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Glaucome primitif à angle ouvert : un patient sur deux non diagnostiqué

Le glaucome primitif à angle ouvert est une pathologie fréquente, souvent longtemps asymptomatique, et l’une des premières causes de cécité dans les pays développés.

Isabelle Hoppenot 21 septembre 2023 Image d'une montre8 minutes icon Ajouter un commentaire
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Un risque de cécité irréversible.

Un risque de cécité irréversible.

Résumé

Pathologie fréquente dont la prévalence augmente avec l’âge, le glaucome primitif à angle ouvert doit être dépisté et traité afin d’éviter l’évolution vers une cécité irréversible.

Un premier examen ophtalmologique doit être effectué dès l’âge de 40-45 ans, plus tôt en cas d’antécédents familiaux, car cette pathologie est longtemps asymptomatique.

Le principal facteur de risque est une pression intraoculaire élevée, mais qui est toutefois inconstante.

Le traitement de première intention repose sur les bêtabloquants et les analogues de prostaglandines en collyre, la trabéculoplastie au laser étant aujourd’hui discutée dans certains cas.

Viennent ensuite s’ajouter les gestes chirurgicaux mini-invasifs, la trabéculectomie, la sclérectomie profonde et la mise en place d’une valve.

Explications du Pr Marc Labetoulle, spécialiste en ophtalmologie ayant contribué à la VIDAL Reco « Glaucome primitif à angle ouvert », qui vient d’être actualisée.

Neuropathie caractérisée par une destruction progressive des cellules ganglionnaires de la rétine et donc des fibres du nerf optique, le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) est une pathologie fréquente chez les sujets de plus de 40-45 ans, habituellement en lien avec une augmentation de la pression intraoculaire (PIO).

En l’absence de traitement, il expose à l’atrophie du nerf optique et donc au risque de cécité irréversible.

La VIDAL Reco sur le glaucome primitif à angle ouvert, qui vient d’être actualisée, rappelle qu’il s’agit d’une affection souvent asymptomatique et que seul un cas de GPAO sur deux est aujourd’hui diagnostiqué. Le médecin traitant doit ainsi adresser ses patients à un ophtalmologiste dès l’âge de 40-45 ans pour un premier dépistage, voire plus tôt en cas d’antécédents familiaux de glaucome précoce.

Quels sont les patients à risque de GPAO ?

Le principal facteur de risque de cette pathologie fréquente, puisqu’elle touche de 1 à 2 % des sujets âgés de plus de 40 ans et 5 % des plus de 70 ans, est la pression intraoculaire (PIO) élevée.

À côté de l’hypertonie oculaire, l’âge, une histoire familiale de GPAO, des antécédents de pathologie oculaire (décollement de rétine, uvéite, forte myopie, faible épaisseur cornéenne, malformation, traumatisme), corticothérapie oculaire ou nasale prolongée, peau foncée, mélanodermie, syndrome d’apnées du sommeil ou encore épisodes de basse pression artérielle systolique représentent d’autres facteurs de risque reconnus.

Comment le dépister ?

Le GPAO reste longtemps asymptomatique et il est donc le plus souvent dépisté lors d’un examen ophtalmologique réalisé à l’occasion du suivi d’un autre trouble, tel qu’une anomalie de la réfraction, notamment lors de la prescription des premières lunettes pour presbytie.

Chez les personnes ayant des antécédents familiaux de glaucome, il est ainsi important d’effectuer un examen ophtalmologique tous les deux ans dès l’âge de 45 ans, plus tôt en cas d’antécédents familiaux de glaucome précoce, où un suivi régulier est préconisé dès l’enfance.

Chez les personnes ayant une hypertonie oculaire isolée, le suivi sera plus rapproché, tous les ans, avec vérification du nerf optique par tomographie en cohérence optique (Optical Coherence Tomography [OCT]). 

Dans d’autres cas, moins fréquents, le diagnostic est posé à l’occasion de signes, tels qu’une atteinte du champ visuel et/ou une baisse de l’acuité visuelle.

Le GPAO doit être différencié du glaucome aigu par fermeture de l’angle iridocornéen, qui se manifeste par une douleur et une rougeur oculaire de survenue brutale et qui nécessite une prise en charge en urgence.

Comment établir le diagnostic ?

La présence d’antécédents familiaux, à rechercher à l’interrogatoire, et une hypertonie oculaire (fréquente, mais inconstante) sont des éléments d’orientation.

Le GPAO peut toutefois survenir sans élévation franche de la PIO, retenue comme pathologique à partir de 21 mm pour une cornée d’épaisseur standard (520 à 580 microns). Pour les cornées plus épaisses ou plus fines, il y a une tendance, respectivement, à une surestimation ou une sous-estimation de la PIO, mais sans valeurs seuil définies aujourd’hui.

L’examen ophtalmologique permet notamment de révéler une atteinte bilatérale, souvent asymétrique, du nerf optique, avec des modifications de la papille au fond d’œil. La gonioscopie est essentielle à l’exploration de l’angle iridocornéen. La tomographie en cohérence optique (OCT) est devenue l’imagerie-clé pour l’examen du nerf optique. Elle est complétée par une étude du champ visuel.

Quels patients traiter et avec quel objectif ?

Tout patient ayant un diagnostic de glaucome ou une hypertonie oculaire avec une évolution des anomalies en OCT doit être traité. La VIDAL Reco détaille aussi les cas particuliers qui incitent à instituer un traitement en l’absence de diagnostic de glaucome avéré.

La prise en charge vise à prévenir la cécité et dans la mesure du possible à stopper le processus d’altération du nerf optique et du champ visuel.

La PIO cible à atteindre, c’est-à-dire celle en deçà de laquelle la maladie ne progresse plus, dépend de chaque patient et peut varier en fonction de l’évolution des lésions sous traitement.

Quel est le traitement de première intention ?

Classiquement, le traitement de première intention fait appel aux bêtabloquants ou aux analogues de prostaglandines en collyre. Le choix se fait en fonction des éventuelles contre-indications et des effets indésirables.

Les bêtabloquants sont très bien tolérés localement, mais sont notamment contre-indiqués en cas d’asthme, d’insuffisance cardiaque, de phénomène de Raynaud, et évités en cas de diabète de type 2, car ils sont susceptibles d’entraîner les mêmes effets indésirables que ceux observés par voie orale.

Les analogues de prostaglandines ont peu d’effets secondaires systémiques, même s’ils peuvent provoquer des céphalées ou aggraver un asthme préexistant. Ils sont en revanche associés à des effets indésirables locaux, à type de rougeur, d’assombrissement définitif de l’iris ou encore d’augmentation de la longueur des cils, qui peuvent gêner certaines personnes.

Les collyres nécessitant le moins d’instillations et dépourvus de chlorure de benzalkonium sont privilégiés pour améliorer l’observance et éviter une inflammation chronique de la surface oculaire induite par le conservateur, source d’échec d’une éventuelle chirurgie ultérieure du glaucome.

Certains patients peuvent-ils d’emblée bénéficier d’une trabéculoplastie au laser ?

Effectivement, on évoque aujourd’hui de plus en plus la trabéculoplastie au laser SLT comme option thérapeutique de première intention.

Il s’agit d’une technique en plein développement. Mais elle n’est pour l’instant pas indiquée dans tous les glaucomes, avec des restrictions en lien avec les caractéristiques de l’angle iridocornéen ou la présence d’une inflammation.

Elle nécessite une surveillance étroite, car elle peut entraîner une hypertension oculaire à court terme. En outre, elle n’est pas efficace dans 100 % des cas (les résultats sont appréciés un mois après le geste) et ne peut pas être répétée à court terme. Enfin, ses bénéfices peuvent se réduire avec le temps.

Toutefois des données qui s’accumulent pourraient amener à discuter son utilisation en première intention chez de nombreux patients ayant un GPAO.

Quelle est la place des gestes chirurgicaux mini-invasifs ?

Les gestes chirurgicaux mini-invasifs (Minimally Invasive Glaucoma Surgery [MIGS]) sont une option thérapeutique intermédiaire entre les collyres et la chirurgie conventionnelle (trabéculectomie et sclérectomie profonde).

Ils visent à réduire mécaniquement l’obstacle trabéculaire tout en nécessitant une incision de petite taille. En fonction de la technique, ces gestes induisent ou non une bulle de filtration conjonctivale, dont la fibrose est une source d’échec de la chirurgie à court ou moyen terme.

Les modalités et les indications des MIGS sont variables selon les procédés. La pose d’un microstent dans le trabéculum est actuellement surtout proposée à l’occasion d’une chirurgie de la cataracte chez un patient atteint de glaucome potentiellement évolutif. Elle permet de réduire la PIO en postopératoire chez la moitié des patients.

Quelles sont les autres avancées thérapeutiques ?

Concernant les traitements médicamenteux, les inhibiteurs de la rho-kinase en collyres, autorisés dans plusieurs pays, mais pas en France, permettent de réduire la pression intraoculaire par un mécanisme différent de ceux des collyres disponibles.

Parallèlement au développement des MIGS, on assiste à une redécouverte de la trabéculectomie, grâce à des évolutions techniques rendant le geste plus performant et associé à une durée de vie prolongée de la bulle de filtration.

Dans les glaucomes réfractaires aux chirurgies classiques, les valves de nouvelle génération permettent de réduire le risque de fibrose.

Les approches de neuroprotection par l’administration de nicotinamide per os sont à l’étude. Enfin, il ne faut pas oublier les dispositifs d’aide à l’observance, avec notamment le recours à des applications pour smartphones.

Pourquoi l’observance est-elle essentielle ?

Les patients doivent être informés sur la maladie et tout particulièrement sur la nécessité d’une prise en charge « à vie ». Le manque d’observance (a fortiori l’interruption du traitement) expose à une évolution du glaucome, à la survenue de lésions irréversibles et in fine à la cécité.

De même, il est important de préciser le caractère familial du glaucome, qui doit conduire à son dépistage chez les proches, à effectuer d’autant plus tôt que le diagnostic chez le parent est porté à un âge jeune. Le médecin traitant joue à cet égard un rôle important, en orientant vers le spécialiste.

 

D’après un entretien avec le Pr Marc Labetoulle, chef du service d’Ophtalmologie, hôpital Bicêtre, GHU Paris-Saclay, ayant contribué à la VIDAL Reco « Glaucome primitif à angle ouvert ».

 

Sources

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