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Recrudescence de la psittacose : attention aux mangeoires des oiseaux du jardin

Une recrudescence des cas de psittacose a récemment été signalée en Europe : l’occasion de faire le point sur cette zoonose respiratoire.

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Il est important de se laver les mains après avoir manipulé une mangeoire à oiseaux du jardin.

Il est important de se laver les mains après avoir manipulé une mangeoire à oiseaux du jardin.Nataba / iStock/Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Début mars 2024, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a alerté sur un doublement du nombre de cas de psittacose habituellement observés dans cinq pays européens. Due à une chlamydie respiratoire transmise par les oiseaux domestiques et sauvages, cette zoonose est venue s’ajouter aux nombreuses autres causes d’infections respiratoires signalées cet hiver.

En France, la psittacose est régulièrement diagnostiquée, sous forme plus ou moins épidémique, chez les personnes en contact régulier et répété avec les oiseaux. Transmise essentiellement par les fientes, elle se traduit par un syndrome pseudogrippal évoluant fréquemment en pneumopathie. Sans traitement adapté, elle peut être grave et entraîner le décès.

Cette mise en garde de l’OMS est l'occasion de sensibiliser les professionnels de santé à cette zoonose très largement sous-diagnostiquée, dissimulée parmi les autres causes de pneumopathies hivernales. Devant un patient souffrant d’infection respiratoire profonde, il semble judicieux de s’enquérir de possibles contacts réguliers avec des oiseaux. Les cas récemment décrits par l’OMS montrent que, en plus des professionnels de la filière avicole et de l’élevage des oiseaux d’agrément, les particuliers qui nourrissent les oiseaux sauvages en hiver devraient être informés des mesures de prévention à adopter lors de l’entretien des mangeoires.

Selon l’Organisation mondiale de la santé [1], l’Assurance maladie [2] et Santé publique France [3], l’hiver 2023-2024 aura été marqué par une abondance d’infections respiratoires en France et en Europe : virales (grippe saisonnière, Covid-19, à virus respiratoire syncytial [VRS]), et également bactériennes avec l’une des épidémies de Mycoplasma pneumoniæ qui sévissent tous les 3 à 7 ans [3] et qui touchent surtout les enfants et les jeunes adultes. On estime que ce mycoplasme est la 2e cause de pneumopathies aiguës communautaires après les pneumocoques (il serait à l’origine de 30 à 50 % des pneumopathies chez les enfants [4]).

Cette épidémie d’infections à mycoplasmes respiratoires est très probablement à l’origine du nombre élevé de pneumopathies constatées par les professionnels de santé cet hiver [2]. En effet :

  • l’augmentation des passages aux urgences et des appels à SOS Médecins pour infection respiratoire a particulièrement concerné les personnes de 6 à 49 ans, cibles habituelles de ce micro-organisme [3] ;
  • au sein des laboratoires hospitaliers, le nombre des tests PCR positifs pour M. pneumoniæ a été multiplié par 3 entre la semaine 40 et la semaine 46 de 2023 (alors que ces tests positifs étaient rares en 2021 et 2022) [3].

Des résultats similaires ont été rapportés en Suède, aux Pays-Bas, en Norvège et en Irlande.

Mais, fin 2023, dans 5 pays européens (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suède), un autre agent pathogène respiratoire est venu s’ajouter au poids des pneumopathies de l’hiver : Chlamydophila psittaci, l’agent de la psittacose, zoonose transmise par les oiseaux domestiques et sauvages.

Au cours des derniers mois de 2023 et des premiers mois de 2024, la prévalence de cette infection a été multipliée par 2 dans ces pays (tout en restant rare [5]). L’occasion de faire le point sur cette zoonose [6] dont les experts s’accordent à dire qu’elle est sérieusement sous-diagnostiquée.

Psittacose, ornithose, chlamydiose aviaire… comment s’y retrouver ?

L’infection respiratoire due à Chlamydophila psittaci (ou Chlamydia psittaci selon les nomenclatures) [6] est nommée « ornithose-psittacose » ou, plus communément « fièvre du perroquet » dans l’espèce humaine, mais « chlamydiose aviaire » dans les espèces animales.

La plupart des oiseaux peuvent être infectés ou porteurs. D’autres chlamydies peuvent également être transmises par les oiseaux, par exemple, Chlamydia gallinacea ou Chlamydia abortus [7].

Le plus souvent, l’ornithose est asymptomatique chez les oiseaux, à l’exception des perruches et perroquets (Psittacidés). La prévalence de Chlamydophila psittaci est forte chez les Psittacidés, les Columbifomes (pigeons, colombes, y compris ceux des grandes villes), les Corvidés (corbeaux, corneilles) et les Accipitridés (rapaces diurnes) [8].

La transmission à l’homme se fait le plus souvent à partir des volailles (notamment, en France, les canards mulards destinés au gavage), des Psittacidés ou des pigeons et colombes [9]. Les reptiles peuvent également être porteurs de cette chlamydie [10].

La contamination se produit essentiellement via les fientes séchées pulvérisées dans l’air (contamination respiratoire ou oculaire) ou portées à la bouche. Les Psittacidés malades peuvent aussi transmettre la psittacose par leur toux ou leur salive (plaie de morsure, comme pour ce pauvre Milou dans Tintin au Congo, même si ses symptômes évoquent plutôt un abcès caudal…). La transmission interhumaine, longtemps considérée comme impossible, existe, mais reste exceptionnelle [7]. Il n’y a pas de transmission alimentaire (par la viande des volailles). Les chiens, les chats, le bétail et les chevaux peuvent être infectés par Chlamydophila psittaci.

Une infection qui touche préférentiellement certaines populations

Les personnes en contact répété avec les oiseaux sont les plus à risque de psittacose : éleveurs, personnel de la filière avicole et des abattoirs de volailles, vétérinaires, personnel des animaleries, colombophiles, propriétaires et éleveurs de Psittacidés, chasseurs et aussi… jardiniers via les poussières de fientes soulevées par les tondeuses à gazon.

En France, dans une étude de 2000 [11], 44 % des personnes travaillant dans l’élevage et la filière avicole étaient séropositives à Chlamydophila psittaci. Cette séroprévalence est particulièrement élevée chez celles travaillant avec des canards, dans des couvoirs ou dans la collecte des volailles en vue de l’abattage.

Une maladie endémique avec des poussées épidémiques

Entre 2004 et 2009, de 11 à 37 cas de psittacose ont été signalés chaque année, en France [9], mais cette infection n’est plus à déclaration obligatoire depuis 1986 et nous verrons plus loin qu’elle semble très largement sous-diagnostiquée. Le Royaume-Uni, l’Australie et l’Allemagne sont les pays où la prévalence serait la plus élevée [7].

Des épidémies de psittacose ont été rapportées par le passé, notamment en 1929-1930 aux États-Unis avec au moins 800 décès (ce n’est donc pas un hasard si Tintin au Congo, publié en 1930, fait référence à cette maladie alors médiatisée). En France, de petites épidémies ont été signalées en 1990, 1997, 1998, 2000, 2005 et 2006 [11].

La flambée de psittacose ayant frappé cet hiver le nord de l’Europe (5) ressemble à la partie émergée d’une épidémie chez les oiseaux sauvages (possiblement en lien avec la vaste épidémie de grippe aviaire survenue dans l'avifaune sauvage). En effet, pour de nombreux patients enregistrés par l'OMS, le seul contact avec le monde aviaire était celui de l’entretien de mangeoires à oiseaux sauvages.

Par exemple, au Danemark, sur les 23 cas signalés en 3 mois (contre habituellement entre 15 et 30 cas par an), 15 n’avaient d’autre source de contamination que ces mangeoires (la source restait indéfinie pour 7 cas). Idem en Suède où les contacts via des mangeoires représentaient une part importante des 39 cas notifiés en 3 mois. Au total, entre début novembre 2023 et fin février 2024, ces 5 pays ont signalé 120 cas qui ont provoqué 5 décès.

Des symptômes peu caractéristiques, mais parfois graves

Le plus souvent, la psittacose se traduit par un syndrome pseudogrippal (fièvre, courbatures, toux), qui évolue en pneumopathie dans environ 80 % des cas [8]. Chez certaines personnes, il existe également une conjonctivite, une photophobie, de forts maux de tête ou une diarrhée [7]. L’incubation est habituellement de 1 à 2 semaines, mais des cas d’incubation plus longue ont été rapportés (jusqu’à 6 semaines).

Des complications peuvent survenir, en particulier cardiaques. Sans administration d'antibiotiques, le taux de mortalité peut atteindre 30 %, mais le traitement réduit ce risque à environ 1 %. Pour l’anecdote, Chlamydophila psittaci a sérieusement été envisagée comme arme biologique, entre autres aux États-Unis, en URSS et en Chine [7].

Un diagnostic simple, mais qui passe souvent sous les radars

En présence de symptômes de type pneumopathie chez une personne ayant des contacts avec les oiseaux, un écouvillonnage pharyngé permet, par PCR, de mettre en évidence la présence de Chlamydophila psittaci. Un test sérologique peut aussi être réalisé (séroconversion ou quantité importante d’IgM et d’IgG).

Le traitement repose sur la prescription d’antibiotiques, cyclines ou macrolides ou, éventuellement, quinolones, sans attendre le retour du laboratoire.

Cependant, face à une pneumopathie d’origine inconnue, le traitement antibiotique probabiliste reste l’amoxicilline (en raison de sa sensibilité aux pneumocoques). En cas d’échec, ce sont, en général, les macrolides qui sont prescrits (pour éliminer d’éventuels mycoplasmes), macrolides qui sont également actifs contre Chlamydophila psittaci. Ainsi, il est facile qu'une psittacose passe pour une autre infection respiratoire.

Ce d'autant qu'il existe, dans la littérature, un consensus pour considérer que la psittacose est plus fréquente que les statistiques semblent l'indiquer (elle représenterait jusqu’à 1 % des pneumopathies aiguës communautaires) et qu’elle est largement sous-diagnostiquée (entre 50 et 80 % des cas ne seraient pas identifiés) [12].

Les mesures de prévention

Pour les personnes en contact fréquent et répété avec des oiseaux, quelques mesures simples permettent de réduire le risque de psittacose [13] :

  • porter un masque FFP2, des gants, voire des lunettes de protection, dans les lieux d’élevage confinés, lors de manipulation d’oiseaux ou de nettoyage de leurs lieux de vie ;
  • se laver systématiquement les mains après contact avec les animaux, les déchets, les plumes ou les fientes, avant les repas, les pauses, à la fin de la journée de travail, et après le retrait des équipements de protection ;
  • éviter de nettoyer des fientes sèches. Une humidification préalable réduit le risque de pulvérisation dans l’atmosphère ;
  • dans la filière avicole, ne pas boire, manger, fumer sur les lieux de travail, ne pas manger avec les vêtements de travail ;
  • désinfecter et protéger les plaies par des pansements étanches ;
  • éviter tout contact des yeux, du nez ou de la bouche avec des mains ou des gants souillés. Rincer immédiatement à l’eau potable en cas de projection dans les yeux ;
  • nettoyer régulièrement les vêtements de travail, gants, bottes ;
  • changer de vêtements en fin de journée de travail

Pour les personnes qui ont des mangeoires à oiseaux sauvages dans leur jardin, penser à se laver les mains après les avoir manipulées semble indispensable au vu des cas signalés récemment en Europe.

Conclusion

La psittacose est une infection respiratoire certes rare, mais probablement très sous-diagnostiquée. Devant un tableau de pneumopathie, il semble raisonnable de demander systématiquement au patient s’il est régulièrement en contact avec des oiseaux domestiques ou sauvages. Les flambées épidémiques régulièrement constatées, en particulier en zone d’élevage avicole, justifient de garder à l’esprit la possibilité de cette infection et, en cas de suspicion, de choisir un traitement antibiotique adapté aux causes moins fréquentes de pneumopathies aiguës communautaires, par exemple, une cycline ou un macrolide.

Sources

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