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Migraine : au-delà de la céphalée, tout un corpus de signes

La migraine est une pathologie fréquente, invalidante, qui peut entraîner, outre des maux de tête, tout un cortège de signes. Quels sont les critères diagnostiques et quand demander une imagerie cérébrale ? Réponses du Dr Christian Lucas, président de la SFEMC.

Isabelle Hoppenot 07 novembre 2023 Image d'une montre8 minutes icon Ajouter un commentaire
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L'IRM n'est pas indiquée en cas de crises typiques, mais seulement dans certaines situations.

L'IRM n'est pas indiquée en cas de crises typiques, mais seulement dans certaines situations.

Résumé

La migraine est une pathologie qui touche de 12 à 21 % des adultes.

Elle peut être responsable d’une altération importante de la qualité de vie et entraîner un fort absentéisme professionnel chez les patients souffrant de formes chroniques.

Le diagnostic est clinique et repose sur des critères précis. Il nécessite une consultation longue et un interrogatoire minutieux qui permettra de définir le type de migraine, de rechercher les facteurs de risque de chronicité et les comorbidités, et d’évaluer le retentissement

Dans les formes typiques, les plus fréquentes, aucun examen complémentaire n’est indiqué.

Cette actualité VIDAL est suivie de la publication d'un second article consacré à la prise en charge thérapeutique.

La migraine touche de 12 à 21 % de la population adulte, et entre 5 et 10 % des enfants. Sa prévalence est trois fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes. La migraine retentit sur la qualité de vie personnelle, familiale et professionnelle, pendant, mais aussi entre les crises. Chez les patients ayant une migraine chronique, son impact socio-économique est majeur.

Quelle physiopathologie ?

La migraine est une affection neurovasculaire résultant de l’interaction de facteurs génétiques (ce qui explique le caractère volontiers familial de la maladie) et de facteurs environnementaux. En dépit des progrès, les mécanismes physiopathologiques de la migraine sont cependant encore incomplètement élucidés.

Des facteurs génétiques

Quelque 180 gènes de prédisposition sont aujourd’hui connus :

  • certains codent pour des protéines de l’endothélium vasculaire ;
  • d’autres sont impliqués dans les voies de production de la sérotonine (abaissées chez les migraineux, qui présentent souvent une anxiété ou des troubles du sommeil) ;
  • d’autres encore interviennent dans la synthèse de glutamate (neurotransmetteur excitateur).  

Ce profil génétique confère à un sujet donné un certain seuil migrainogène, qui peut être modulé par différents facteurs déclenchant une crise, variables d’un sujet à un autre.

Une vague de dépolarisation

Avant même l’apparition de la douleur, l’activation neuronale au sein de l’hypothalamus antérieur peut être à l’origine, dans les 48 heures précédant la crise, de prodromes, tels que fatigue, bâillements, faim impérieuse, raideur cervicale. Ces symptômes peuvent aussi être présents après la crise (« postdromes »).

La migraine ne se résume donc pas à une céphalée et regroupe tout un corpus de signes. L’aura, qui concerne 15 % de patients, découle d’une vague de dépolarisation, qualifiée de « dépression corticale envahissante » se propageant, tel un tsunami, de l’arrière vers l’avant du cortex cérébral. Cette agression cérébrale est à l’origine de la libération de différents peptides (« soupe inflammatoire »), dont le CGRP (calcitonin gene-related peptide), protéine algogène vasodilatarice, qui est la cible de nouveaux traitements.

Des critères diagnostiques précis

Dans ses recommandations de 2021, la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC) [1] rappelle les critère diagnostiques de l’International Headache Society (IHS).

Le diagnostic de migraine sans aura est porté en cas de survenue de cinq crises répondants aux critères suivants :

  • crises de céphalées durant de 4 à 72 heures avec au moins deux des quatre caractéristiques parmi :
    • une localisation unilatérale,
    • un type pulsatile,
    • une intensité modérée à sévère,
    • aggravée par ou entraînant l’évitement d’une activité physique de routine telle que marcher ou monter des escaliers.
  • et au moins un des deux signes accompagnateurs :
    • nausées et/ou vomissements,
    • photophobie et phonophobie.

Cette définition reflète le spectre large de la migraine, qui peut notamment être bilatérale (30 % des cas), ou non pulsatile (40 % des cas), et prend en compte son impact fonctionnel.

La migraine avec aura

La migraine avec aura qualifie les crises de migraine avec des signes neurologiques transitoires, qui sont dans 90 % visuels, mais qui peuvent parfois varier au cours de la crise. Le diagnostic de migraine avec aura est retenu en cas de survenue de :

  • deux crises avec au moins un symptôme entièrement réversible d’aura (visuel, sensitif, parole et/ou langage, moteur, tronc cérébral, rétinien) ;

et au moins trois des six caractéristiques suivantes :

  • au moins un des symptômes se développe progressivement sur 5 minutes ;
  • deux ou plusieurs symptômes d’aura surviennent successivement ;
  • chaque symptôme d’aura dure de 5 à 60 minutes ;
  • au moins un symptôme d’aura est unilatéral ;  
  • au moins un symptôme d’aura est positif (ce qui n’est pas le cas dans les accidents vasculaires cérébraux) ;
  • l’aura est accompagnée ou suivie dans les 60 minutes de maux de tête.

Les spécificités chez l’enfant

La symptomatologie chez l’adolescent est la même que chez l’adulte. En revanche, chez le petit enfant, la céphalée est :

  • plus souvent bilatérale ;
  • d’une durée plus brève que chez l’adulte ;
  • volontiers précédée d’une pâleur inaugurale ;
  • et marquée par un effet thérapeutique du sommeil. 

Les signes digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements) sont fréquents.

Porter le diagnostic de migraine nécessite donc une consultation longue, avec un interrogatoire minutieux, faisant notamment préciser les antécédents, l’âge d’apparition des maux de tête, leurs caractéristiques, les symptômes associés, les facteurs favorisants, les comorbidités et un examen clinique avec mesure de la pression artérielle et examen neurologique.

Distinguer les migraines épisodique et chronique

Il est intéressant de proposer au patient de tenir un agenda des crises, qui permet d’évaluer le nombre de jours de céphalées mensuelles et la consommation de médicaments.

On distingue :

  • la migraine épisodique : moins de 8 jours de céphalées par mois ;
  • la migraine épisodique à haute fréquence : de 8 à 14 jours de céphalées par mois ;
  • la migraine chronique, caractérisée par la présence de céphalées au moins 15 jours par mois pendant plus de 3 mois, dont au moins 8 épisodes répondant aux critères d’une crise de migraine avec ou sans aura. Cette dernière a un impact majeur sur la qualité de vie.

Les facteurs de risque de passage d’une migraine épisodique à une migraine chronique (risque de « transformation ») sont à rechercher pour proposer un éventuel traitement prophylactique. Parmi ces facteurs, détaillés dans les recommandations de la SFEMC :

  • la fréquence des jours de maux de tête ;
  • la surconsommation de médicaments ;
  • la dépression, comorbidité fréquente. 

Les facteurs favorisant souvent surestimés

Les patients décrivent des facteurs favorisant le déclenchement des crises de migraine, mais leur rôle est volontiers surestimé, les facteurs incriminés étant souvent des symptômes typiques de la crise prodromique.

C’est, par exemple, le cas de la consommation de chocolat, qui n’est pas un facteur déclenchant, mais bien un symptôme prodomique (la faim impérieuse) de la crise de migraine.

Les menstruations ou la consommation d’alcool sont en revanche des facteurs favorisants les crises, tout comme le manque de sommeil ou une mauvaise condition physique.

Évaluation de l’impact sur la qualité de vie

Les répercussions négatives de la migraine concernent :

  • l’activité professionnelle, avec un fort absentéisme ;
  • la vie familiale ;
  • et les loisirs.

Il existe parfois des conduites d’évitement des facteurs favorisants réels ou supposés.

L'impact socio-économique de la migraine est considérable, estimé de 7 à 9 milliards d’euros par an (coûts directes et indirects).

Le handicap lié à la migraine dépend de la fréquence et de l’intensité des céphalées, et les patients ayant au moins 8 jours de maux de tête par mois ont une altération de leur qualité de vie similaire à celle de ceux souffrant de migraine chronique (qui concerne quelque 50 000 patients).

La migraine est considérée comme sévère à partir de 8 jours de migraines par mois, ou en cas de score HIT-6 > 60 et/ou de crises nettement invalidantes, imposant l’interruption complète de l’activité au cours d’au moins la moitié des crises. 

Quand demander une imagerie cérébrale ?

Aucun examen complémentaire (imagerie cérébrale ou autre) n’est indiqué chez les patients ayant des crises de migraine typiques avec un examen clinique normal, exception faite de l’enfant, chez lequel on tend à éliminer un processus intracérébral. 

Mais, chez l’adulte, la réalisation d’une IRM sans indication reconnue expose à la découverte d’un incidentalome : un petit anévrysme de moins de 3 mm par exemple, source de stress et d’examens itératifs.

En cas de doute, il faut adresser le patient au spécialiste.

Si suspicion d'un autre trouble

Une IRM cérébrale et/ou d’autres examens complémentaires sont, en revanche, indiqués en cas de suspicion d’un autre trouble à l’origine des céphalés ou des symptômes de l’aura :

  • crises de migraine apparaissant après l’âge de 50 ans ;
  • aura atypique en raison de son apparition aiguë, de sa durée supérieure à 60 minutes ou de l’absence de signes visuels ;
  • migraine chronique depuis moins d’un an ;
  • anomalie (s) à l’examen clinique.

En urgence

Le patient doit être référé pour une neuro-imagerie ou d’autres examens appropriés en urgence en cas de :

  • céphalées à début brutal en coup de tonnerre ;
  • aggravation récente ;
  • fièvre associée sans cause générale ;
  • signes neurologiques ;
  • symptômes évocateurs d’une intoxication (monoxyde de carbone en particulier) ;
  • contexte d’immunosuppression.

 

D’après un entretien avec le Dr Christian Lucas, chef de service, centre d’évaluation et de traitement de la douleur chronique, CHU Lille. Président de la Société française d'études des migraines et céphalées (SFEMC).

 

Sources

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