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Anémie hémolytique auto-immune de l’enfant : deux entités d’évolution différente

L’anémie hémolytique auto-immune de l’enfant, définie par la destruction des globules rouges par des mécanismes auto-immuns, est une pathologie rare, qu’on peut subdiviser schématiquement en deux formes évolutives différentes.

Isabelle Hoppenot 07 septembre 2023 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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En cas de révélation sur un mode aigu, la prise en charge doit être rapide.

En cas de révélation sur un mode aigu, la prise en charge doit être rapide.

Résumé

Pathologie rare, l’anémie hémolytique auto-immune peut : 

  • dans trois quarts des cas, être en lien avec des autoanticorps « chauds », et l’évolution est marquée par un risque de récidives et de maladie immunitaire associée ;
  • dans un quart des cas, être liée à des autoanticorps « froids », l’évolution étant alors plutôt aiguë et transitoire.

L’anémie hémolytique auto-immune (AHAI) de l’enfant est une maladie rare dont l’incidence est de 8 cas/1 million d’enfants de moins de 18 ans. Elle se présente le plus souvent sous une forme aiguë et brutale, mettant parfois en jeu le pronostic vital. Elle nécessite une prise en charge rapide.

Le médecin traitant joue un rôle important dans le suivi des enfants traités par corticoïdes ou immunosuppresseurs et dans la prise en charge d’événements intercurrents infectieux. À distance de l’arrêt du traitement, le médecin traitant peut aussi dépister une pathologie immunitaire associée, de révélation parfois tardive.

La VIDAL Reco « Anémie hémolytique auto-immune de l'enfant » vient d’être mise à jour pour tenir compte des données récentes et des évolutions du Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) [1].

Une révélation souvent sur un mode aigu

L’AHAI est le plus souvent découverte devant un tableau aigu, associant syndrome anémique marqué (tachycardie, pâleur, asthénie, essoufflement, malaise), urines foncées (hémoglobinurie), ictère, douleurs abdominales et lombaires.

L’AHAI peut aussi se révéler par un syndrome anémique compensé (asthénie, pâleur), un subictère conjonctival et/ou un ictère cutané, une splénomégalie modérée.

Les parents consultent souvent directement les urgences. Mais, dans les formes subaiguës, le médecin traitant peut être conduit à évoquer le diagnostic face à une anémie normochrome régénérative et un test de Coombs positif.

La VIDAL Reco rappelle les signes de gravité sur le plan clinique, tels que des troubles hémodynamiques, une oligo-anurie, des troubles de la conscience et, sur le plan biologique, une déglobulisation rapide ou sévère, une insuffisance rénale...

Lors du bilan diagnostique initial, la numération formule sanguine (NFS) met en évidence une anémie normochrome régénérative. Le frottis sanguin permet d’éliminer une hémolyse constitutionnelle, une microangiopathie thrombotique ou un accès palustre. Le test de Coombs direct signe le caractère auto-immun de l’anémie.

Parallèlement, une enquête étiologique est systématiquement réalisée dès le diagnostic (antécédents, contexte clinique...) afin de rechercher une pathologie immunologique sous-jacente, présente dans 30 à 50 % des cas. Une cause médicamenteuse rare doit également être évoquée en cas d’introduction récente d’un médicament.

Des autoanticorps « chauds » ou « froids »

Deux types d’autoanticorps peuvent être en cause dans l’AHAI de l’enfant, avec un impact sur le mode évolutif.

Dans 75 % des cas, les AHAI de l’enfant sont liées à des autoanticorps dits « chauds », avec un test de Coombs positif (IgG ou IgG et complément) et une hémolyse plutôt intratissulaire. Dans ce contexte, il y a plus souvent une pathologie immunitaire (héréditaire ou acquise) associée. Ces formes exposent aussi davantage à des récidives et au développement d’autres manifestations auto-immunes.

Dans 25 % des cas, l’AHAI est liée à des autoanticorps « froids », avec un test de Coombs de type complément seul positif. L’hémolyse est plutôt intravasculaire. En l’absence de terrain immunitaire pathologique, rare dans ce contexte, l’évolution (une fois passée la gravité de la phase aiguë), se fait généralement vers la guérison, en particulier dans les formes postinfectieuses.

Un traitement souvent débuté en urgence

À la phase aiguë, la prise en charge vise à interrompre le plus rapidement possible le processus d’hémolyse afin d’éviter ses complications.

Une transfusion de concentrés érythrocytaires est réalisée en fonction de la cinétique de déglobulisation.

Dans la majorité des cas, une corticothérapie est mise en route, associée à une supplémentation en acide folique.

Dans certaines situations (AHAI postinfectieuse à anticorps froids avec test de Coombs positif de type complément isolé et anémie modérée et bien tolérée), une surveillance rapprochée peut être proposée sans mise en place d’une corticothérapie.

Dans les AHAI à autoanticorps chauds, l’efficacité de la corticothérapie est évaluée après 2 à 4 semaines de traitement. En cas de rémission complète (Hb > 11 g/dL et taux de réticulocytes < 120 g/L), une décroissance très lente de la corticothérapie par paliers est réalisée, sur une durée de 9 à 12 mois. Cette décroissance est plus rapide dans les AHAI à autoanticorps froids (si celle-ci a été initiée).

En cas d’échec de la corticothérapie ou de corticodépendance avec nécessité de maintenir de fortes doses de corticoïdes, le traitement par rituximab, anticorps monoclonal anti-CD20 (hors AMM), est le traitement de 2e ligne (ou autre immunosuppresseur à discuter s'il s'agit d'un jeune nourrisson ou en présence d'une forte suspicion de déficit immunitaire sous-jacent).

Une surveillance étroite à court et long terme

L’enfant doit être suivi régulièrement par un hématologue pédiatre et son médecin traitant.

L’enfant et ses parents doivent être informés des signes de poussée d’anémie hémolytique : urines rouges, pâleur, ictère, douleurs abdominales et/ou lombaires.

Le médecin traitant doit tenir compte de l’impact du traitement sur le risque infectieux et gérer, en lien avec l’équipe spécialisée, les autres effets secondaires de la corticothérapie.

La VIDAL Reco rappelle que les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués chez les personnes sous corticoïdes et/ou immunosuppresseurs et/ou ayant un déficit immunitaire associé à l’AHAI. Elle souligne également qu’en dépit du risque (faible, mais non négligeable d’hémolyse lors de la vaccination de tout patient en rémission d’AHAI), la mise à jour des vaccinations doit, dans la mesure du possible, être poursuivie après discussion avec l’hématologue pédiatre.

Exception faite des AHAI postinfectieuses d’évolution rapidement favorable, la surveillance du patient doit être poursuivie à long terme afin de ne pas méconnaître une éventuelle maladie immunitaire (auto-immunité systémique ou d’organe, déficit immunitaire) de révélation parfois tardive plusieurs années après la prise en charge de l’AHAI.

 

D’après un entretien avec le Dr Sébastien Héritier, service d’Hémato-Immuno-Oncologie pédiatrique, hôpital Armand-Trousseau, Paris.

 

Sources

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