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Épidémie de myopie : ne pas fermer les yeux

- VIDÉO - Quelles sont les causes de cette épidémie de myopie qui ne cesse de gagner du terrain au niveau mondial et comment agir ? Réponses du Pr Ramin Tadayoni.

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Interview du Pr Ramin Tadayoni, chef du service d'ophtalmologie de l'hôpital Fondation Rothschild.

Interview du Pr Ramin Tadayoni, chef du service d'ophtalmologie de l'hôpital Fondation Rothschild.Infographie VIDAL réalisée par Marion Grillon et Emma Courtes.

Résumé

- VIDÉO -

Actuellement, 2,6 milliards de personnes sont myopes dans le monde et près de 27 millions en France. En 2050, on estime que 50 % de la population mondiale sera touchée, soit près de 5 milliards de personnes.

À l’occasion de l’ouverture de l’Institut de la myopie pathologique, le Pr Ramin Tadayoni, chef du service d’ophtalmologie de l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild et des hôpitaux universitaires Lariboisière et Saint-Louis (AP-HP) nous explique en quoi consiste cette épidémie de myopie. Quelles sont les mesures de prévention possibles (Partie 1) et les différentes stratégies de freination dont nous disposons (Partie 2 à venir) ?

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TRANSCRIPTION

VIDAL. Quelles sont les causes de l’épidémie de myopie ?

Pr Ramin Tadayoni. On ne connaît pas bien la cause de la myopie, mais on sait qu’elle débute dans l’enfance, avec très probablement une sollicitation de la vision de près, de manière longue dans la journée, avec peu d’exposition de l’œil à la lumière naturelle.

Est-ce que c’est la lumière de l’extérieur ? Est-ce que ce sont les dimensions de l’extérieur, puisqu’on regarde plus loin ? Voire même la complexité de l’image à l’extérieur, comparée à l’image qu’on pourrait voir de près. Plus les enfants sont à l’extérieur, moins ils sollicitent la vision de près, et mieux ils se portent.

La myopie existe aussi dans les populations qui pratiquent peu de lecture, utilisent peu la vision de près, mais le pourcentage est relativement faible. Dans certains sous-groupes, comme en Afrique, on voit 10-15 % de myopie, y compris dans des populations qui vivent dans des zones ouvertes, qui utilisent peu la vision de près.

Dans certains sous-groupes ou certaines tribus, il y a une myopie très importante en raison d’un facteur génétique.

On sait qu’il y a des gens qui sont génétiquement programmés pour être myope quoi qu’ils fassent, soit 8-10 % de la population.

On sait aussi que dans une population, il y aura de l’ordre de 10 à 15 % de myopes de toute façon.

Mais la différence entre ces 15 % et 40 % aujourd’hui et 80 à 90 % des enfants dans certains endroits en Asie, c’est le mode de vie.

Dans quelles régions du monde l’augmentation est-elle la plus importante ?

L’augmentation a été plus rapide et en avance en Asie, comparée au reste du monde. Au début, on pensait que c’était une cause génétique. Mais c’est probablement plus lié à un mode de vie. En particulier, parce que les enfants travaillent énormément à l’école et utilisent leur vision de près. Ils sont aussi moins à l’extérieur, ce qui peut expliquer qu’en Asie, l’épidémie a explosé.

On connaît des pays qui se sont développés rapidement et qui sont passés d’un état peu industrialisé à un état très urbanisé et industrialisé, dans lequel la myopie a explosé, avec un développement beaucoup plus rapide que dans les autres endroits du monde. Ainsi, c’est la moitié de la population qui est myope et, dans les populations d’enfants, dans certains endroits, en zones urbaines, c’est 80 à 90 % des enfants. Autant dire qu'il y a une inversion ! La « normalité » au sens épidémiologique, c’est la myopie, et les autres sont dans « l’anormalité ».

Quel a été l’impact de la Covid-19 ?

Il y a eu beaucoup de discussions, parce que les gens étaient enfermés et regardaient de près. Il y a eu plusieurs études qui ne sont pas parfaitement concordantes. On pense qu’il y a eu vraisemblablement une petite accélération durant cette période. Après, il faut savoir que la myopie se forme tout doucement au fur et à mesure des années. Donc, ce n’est pas six mois ou un an de confinement qui va changer la vie des gens. C’est sur une décennie, voire plusieurs décennies.

Y a-t-il une prise de conscience de l'épidémie de myopie au niveau mondial ?

Du point de vue sociétal, c’est assez intéressant parce qu’il y a des pays qui ont pris conscience que la myopie est un problème en augmentation. Globalement, les pays asiatiques. Il y a un pays qui a appliqué des mesures de prévention de la myopie, c’est la Chine. D’autres, au Japon, ont créé un institut de la myopie. À Singapour, ils ont des équipes de recherche. Mais les Chinois ont une véritable politique de lutte contre la myopie grâce à un certain nombre de mesures.

En ce qui concerne l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle a reconnu assez tardivement la myopie comme maladie. C’était en 2014. Jusque-là, on disait : « Les gens font un décollement de rétine ». « Les gens font un glaucome ». « Les gens font une atrophie », qui était d’ailleurs souvent mal étiquetée jusqu’à ce que, finalement, on se rende compte qu’en fait, toutes ces maladies étaient liées à la myopie. Et donc la myopie augmente les risques de toutes les autres complications qui peuvent être classiques, qui existent en dehors de la myopie, mais aussi crée un certain nombre de complications qui lui sont strictement propres, qu’on appelle la maculopathie myopique ou la myopie pathologique.

Ce sont des problèmes particuliers. Cette prise de conscience est récente au niveau mondial. Elle est très peu comprise encore en Europe et en Occident de manière générale. Et on essaie justement d’initier cette prise de conscience puisqu’on a dix ans de retard dans la prévention de cette épidémie par rapport à l’Asie. On a dix ans pour agir, pour ne pas se retrouver avec 90 % de nos enfants myopes.

Quelle est la proportion de myopie forte ?

Globalement, quand la myopie augmente, le pourcentage de myopies fortes augmente. On considère en moyenne que 5 à 10 % des myopes deviennent des myopes forts. Dans une société, plus la myopie augmente, plus la proportion de myopes forts parmi les myopes augmente. Dans certains endroits d’Asie, il y a même plus de 10 % de myopes, voire de 15 à 20 %. On n’a pas beaucoup de chiffres, mais c’est plausible.

La myopie forte est un degré de myopie à partir duquel l’œil ne va plus jamais arrêter sa croissance parce que l’œil myope est plus grand. Normalement, la croissance de l’œil s’arrête à 25 ans.

Si vous êtes un myope faible, à 25 ans, votre myopie est fixée. Vous serez myope au même degré, sauf changement particulier jusqu’à la fin.

Tandis que les myopes forts vont augmenter leur myopie, décennie après décennie. Et la myopie forte est associée à des complications qui lui sont spécifiques, qui n’existent pas dans la myopie faible. En revanche, la myopie faible augmente les risques d’un certain nombre de complications plus ordinaires.

Quelles sont les mesures de prévention possibles ?

En termes de prévention, on va essayer, pour la myopie forte, de rendre les gens le moins myopes possible. Donc, moins ils sont myopes, moins ils auront de risque d’avoir une myopie forte.

Comment peut-on faire pour y arriver ? La première mesure concerne les modes de vie :  pour empêcher que la myopie ne débute, mettre les gens autant que possible dehors. On parle d’enfants. La Chine est le seul pays qui a eu une politique d’essais de différentes technologies. Il y a eu beaucoup d’essais dans des écoles, en faisant par exemple, des classes en verre pour qu’elles soient exposées à la lumière du soleil. Des barres qui empêchent les enfants de se rapprocher de leurs feuilles. Beaucoup de choses ont été essayées.

Mais la seule mesure efficace a été d’augmenter le temps de présence à l’extérieur. D’ailleurs, cela doit être vrai puisqu’un des pays qui est le plus à l’abri de ces problèmes, c’est l’Australie où les enfants passent quasiment tout l’après-midi en sport à l’extérieur. Ils sollicitent moins la vision de près.

On a beaucoup reproché au téléphone d’être responsable de la myopie. C’est en partie vrai, en partie faux. Je ne suis pas certain que la lumière du téléphone soit plus dangereuse qu’un livre. Mais il y a deux effets dans le téléphone :

  • il y a souvent des images assez complexes et donc les  enfants se rapprochent énormément, beaucoup plus qu’avec une télé. On en revient à conseiller aux gens de regarder la télé, alors que dans notre enfance, peut-être, on nous disait de ne pas trop regarder la télé, mais la télé, c’est mieux que le téléphone. C’est un des éléments.
  • le second effet est l’attractivité. C’est-à-dire qu’avant les seuls qui passaient leur temps en vision de près, c’était les premiers de la classe, les autres jouaient dehors. Aujourd’hui, le dernier de la classe joue sur son téléphone aussi. Donc finalement, on se retrouve, en termes de population, avec tous les enfants qui sont à l’intérieur, en train de regarder de près.

Interview : Laurence Houdouin

Caméra/montage : Robin Benatti

Remerciements : Pr Ramin Tadayoni

Sources

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