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Ruptures de stock de médicaments : état des lieux en Europe et recommandations

Le rapport du Groupement pharmaceutique de l'Union européenne (GPUE) montrent que les ruptures de stock de médicaments touchent tous les États membres ayant participé à l'enquête. Le GPUE émet des recommandations pour limiter l'impact négatif de ces pénuries.

David Paitraud 08 février 2024 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les pénuries de médicaments sont un problème européen.

Les pénuries de médicaments sont un problème européen.SweetBunFactory / iStock/Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Le Groupement pharmaceutique de l'Union européenne (GPUE) a publié les résultats de son enquête sur les ruptures de stock de médicaments et de dispositifs médicaux en Europe. Les données 2023 montrent que le problème des pénuries n'épargne aucun des 26 États membres ayant participé à cette enquête. Pour 65 % d'entre eux, la situation a même empiré en 2023. 

Le temps passé par les pharmaciens d'officine pour trouver des solutions de remplacement lorsqu'un médicament est indisponible est estimé à près de 10 heures par semaine en moyenne, soit 3 heures de plus qu'en 2022. 

Outre leur caractère anxiogène, les pénuries de médicaments sont à l'origine d'une interruption de traitement dans près de 9 cas sur 10. Le remplacement d'un médicament indisponible a également des conséquences financières pour les patients et peut être source d'erreurs médicamenteuses.

Enfin, le rapport montre les disparités entre les pays en termes de dispositifs de surveillance ou d'action face aux ruptures de stock de médicaments. 
Sur la base de ce constat, le GPUE émet un ensemble de recommandations, parmi lesquelles une plus grande marge de manœuvre accordée aux pharmaciens pour remplacer un médicament indisponible.

Selon les résultats de l'enquête réalisée par le Groupement pharmaceutique de l'Union européenne (GPUE ou PGEU en anglais pour Pharmaceutical Group of the European Union), tous les pays répondants, soit 26 pays membres de l'Union européenne sur 27 dont la France (cf. Liste), ont subi des ruptures d'approvisionnement de médicaments en 2023, avec une dégradation dans la plupart des pays [1, 2, 3].

Cette enquête annuelle a été menée entre le 4 décembre 2023 et le 17 janvier 2024 ; elle portait sur les ruptures d'approvisionnement des médicaments et des dispositifs médicaux à l'officine. Au sens de ce rapport, le terme « pénurie de médicaments » couvre toute incapacité (temporaire) pour une pharmacie d'officine de fournir aux patients le médicament demandé/prescrit en raison de facteurs indépendants de sa volonté, nécessitant la délivrance d'un médicament alternatif, voire l'arrêt du médicament.

Liste des 26 pays ayant participé à l'enquête 2023 GPUE*

*La Lituanie est le seul pays de l'Union européenne n'ayant pas participé à l'enquête.

Une situation générale qui se dégrade

Selon ce rapport, les ruptures d'approvisionnement en médicaments sont observées dans tous les pays ayant participé à l'enquête (26). Pour 17 d'entre eux (65 %), la situation s'est dégradée en 2023 tandis qu'elle est restée stable dans 6 pays. Seulement 3 pays (12 %) évoquent une amélioration de la situation par rapport à l'année précédente : Chypre, Grèce et Macédoine du Nord. Plus de deux tiers des pays (69 %) rapportent également des ruptures d'approvisionnement en dispositifs médicaux, quelle que soit la classe. 

Les causes de pénuries les plus fréquemment citées sont :

  • l’interruption du processus industriel (65 %) ;
  • les stratégies nationales de fixation des prix et d’approvisionnement (62 %) ;
  • une hausse inattendue de la demande dans 1 cas sur 2 (50 %).

Si toutes les classes pharmacologiques sont touchées par ces pénuries, les classes les plus affectées sont les anti-infectieux systémiques tels que les antibiotiques (84 %), les médicaments ciblant le système nerveux (60 %) et le système cardiovasculaire (56 %).

Triplement du temps consacré à trouver une solution

Selon cette enquête, le temps passé à limiter les ruptures ou à rechercher des solutions palliatives en cas d'indisponibilité du médicament prescrit est de l'ordre de 9h30 hebdomadaires, soit 3h de plus qu’en 2022. Ce temps a triplé au cours des 10 dernières années et s'ajoute aux difficultés de recrutement en personnel auxquelles font face les pharmacies européennes.

Pour permettre une continuité de traitement, les principales réponses des pharmaciens aux ruptures sont : 

  • la substitution générique (dans 92 % des pays) ;
  • les préparations magistrales (50 %) ;
  • le recours à un dosage différent en ajustant la posologie (50 %) ;
  • voire le recours à d’autres types de fournisseurs (38 %).

Selon les pays, l'application de ces solutions est conditionnée par une nouvelle prescription. 

Un impact négatif sur les patients et sur le traitement

Outre la perte de temps que subissent les pharmaciens au détriment de leurs missions de conseil et d'accompagnement au bon usage du médicament, l'impact de ces ruptures est négatif pour les patients. Ces situations ont été source (cf. Diagramme) :

  • de dérangement et de désarroi dans tous les pays ;
  • d'interruptions de traitement dans 88 % des cas ;
  • d'une hausse de la part à payer pour le patient lorsque l'alternative est plus chère ou moins bien remboursée (73 %) ;
  • d'une moindre efficacité du traitement (73 %) ;
  • d'erreurs médicamenteuses à la prise du nouveau traitement (35 %) ;
  • d'effets indésirables ou d'une toxicité accrue (15 %).

Diagramme (en anglais) - Impacts sur les patients

Des outils, mais pas dans tous les pays

Un système de surveillance des ruptures accessible aux officinaux est mis en place dans 69 % des pays. Il est généralement piloté par les agences nationales du médicament (85 % des pays). Les informations sur la disponibilité d'un médicament peuvent également provenir des grossistes (54 %), de l’industrie (46 %) ou des organisations de pharmaciens (27 %).

Les recommandations du GPUE pour mieux répondre aux situations de rupture

Pour limiter l'impact négatif des pénuries et garantir la continuité des traitements, le GPUE propose les mesures suivantes à l'attention de l'Agence européenne du médicament (EMA), des agences nationales et des industriels : 

  • garantir la disponibilité : l'intérêt des patients doit prévaloir sur l'aspect commercial ;
  • élargir les compétences professionnelles des pharmaciens en cas de pénurie : autoriser les substitutions par les spécialités les plus appropriées, en accord avec les prescripteurs et les patients ou selon un protocole national ;
  • développer des systèmes de gouvernance efficaces (recueil des données, surveillance et communication) reposant sur une coopération étroite entre les États membres et l'EMA ; 
  • améliorer la communication sur la disponibilité des médicaments : transparence des données d'approvisionnement ;
  • compenser l'impact financier lié à la perte de temps subie par les pharmaciens pour trouver des solutions. 

En France, les mesures s'accumulent pour limiter les impacts négatifs des tensions d'approvisionnement. Dernière en date, une charte d’engagement des acteurs de la chaîne du médicament a été publiée en novembre 2023. Son élaboration a été confiée à l’Ordre des pharmaciens et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). 

À travers ce document, les acteurs de la chaîne pharmaceutique (industriels, dépositaires, grossistes-répartiteurs, pharmaciens d'officine et hospitaliers) s'engagent à respecter l'éthique professionnelle et à coordonner leurs actions pour garantir une disponibilité équitable des médicaments partout en France. 

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