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Migraine de l’adulte : une prise en charge thérapeutique bien codifiée

Le traitement de la migraine vise à soulager les patients afin d’améliorer leur qualité de vie, et réduire le handicap associé aux formes les plus sévères, notamment les migraines épisodiques de haute intensité et les migraines chroniques.

Isabelle Hoppenot 16 novembre 2023 Image d'une montre9 minutes icon Ajouter un commentaire
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Le traitement de la crise est évalué après trois épisodes et le traitement de fond à trois mois. 

Le traitement de la crise est évalué après trois épisodes et le traitement de fond à trois mois. 

Résumé

La Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC) a actualisé en 2021 ses recommandations pour la prise en charge de la migraine chez l’adulte. Sont précisés les médicaments indiqués en cas crise et ceux en prophylaxie pour les formes de migraine avec crises fréquentes et/ou invalidantes.

Le traitement de la crise fait appel en première intention à certains anti-inflammatoires non stéroïdiens et aux triptans. L’efficacité de ces molécules est évaluée après trois crises.

Le traitement de fond repose en première intention sur un bêtabloquant validé dans la migraine (propranolol ou métoprolol). Le recours au topiramate est aujourd’hui très encadré.

De nouveaux médicaments sont disponibles pour les patients en échec de deux traitements de fond. Il s’agit des anticorps monoclonaux anti-CGRP (calcitonin gene-related peptide) qui sont très bien tolérés, mais ne sont pas remboursés en ville, ce qui limite leur utilisation.

Des mesures non médicamenteuses peuvent également être utiles en parallèle des prescriptions pharmacologiques.

Cette actualité VIDAL complète un premier article consacré aux critères diagnostiques.

La prise en charge de la  migraine est à adapter en fonction de l'expression, de l'intensité, de la sévérité et de la fréquence des crises. Le Dr Christian Lucas, président de la Société française d'études des migraines et céphalées (SFEMC), présente les principaux traitements disponibles en s'appuyant sur les recommandations de la SFEMC qui ont été actualisées récemment (2021) [1]. 

Pour traiter les crises migraineuses, des antalgiques, des anti-inflammatoires ou des triptans peuvent être utilisés.

Agir vite en cas de crise de migraine  

L’objectif du traitement de la crise de migraine est de faire disparaître la céphalée, le plus rapidement possible, avec un soulagement complet ou significatif dans les deux heures après la prise et pour une durée prolongée de 24 heures.

Le traitement doit ainsi être pris :

  • dans l’heure qui suit l’apparition des symptômes ;
  • à une posologie et avec une voie d’administration adéquates.

La nécessité d'une prise précoce du traitement doit être bien rappelée au patient.

Quels protocoles thérapeutiques ?

Plusieurs molécules ont fait la preuve de leur efficacité et le choix tient compte : de l’intensité de la crise, des effets secondaires, des contre-indications et du risque d’abus médicamenteux. Peuvent être indiqués :

  • le paracétamol, qui n’est efficace que dans les crises de migraine peu intenses ;
  • l’acide acétylsalicylique (ASA) avec ou sans métoclopramide ;
  • plusieurs anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ;
  • les triptans, en sachant qu’un patient non répondeur à un triptan peut répondre à un autre et qu’un patient ne tolérant pas un triptan peut en tolérer un autre.  

Les antalgiques de paliers 2 et 3 sont à éviter en raison du risque de mésusage.

De façon schématique sont recommandés :

  • en cas de crise légère :
    • un AINS,
    • et l'ajout d'un triptan si la réponse est insuffisante après une heure ;
  • en cas de crise modérée à sévère :
    • un triptan,
    • et l'ajout d'un AINS si la réponse est insuffisante au bout d’une heure.

La première ordonnance

Classiquement, la première ordonnance comprend ainsi un AINS et un triptan, choisis en fonction des traitements précédents et des préférences du patient. Les traitements des crises doivent, dans la mesure du possible, être limités à 8 jours par mois afin d’éviter le risque de céphalées secondaire à une surconsommation de médicaments.

En cas de contre-indication 

En cas de contre-indication aux AINS, ASA et triptans, le traitement repose sur l’association paracétamol et métoclopramide.

En cas de migraine avec aura

Il n’y a pas de traitement spécifique de l’aura et, pour les patients concernés, il est recommandé :

  • un AINS quand l'aura débute ;
  • et un triptan quand la céphalée débute, même si les symptômes de l’aura sont encore présents.

Le traitement est réévalué après trois crises.

Instaurer un traitement de fond

Le traitement de fond est préconisé dans plusieurs situations.

Quand et quel objectif ? 

Selon les recommandations de la SFEMC [1], un traitement de fond est indiqué en cas :

  • de recours au traitement de crise au moins 8 jours par mois depuis au moins 3 mois  ;
  • de migraine sévère :
    • crises ≥ 8 jours/mois,
    • ou score HIT-6 ≥ 60 (questionnaire sur l'impact des maux de tête),
    • ou intensité des crises imposant un arrêt des activités dans au mois la moitié des crises ;
  • de crises de migraine invalidantes malgré un traitement optimal. 

L’objectif est alors de réduire de moitié le nombre de crises en cas de migraine épisodique, ou d’au moins 30 % en cas de forme chronique, afin de diminuer la consommation médicamenteuse et d’améliorer la qualité de vie.

Quelle stratégie thérapeutique ?

La stratégie se fonde [1] :

L’utilisation du topiramate qui, dans les recommandations de 2021 de la SFEMC, était préconisée en première ligne dans la migraine chronique, est aujourd’hui très encadrée et relève d’une prescription initiale par le spécialiste [2]. Pour rappel, le traitement par topiramate pendant la grossesse ainsi que chez la femme en âge de procréer n’utilisant pas de méthode contraceptive hautement efficace est contre-indiqué dans la prophylaxie de la migraine [2]. 

L’efficacité est évaluée après 3 mois, en vérifiant l’observance : 

  • en cas d'efficacité : il est poursuivi pour une durée de 6 à 12 mois, puis diminué progressivement et éventuellement repris si une augmentation de la fréquence des crises est rapportée. Il ne s’agit donc pas d’un traitement a priori « à vie » ;
  • en cas d’inefficacité de deux traitements de première intention, il peut être fait appel :
    •  aux injections intramusculaire de toxine botulinique A (TBA). 
    • ou à un anticorps anti-CGRP ou un antirécepteur-CGRP (CGRP-MAB) (cf. Encadré).

Le recours à ces traitements est cependant aujourd’hui limité en raison de leurs difficultés d’accès. En effet, peu de praticiens sont formés à l’injection, complexe dans ce contexte, de TBA (31 sites d’injection), et les anticorps monoclonaux anti-CGRP (dont la prescription est réservée aux neurologues) ne sont pas remboursés en ville, la France faisant figure d’exception parmi les pays développés. Les formes injectables sont toutefois agréées aux collectivités, mais dans une indication plus restreinte que celle de l'AMM. 

Encadré - Liste des principes actifs antagonistes du CGRP commercialisés en France

Sous forme injectable :

  • AIMOVIG (érénumab) solution injectable (administration mensuelle) injection sous-cutanée
  • AJOVY (frémanezumab) solution injectable (administration mensuelle ou trimestrielle) injection sous-cutanée
  • EMGALITY (galcanézumab) solution injectable (administration mensuelle) injection sous-cutanée 
  • VYEPTI (eptinezumab) solution à diluer pour perfusion (administration toutes les 12 semaines) médicament réservé à l'usage hospitalier

Sous forme orale :

VYDURA (rimégépant) lyophilisat oral (cf. notre article du 19 octobre 2023)

Trois autres médicaments relativement anciens disposent également d’une AMM dans le traitement de fond de la migraine (pizotifène, oxétorone, flunarizine) avec des niveaux (force) de recommandation de la SFEMC « modéré » pour la migraine épisodique et « faible » (flunarizine) ou « non recommandé » pour la migraine chronique (pizotifène, oxétorone) [1]. 

Les traitements non médicamenteux

Chez tout patient souffrant de migraines, il est conseillé de pratiquer une activité aérobie régulière, à défaut d’avoir au minimum une activité récréative par semaine.

Parmi les autres mesures non médicamenteuses ayant fait la preuve de leur efficacité sur la fréquence des crises en traitement d’appoint :

  • l’acupuncture ;
  • la relaxation ;
  • les thérapies cognitivo-comportementales.

Femme et vie hormonale : quelles spécificités du traitement ?

La prévalence de la migraine est plus élevée chez les femmes que chez les hommes, et les liens entre migraine et hormones sont étroits :

  • la migraine débute fréquemment à la puberté ;
  • les crises sont volontiers plus fréquentes lors des règles ;
  • elles diminuent le plus souvent lors des grossesses et à la ménopause. 

Les migraines menstruelles

On distingue deux types de migraine liée aux règles :

  • la migraine liée aux menstruations, où les crises surviennent entre J-2 et J+3 des règles au moins deux cycles sur trois, mais aussi à n’importe quel moment du cycle.
  • la migraine menstruelle pure, où les crises ne surviennent qu’au moment des règles, entre J-2 et J+3 des règles sur au moins deux cycles sur trois, et qui ne concerne qu’environ 5 % des femmes. Il faut dans ce cas traiter les crises par l’association précoce d’un AINS et d’un triptan, car le risque de récurrence est élevé.

On peut parallèlement moduler le terrain hormonal en proposant, par exemple, aux femmes déjà sous contraception hormonale (estroprogestative ou progestative pure), une prise continue. 

Contraception et THM

Comme chez toute femme, il faut rechercher les facteurs de risque artériels avant la prescription d’une contraception hormonale.

Dans la migraine avec aura, en raison du risque accru d’accident vasculaire cérébral ischémique (dont le risque relatif est multiplié par 10 et, en cas de tabagisme associé, par 32), la contraception œstroprogestative est contre-indiquée. En revanche, la contraception progestative est possible.

En cas de migraine sans aura, en l’absence de tout facteur de risque artériel (âge > 35 ans, antécédents familiaux, tabagisme, HTA, dyslipidémie, diabète, obésité), la contraception œstroprogestative est possible. En présence d’un facteur de risque ou plus, elle est contre-indiquée. Notamment, à partir de 35 ans, il ne faut pas poursuivre une contraception œstroprogestative antérieure. 

La migraine s’améliore avec l’âge, chez les femmes comme chez les hommes, mais la maladie reste active après 60 ans dans 10 à 15 % des cas. L’impact du traitement hormonal de la ménopause (THM) est débattu, il pourrait proroger la maladie migraineuse. La migraine, avec ou sans aura, n’est pas une contre-indication à un THM, qui, s’il relève d’une indication spécifique, doit préférablement être administré par voie transdermique. 

La grossesse, une période d’accalmie, mais pas toujours

Chez une femme consultant pour des migraines, il faut toujours s’enquérir du désir de grossesse dans l’année afin, le cas échéant, d’orienter le choix thérapeutique : paracétamol pour les crises légères, triptans pour les crises modérées ou sévères. Les AINS et l’ASA sont évités en raison du risque potentiel de fausse couche précoce. Les médicaments prophylactiques, dont la majorité sont contre-indiqués, doivent être arrêtés et les mesures non pharmacologiques renforcées. 

La femme doit être informée que la migraine est associée à un risque accru d’hypertension gravidique et de pré-éclampsie.

Dans la majorité des cas, la migraine s’améliore, voire disparaît pendant la grossesse, surtout après le premier trimestre. Cependant, 20 % des femmes présentent au moins une crise et certaines connaissent une flambée des crises.

Si les crises sont peu fréquentes, les praticiens peuvent se référer aux recommandations du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT).

Si les crises sont fréquentes, il est préférable d’adresser la femme enceinte à un neurologue.  

D’après un entretien avec le Dr Christian Lucas, chef de service, centre d’évaluation et de traitement de la douleur chronique, CHU Lille. Président de la Société française d'études des migraines et céphalées (SFEMC).

 

Sources

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