#Dispositifs médicaux #Santé publique #Prise en charge #COVID-19

TROD grippe/Covid/bronchiolite en médecine de ville : les conditions posées par la HAS

La HAS estime qu'à ce jour les TROD, combinant la recherche des virus de la grippe, de la Covid-19  et de la bronchiolite, n'ont pas d'intérêt dans le diagnostic de ces infections en ville. En revanche, ils pourraient participer au bon usage des antibiotiques sous conditions.

David Paitraud 15 juin 2023 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Un intérêt de santé publique à évaluer.

Un intérêt de santé publique à évaluer.

Résumé

La Haute Autorité de santé (HAS) a publié un avis sur l'intérêt de recourir, en médecine de ville, aux tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) combinant la recherche des virus de la grippe (virus influenza), de la bronchiolite (virus respiratoire syncytial [VRS]) et de la Covid-19 (SARS-CoV-2). 

L'évaluation porte sur les tests multiplex (Covid-19, grippe, bronchiolite), les tests duplex (Covid-19 et grippe) ou les tests simplex (grippe ou bronchiolite). 

À l'issue de cette évaluation, elle conclut : 

  • que ces tests (multiplex, duplex ou simplex) ne présentent pas d'intérêt médical démontré à l'échelle individuelle, pour assister le diagnostic de la grippe et de la bronchiolite. Les conclusions de la HAS s'appuient sur le niveau de performance diagnostique de ces tests, qui mérite d'être mieux démontré, et sur un consensus d'experts écartant l'utilité clinique de ces tests à l'heure actuelle ; 
  • que ces tests pourraient, à l'échelle de la population, présenter un intérêt de santé publique à deux niveaux : le recours à un test permettant d'identifier une infection virale pourrait participer à une prescription plus appropriée d'antibiotiques en ville, et éviter des reconsultations en ville ou des consultations aux urgences pour des infections virales saisonnières sans gravité.  

La HAS émet donc deux conditions à la prise en charge de ces TROD par l'Assurance maladie : 

  • le respect des exigences fixées en termes de performance diagnostique clinique de ces tests. Les données actuelles montrent que ces exigences ne sont pas atteintes et qu'il existe un risque trop élevé de faux négatifs ;  
  • une mesure de l'impact de ces tests en vie réelle, sur le taux de prescriptions d'antibiotiques et sur le taux de reconsultations en cabinet de médecine de ville ou aux urgences. 

Dans un avis publié le 13 juin 2023 [1, 2, 3], la Haute Autorité de santé (HAS) se prononce sur l'intérêt médical de recourir, en médecine de ville (médecins généralistes, pédiatres), aux tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) antigéniques ciblant les principaux virus responsables d'infections respiratoires aiguës (IRA), à savoir les virus de la grippe (virus influenza), de la bronchiolite (virus respiratoire syncytial [VRS]) et de la Covid-19 (SARS-CoV-2).

L'évaluation porte sur les différents types de tests déjà disponibles sur le marché, à l'exception des tests antigéniques Covid-19 qui ont déjà fait l'objet d'une évaluation en 2020 : 

  • les tests multiplex combinant la détection des virus influenza, du VRS et du SARS-CoV-2 ; 
  • les tests duplex grippe/Covid-19 ;
  • les tests simplex grippe ou VRS. 

Cet avis répond à une saisine de la direction générale de la Santé (DGS) émise en décembre, dans un contexte de cocirculation de ces trois virus.

Méthode d'évaluation proposée par la HAS : analyse des données et avis d'experts

La méthode générale de l’évaluation proposée dans cet avis repose sur :

  • une recherche et une analyse de données publiées dans la littérature scientifique, en particulier les données issues de deux méta-analyses ;
  • le recueil de données disponibles auprès de laboratoires commercialisant des TROD Covid/grippe et des TROD Covid/grippe/VRS (laboratoires CERTEST, BIOSYNEX et AAZ) ;
  • le recueil de la position argumentée d’un expert investigateur dans une étude portant sur un TROD Covid/grippe/VRS ;
  • le recueil de la position argumentée d’un groupe d’experts pluridisciplinaire (4 médecins généralistes, 3 pédiatres, 1 gériatre, 1 infectiologue et 1 représentant des usagers membre de l’association UFC-Que Choisir).

Pour évaluer l’intérêt médical de ces tests, la HAS a pris en compte : 

  • les performances diagnostiques (sensibilité, spécificité) : estimation de la proportion de diagnostics erronés (faux négatifs et faux positifs) susceptibles d’être obtenus avec le test, en comparaison avec la méthode de référence (RT-PCR) ;
  • l’utilité clinique à l’échelon individuel pour assister le diagnostic en médecine de ville ;
  • l’intérêt médical au niveau populationnel en prenant en compte les critères suivants : 
    • capacité à diminuer la prescription d’antibiotiques,
    • capacité à diminuer le nombre de reconsultations en ville et/ou de consultations aux urgences,
    • capacité à prévenir la contamination de sujets à risque de forme grave d’insuffisance respiratoire aiguë.

Pas d'utilité à l'échelle individuelle dans la démarche diagnostique

À ce jour, la HAS estime que le recours à ces TROD (combinés ou non) ne présente pas d'intérêt médical à l'échelle individuelle dans le diagnostic des infections respiratoires aiguës (IRA) en ville. Elle justifie cette position par : 

  • l’absence de données suffisamment robustes pour attester de leurs performances diagnostiques : « Les données de performances diagnostiques rapportées dans la littérature scientifique donnent à penser que les TROD évalués seraient nettement en dessous de ce seuil. Ainsi l’utilisation des TROD multiplex pourrait générer environ 25 % de faux négatifs pour le VRS chez l’enfant, et 45 % pour les virus grippaux, quel que soit l’âge » ; 
  • l'avis unanime du groupe d'experts pluridisciplinaire selon lequel ces tests ne présentent pas d’utilité clinique évidente à l’heure actuelle : 
    • concernant la grippe, ces TROD ne sont pas appropriés pour adapter les conseils à prodiguer aux patients en vue d’éviter la contamination des personnes à risque de forme sévère, compte tenu du risque potentiel important de résultats faussement négatifs ; 
    • la recherche antigénique du VRS ne semble utile ni au diagnostic (qui repose sur la clinique), ni à la prise en charge de la bronchiolite (à l’heure actuelle uniquement symptomatique).

Un intérêt de santé publique à évaluer

À l'échelle populationnelle en revanche, la HAS estime que ces tests offrent « une perspective intéressante, à confirmer » : 

  • en confirmant le diagnostic d'une infection virale, ils pourraient permettre de limiter la prescription inutile d’antibiotiques, et contribuer à un meilleur usage de ces médicaments ;
  • ils pourraient aussi permettre d’éviter des reconsultations en ville ou des consultations aux urgences pour des infections virales saisonnières, non graves.

Dans cette perspective, la prise en charge de ces tests par l'Assurance maladie pourrait être envisagée sous deux conditions : 

  • s’assurer que les TROD visés répondent aux exigences minimales requises en matière de sensibilité (≥ 80 %) et de spécificité (≥ 99 %), comme cela a été démontré pour les TROD Covid-19. La HAS invite les industriels concernés à s'engager dans ce travail ;
  • évaluer l'impact de santé publique : la HAS recommande de mettre en place un recueil prospectif de données d’utilité clinique en vie réelle, en mesurer l’impact sur le taux de prescriptions d’antibiotiques d’une part, et sur le taux de reconsultations en cabinet ou aux urgences d’autre part.

Outre la démonstration de l'intérêt de ces tests, les données recueillies permettront de définir le périmètre d'indication (âge, tableau clinique, temporalité, etc.) encadrant la prise en charge de ces TROD.

 

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