Les dysphonies dysfonctionnelles peuvent être à l'origine de lésions bénignes.
Une dysphonie se définit comme un trouble de la voix avec altération de la qualité, de la hauteur, de l'intensité ou de l'effort vocal.
L’interrogatoire est capital pour permettre de s’orienter vers la cause de la dysphonie et d’apprécier son retentissement qui peut altérer profondément la qualité de la vie et/ou avoir des conséquences professionnelles importantes.
La consultation doit aussi permettre d’évaluer si un examen laryngé est nécessaire.
La laryngoscopie est indiquée lorsque la dysphonie dure plus de quatre semaines, ou moins lorsqu’une cause néoplasique est suspectée.
La dysphonie est un trouble correspondant à une altération de la qualité, de la hauteur, de l'intensité de la voix ou de l'effort vocal. Elle est souvent négligée et sous-estimée par les médecins. Or, ses conséquences sur la qualité de vie des patients peuvent être importantes (isolement social, dépression, anxiété, absentéisme au travail, perte de salaire…).
Le premier examen d’un patient dysphonique est l’écoute
L’écoute du patient permet de juger de la sévérité de la dysphonie, et de mener un interrogatoire complet.
L’interrogatoire, une étape capitale
L’interrogatoire doit systématiquement rechercher :
- la profession du patient afin d’orienter vers la cause de la dysphonie, mais également sur son retentissement. Les serveurs, commerciaux, chanteurs, professeurs, ceux qui soulèvent des poids lourds, les joueurs d’un instrument de musique à vent sont des professionnels davantage susceptibles de développer une dysphonie dysfonctionnelle ou des hyperpressions glottiques. Par ailleurs, certaines professions exposent à des inhalations d’irritants ;
- les antécédents. Outre le tabagisme, il faut demander s’il y a un antécédent de traumatisme cervical, de chirurgie thoracique, d’intubation orotrachéale, une maladie systémique ;
- le contexte : notion d’épisodes de toux, un traumatisme vocal récent, un épisode viral (sans avoir pu respecter de repos vocal), la présence d’un reflux ou d’une rhinite chronique avec jetage postérieur ;
- la prise de certains médicaments asséchants (isotrétinoïne, anticholinergiques…) ou de corticoïdes inhalés qui peuvent engendrer une atrophie cordale et des mycoses ;
- le délai d’apparition, l’existence d’un facteur déclenchant, favorisant ou aggravant, le caractère permanent ou fluctuant de la dysphonie et les traitements déjà entrepris ;
- si la dysphonie est isolée, ou si elle s’accompagne d'autres signes : rhinorrhée, toux (pouvant évoquer une virose), dyspnée, troubles de la déglutition, mouvements anormaux...
Au terme de cet interrogatoire, le clinicien peut :
- identifier les causes probables de la dysphonie (cf. Tableaux 1 et 2) ;
- évaluer si un examen laryngé est indiqué. Les recommandations pour la pratique clinique préconisent qu’une laryngoscopie doit être réalisée lorsqu’une dysphonie dure plus de quatre semaines ou plus précocement si une cause néoplasique est suspectée. En effet, lorsque le diagnostic de cancer est retardé, son stade est souvent plus évolué avec nécessité d'un traitement plus agressif et un taux de survie réduit.
Tableau 1 - Orientation étiologique d’une dysphonie selon les antécédents et/ou le contexte
Catégories étiologiques |
Exemples |
Données de l’interrogatoire |
Chirurgie |
Thyroïdectomie/parathyroïdectomie Chirurgie de la colonne vertébrale antérieure Chirurgie thoracique et cardiaque Neurochirurgie et chirurgie de la base du crâne |
La dysphonie est apparue dans les suites immédiates de la chirurgie. Elle peut être sévère, la voix est souvent soufflée. La cause est une atteinte du nerf récurrent ou du nerf vague, avec immobilité d’une corde vocale. Il peut y avoir des fausses routes aux liquides associées. |
Inflammatoire |
Tabagisme Allergie |
Tabagisme actif ou exposition à des allergènes. La dysphonie peut être fluctuante, selon l’exposition aux irritants. |
Neurologique |
Dystonie laryngée |
Qualité vocale fluctuante, voix très serrée ou soufflée, avec rire, bâillement, chant normal. Dans 50 % des cas, la dysphonie a débuté à la suite d’un stress. |
Paralysie d’une corde vocale |
Dysphonie de survenue brutale, avec une voix soufflée, souvent associée à des fausses routes aux liquides. Les paralysies laryngées unilatérales sont idiopathiques dans 10 % des cas. |
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Tumorale |
Carcinome épidermoïde/lésion dysplasique |
Dysphonie permanente, d’aggravation progressive. Souvent contexte de tabagisme actif. |
Papillomatose laryngée (lésion due au papillomavirus) |
Dysphonie permanente, d’aggravation progressive. Le tabagisme n’est pas un facteur de risque. Certaines lésions papillomateuses peuvent dégénérer en lésions cancéreuses. |
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Lésion métastatique |
Il est très rare qu’une lésion métastatique se localise sur la muqueuse de la corde vocale, mais une métastase pulmonaire ou médiastinale peut comprimer le nerf récurrent et causer la paralysie d’une corde vocale. |
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Traumatique
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Sténose glottique postérieure Lésion d'intubation Fracture du larynx |
La dysphonie est souvent associée à une dyspnée d’effort ou de repos et peut survenir quelques mois après une intubation prolongée. |
Dysfonctionnelle (peut aboutir à la formation de lésions bénignes des plis vocaux)
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Nodules du pli vocal Kyste du pli vocal Polype du pli vocal Lésion vasculaire du pli vocal Dysphonie par tension musculaire |
Touche souvent les professionnels de la voix, dysphonie permanente avec fatigabilité vocale, parfois tensions cervicales. |
Iatrogène |
Atrophie cordale Sécheresse de la muqueuse cordale |
Postradiothérapie, contexte de prise de traitement asséchant ou de corticoïdes inhalés en traitement d’un asthme. |
Psychologique à évoquer uniquement après élimination d’une cause organique |
Aphonie ou dysphonie psychogène |
Dysphonie sévère, voire aphonie. Souvent la survenue est brutale, après un traumatisme. |
Congénitale
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Micropalmure laryngée Kyste du pli vocal - Sulcus vergeture |
La dysphonie est souvent présente depuis la naissance ou l’enfance. |
Troubles de la mue chez l’adolescent |
Touche les adolescents, qui continuent à parler en voix de tête alors que la croissance laryngée s’est faite normalement lors de la puberté. |
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Dysphonie à la ménopause |
La voix devient plus grave et rauque (modifications hormonales). Les chanteuses sont particulièrement gênées. | |
Presbyphonie chez le sujet de plus de 60 ans |
Apparition progressive d’une voix faible, rauque, instable, et voilée – touche 30 à 50 % des plus de 60 ans. |
Tableau 2 - Orientation étiologique d’une dysphonie AVEC signes associés
Infectieux/ORL/respiratoires |
Infection virale des voies respiratoires supérieures Infection bactérienne (plus rare) Candidose laryngée |
Début brutal et contexte d’affection virale : fièvre, rhinite, sinusite. La candidose est favorisée par la prise de corticoïdes inhalés, d’antibiotiques. |
Gastro-intestinal /ORL |
Reflux pharyngo laryngé Rhinite chronique |
Hemmage (raclement de gorge) qui entretient l’irritation – Sensation de jetage postérieur – pyrosis. L’absence de pyrosis n’exclut pas formellement la présence d’un reflux. |
Pathologies de médecine interne |
Granulomatose avec polyangéite Lupus érythémateux systémique Sclérodermie Sarcoïdose Amylose Polyarthrite rhumatoïde Syndrome de Sjögren |
Dysphonie associée à une dysphagie, sécheresse buccale, arthralgies, altération de l’état général. |
Tremblement essentiel |
La voix est tremblante, chevrotante, faible. Avec souvent un tremblement du chef, de la mâchoire ou du membre supérieur associé. |
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Maladie de Parkinson |
Autres symptômes d’un Parkinson. La dysphonie est rarement le premier symptôme de la maladie. La voix est très faible, monocorde, parfois des fausses routes sont associées. |
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Sclérose latérale amyotrophique |
La dysphonie peut être associée à une dysarthrie, des troubles de la déglutition, des troubles de la marche, des douleurs musculaires… La voix est nasonnée, monocorde. |
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Endocrinologique |
Hypothyroïdie |
La dysphonie s’accompagne d’autres signes d’hypothyroïdie : prise de poids, frilosité, perte des cheveux, etc. |
Laryngoscopie et imagerie
Il n’est pas recommandé de prescrire de médicaments antireflux, antibiotiques, corticoïdes ou de rééducation orthophonique pour traiter une dysphonie isolée sans avoir visualisé le larynx au préalable.
Le scanner ou l'IRM laryngés ne sont pas à prescrire en première intention chez un patient dysphonique, tant que le larynx n’a pas été examiné.
Un cancer est la première cause à suspecter en cas de dysphonie chronique même en l'absence d'un contexte tabagique. Le rôle du clinicien dans la prise en charge de la dysphonie est de déterminer s'il y a une indication à pratiquer une laryngoscopie.
Prise en charge : éviter les corticoïdes
Bien que la dysphonie soit souvent attribuée à une inflammation aiguë du larynx, il faut résister à la tentation de prescrire des corticoïdes systémiques ou inhalés en cas de dysphonie ou de laryngite aiguë ou chronique en raison du risque d'effets secondaires importants et de l’absence de preuve de leur efficacité dans une telle situation.
Les corticoïdes sont toutefois indiqués dans certaines affections auto-immunes touchant le larynx, telles que le lupus érythémateux disséminé, la sarcoïdose et la granulomatose avec polyangéite. Le diagnostic doit être établi avant l'instauration du traitement.
Quand prescrire une rééducation ?
Adoptée récemment (mai 2023), la loi Rist ouvre un accès direct aux orthophonistes exerçant dans des structures de soins coordonnés, en établissement de santé ou médico-social, sans nécessité de prescription médicale. Dans ce contexte, il est important de souligner que la rééducation orthophonique est un traitement qui a montré son efficacité pour certains troubles de la voix. Cependant, l'absence de visualisation du larynx et/ou d'établissement d'un diagnostic au préalable peut conduire à une rééducation inappropriée ou à un retard d'identification d'une pathologie qui ne peut être traitée par la rééducation. De plus, les informations obtenues par la laryngoscopie peuvent aider à réaliser une rééducation adaptée et donc optimale.
La rééducation orthophonique est le traitement à proposer en première intention dans les lésions des cordes vocales, telles que les nodules, polypes ou kystes vocaux. Il a été démontré qu’elle est également efficace dans le traitement de la dysphonie de tension, la dysphonie liée à une paralysie d’une corde vocale, ou une dysphonie dans le cadre d’une maladie de Parkinson, notamment.
Elle consiste généralement en une ou deux séances par semaine pendant quatre à huit semaines. Sa durée est déterminée par l'origine et la gravité de la dysphonie et l'engagement du patient à pratiquer et à généraliser les nouveaux comportements vocaux dans sa vie quotidienne.
Conduite à tenir en pratique : zoom sur deux situations cliniques
Laryngite virale chez un professionnel de la voix
En cas de suspicion d'une laryngite virale chez un professionnel de la voix, il est recommandé de respecter un repos vocal : éviter la voix projetée (c’est-à-dire ne pas parler fort en évitant les réunions, les conversations dans un environnement bruyant, le chant), et en prescrivant un arrêt de travail si nécessaire ; un arrêt/traitement des cofacteurs irritants (reflux gastrique, tabac). Il n'y a pas de preuves solides pour affirmer l’efficacité des corticoïdes (sous quelle que forme que ce soit) dans cette indication. Si ces derniers sont prescrits, la décision doit être prise conjointement par le patient et le clinicien après discussion des risques et des preuves limitées de bénéfice.
Lorsque l'évolution est favorable en quelques jours, un contrôle du larynx n’est pas indiqué. Il est recommandé d'examiner les cordes vocales si la dysphonie persiste ou si les épisodes de dysphonie se répètent.
Paralysie laryngée après lésion nerveuse
Après lésion nerveuse lors d’une chirurgie cervicale (thyroïde, hernie discale) ou thoracique gauche, et si la dysphonie est très invalidante, une augmentation cordale précoce est discutée (procédure médicale qui consiste à injecter une substance dans la corde vocale paralysée pour en augmenter son volume de façon à corriger un défaut de fermeture glottique). Dans le cas inverse, et si le pronostic peut être favorable avec une forte probabilité de récupération, une rééducation orthophonique est indiquée et une chirurgie ne doit pas être envisagée avant un délai de plusieurs mois.
- RJ Stachler et al. Clinical Practice Guideline: Hoarseness (Dysphonia) (Update). Otolaryngol Head Neck Surg., 2018 Mar; 158: S1-S42. doi: 10.1177/0194599817751030
- A Giovanni. Les troubles de la voix : mécanismes, explorations et prises en charge. Santor Edition, 2022
- E de Monès et al. Actualisation de la recommandation pour la pratique clinique pour les paralysies laryngées unilatérales de l'adulte. Société française d'ORL et de chirurgie de la face et du cou (SFORL), 2022
- SR Schwartz et al. Clinical practice guideline: hoarseness (dysphonia). Otolaryngol Head Neck Surg., 2009 Sep; 141: S1-S31. doi: 10.1016/j.otohns.2009.06.744
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