisant partie d'un mode de vie sain. Les personnes dépressives qui pratiquent une AP régulièrement peuvent s'attendre à des réactions positives de la part de leur environnement et de leurs contacts sociaux ».

En 2013, les résultats peu probants de la Cochrane Collaboration

En 2013, une équipe de la Cochrane Collaboration [10] a publié une méta-analyse de 37 études regroupant 2 326 participants. Selon les auteurs, comme dans la quasi-totalité des méta-analyses sur le sujet, plusieurs essais inclus présentaient de nombreuses sources de biais (connaissance du résultat de la randomisation, absence d’analyse en intention de traiter, absence d’évaluateur aveugle, usage de questionnaires d’auto-évaluation, etc.). De plus, les taux de participation à l'AP variaient de 50 % à 100 %.

Ce travail a conclu que, dans les études retenues, l’AP s’est montrée :

  • modérément plus efficace que l'absence de thérapie pour réduire les symptômes de la dépression (DMS = 0,62) ;
  • aussi efficace que les antidépresseurs (DMS = 0,11 ; conclusion fondée sur un petit nombre d'études) ;
  • aussi efficace que les psychothérapies (DMS = 0,03 ; de nouveau, conclusion s'appuyant sur un petit nombre d'études).

Les auteurs signalent également que, lorsque seuls des essais de très bonne qualité méthodologique (dissimulation adéquate de l'affectation, analyse en intention de traiter et évaluation des résultats en aveugle) sont incluses dans l’analyse, la différence entre l'AP et l'absence de thérapie est moins concluante (DMS = 0,18). Les données des 8 études (377 participants) fournissant des informations de suivi à long terme ont révélé un léger effet en faveur de l'AP (DMS = 0,33).

À noter, dans le contexte de la dépression, les preuves d'amélioration de la qualité de vie par l'AP n’étaient pas concluantes.

En 2014, une méta-analyse rebat les cartes

En 2014, une méta-analyse [11] portant sur 39 études (2 008 patients) a exploré les effets de l’AP sur les symptômes dépressifs, y compris chez des patients dont la dépression était associée à une autre maladie psychiatrique (schizophrénie, troubles bipolaires, etc.). Elle a mis en évidence un effet important de l'AP sur les symptômes dépressifs (20 études, DMS = 0,80), sans différence notable entre les AP de type aérobie et les autres. L’effet de l’AP était plus faible dans les essais de meilleure qualité méthodologique (par rapport à celui observé dans ceux de moindre qualité méthodologique) : DMS de 0,39 contre 1,35, sans que cette différence ne soit statistiquement significative.

Un effet particulièrement important de l’AP a été rapporté pour les symptômes dépressifs associés à la schizophrénie (DMS = 1,00). Des effets modérés ont été constatés sur la capacité aérobie (DMS = 0,63) et la qualité de vie (DMS = 0,64). Seul un faible effet a été constaté pour les mesures anthropométriques (tour de taille, tour de hanches, indice de masse corporelle, poids, pourcentage de graisse corporelle ; DMS = 0,24).

Pour tenter d’expliquer la différence observée avec la méta-analyse de la Cochrane Collaboration, les auteurs évoquent le fait que cette dernière n’a retenu que des études où :

  • la dépression et l’anxiété étaient les seuls troubles psychiatriques diagnostiqués, parfois uniquement par l’administration d’un auto-questionnaire ;
  • l’AP était structurée (c’est-à-dire des sessions de type activité sportive) en excluant les études qui avaient impliqué d’autres formes d’AP, par exemple, la marche, le yoga ou le tai-chi.

En 2022, une méta-analyse comparant les différentes modalités de prise en charge

Une méta-analyse publiée en 2022 [12], portant sur 21 essais contrôlés randomisés (N = 2 551 patients avec une dépression non sévère) a comparé les effets des antidépresseurs à ceux de l’AP et à ceux de l’association antidépresseurs + AP.

Chacune de ces 3 modalités thérapeutiques était significativement plus bénéfique que l’absence de traitement. Cependant, aucune différence n'a été observée en comparant ces modalités entre elles :

  • les effets de l’AP étaient similaires à ceux des antidépresseurs (DMS = 0,12) ;
  • les effets de l’AP étaient similaires à ceux de l’association antidépresseurs + AP (DMS = 0,00) ;
  • les effets des antidépresseurs étaient similaires à ceux de l’association antidépresseurs + AP (DMS = 0,12).

Selon les auteurs, « ces résultats suggèrent qu'il n'y a pas de différence entre l'activité physique et les interventions pharmacologiques dans la réduction des symptômes dépressifs chez les adultes souffrant de dépression non sévère. Ces résultats soutiennent l'adoption de l'exercice comme traitement alternatif ou adjuvant pour la dépression non sévère chez les adultes ».

Une méta-analyse récente comparant les différents types d’AP

Publiée en mars 2024, cette nouvelle étude a évalué les effets de l’AP sur la dépression [1] et intègre pas moins de 218 études (495 bras, 14 170 participants dont 88 % de femmes, âge médian 31 ans). Il s’agit donc de la plus vaste méta-analyse à ce jour, réalisée en réseau, une technique qui permet, en combinant des preuves directes et indirectes provenant d'un réseau d'études, de comparer simultanément 3 interventions ou plus dans le cadre d'une seule analyse [13].

Par rapport aux patients ayant reçu un traitement habituel contre la dépression (ou un placebo), des réductions modérées de la dépression ont été observées :

  • pour la marche ou le jogging (g de Hedges = 0,62, n = 1 210) ;
  • le yoga (g = 0,55, n = 1 047) ;
  • la musculation (g = 0,49, n = 643) ;
  • les exercices aérobies (g = 0,43, n = 1 286) ;
  • le tai-chi ou le qi gong (g = 0,42, n = 343).

La danse a montré l’effet positif le plus important (g = 0,96), mais sur un effectif modeste de 107 patients, ce qui rend difficile toute conclusion sur cette pratique. La musculation et le yoga semblent avoir été les modalités les mieux acceptées (meilleure adhésion au long cours).

Les effets de l'AP étaient proportionnels à l'intensité prescrite. Ils étaient similaires quelles que soient les comorbidités ou la sévérité initiale de la dépression.

Pour information, les effets des autres modalités thérapeutiques ont été :

  • pour les thérapies comportementales et cognitives : g = 0,55, n = 712 ;
  • pour les antidépresseurs ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) : g = 0,26, n = 268 ;
  • pour l’association AP + ISRS : g = 0,55, n = 432.

Les auteurs signalent que, si ces résultats semblent robustes face aux biais de publication, une seule étude répondait aux critères Cochrane de faible risque de biais. En conséquence, le niveau de confiance (en accord avec l’index CINeMA, Confidence in Network Meta-Analysis, un outil Cochrane destiné à l’interprétation des méta-analyses en réseau [14]) était faible pour la marche ou le jogging, et très faible pour les autres pratiques.

Les risques de biais concernaient essentiellement l’absence d’aveugle (y compris sur les objectifs poursuivis dans les études), mais aussi les disparités démographiques entre les types d’AP étudiées. Par exemple, l’âge médian pour le tai-chi était de 59 ans, mais de 31 ans pour la danse. Les personnes pratiquant la danse étaient pour 88 % des femmes quand les cyclistes féminines représentaient seulement 53 % des personnes ayant choisi cette AP.

Conclusion

Les résultats de cette récente méta-analyse renforcent les recommandations de la HAS concernant la prescription d’AP en cas d’épisode dépressif [9] :

  • « un programme d’AP peut être proposé seul et en première intention pour les épisodes dépressifs d’intensité légère à modérée, et en association avec un traitement médicamenteux et/ou une psychothérapie pour les épisodes d’intensité modérée à sévère. L’AP doit être poursuivie sur le long cours pour éviter les risques de rechutes et de récidives ;
  • les AP de type marche, yoga, qi gong, etc. ont des bénéfices rapportés dans le traitement de l'anxiété et de la dépression. [...] La marche présente peu de contre-indications et est facilement accessible, même si les modalités de son efficacité (fréquence, intensité, durée et type) restent à préciser ».

À cette liste de pratiques mises en avant par la HAS, il semble désormais raisonnable d’ajouter la musculation et la danse.

Sources

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