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Médicaments et soleil : quelques rappels pour éviter de passer au rouge

Certains médicaments ne font pas bon ménage avec l’exposition aux rayons du soleil. Quels sont-ils ? Quels sont les symptômes de cette photosensibilisation ? Comment s’en protéger ?

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Un risque de phototoxicité ou de photoallergie.

Un risque de phototoxicité ou de photoallergie.

Résumé

Avec la belle saison reviennent les incidents de photosensibilisation médicamenteuse. Sous ce terme générique se trouvent deux types de réaction assez différents, tant dans leurs mécanismes, leurs symptômes, leur dynamique, que leurs conséquences :

  • la phototoxicité, immédiate et limitée aux zones exposées au soleil ;
  • et la photoallergie, retardée et qui touche également les zones de la peau protégées des rayons UV.

Si, dans les deux cas, l'éviction du médicament responsable et celle de l'exposition au soleil suffisent pour traiter cet effet indésirable, savoir différencier ces deux modes de photosensibilisation et connaître les familles de médicaments qui en sont à l'origine sont utiles pour mieux accompagner la personne qui en est victime, en particulier lors de photoallergie.

La photosensibilisation médicamenteuse correspond à une réaction anormale de la peau, résultant d’une interaction entre l’exposition solaire (rayons ultraviolets [UV], mais parfois lumière visible) et un médicament « photosensibilisant », c’est-à-dire qui est capable d’absorber ces rayons. Il existe deux types de réactions de photosensibilisation, très différentes dans leurs mécanismes :

  • la phototoxicité qui déclenche, en quelques heures au soleil, une réaction cutanée douloureuse de type « coup de soleil », quelquefois avec apparition de cloques, exagérée par rapport à l’exposition solaire. La localisation des lésions correspond toujours à la zone exposée au soleil ;
  • la photoallergie, véritable réaction allergique, qui est plus rare. Elle survient dans un délai de 5 à 21 jours après le début de l’usage du médicament. La sensibilisation initiale fait généralement suite à une exposition solaire d’une durée d’au moins 7 jours. Lors de photoallergie, l’éruption cutanée ne se limite pas aux zones exposées au soleil et peut atteindre les zones couvertes. Les lésions s’apparentent à de l’eczéma ou à de l’urticaire.

Les traitements systémiques déclenchent plus souvent une phototoxicité, tandis que les produits topiques déclenchent plus souvent une photoallergie [1]. Certains médicaments ne sont impliqués que dans un seul de ces deux types de réactions, mais d’autres peuvent l'être dans les deux types [2]. Le réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) a recensé les principales familles de médicaments contenant au moins une spécialité photosensibilisante (cf. Tableau I, adapté de [3]).

Tableau I - Les principales familles de médicaments contenant au moins une spécialité photosensibilisante (adapté de [3])
Les familles de médicaments le plus souvent impliquées dans les réactions de photosensibilisation
Médicaments administrés par voie générale

Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Anti-épileptiques

Statines

Diurétiques (diurétiques de l'anse, thiazidiques, triamtérène...)

Antidépresseurs (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, imipraminiques, millepertuis...)

Antiparasitaires comme les antipaludéens (chloroquine et hydroxychloroquine)

Antiarythmiques comme l’amiodarone

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)

Antibiotiques (fluoroquinolones, tétracyclines, sulfamides antibactériens...)

Anticancéreux

Antifongiques (itraconazole, voriconazole, griséofulvine...)

Inhibiteurs calciques (amlodipine, félodipine, nifédipine, diltiazem...)

Neuroleptiques (chlorpromazine, phénothiazine)

Antitussifs (oxomémazine)

Anxiolytiques (benzodiazépines)

Fibrates (ciprofibrate, fénofibrate, gemfibrozil...)

Antiacnéiques (isotrétinoïne)

Inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, pantoprazole...)

Antidiabétiques oraux (notamment certains sulfamides hypoglycémiants comme le glimépiride ou le glibenclamide)

Médicaments utilisés en application

Anti-allergiques

Anti-acnéiques (adapalène, isotrétinoïne, peroxyde de benzoyle)

Anti-inflammatoires

La phototoxicité

Une réaction non immunologique

La phototoxicité est une réaction non immunologique qui se produit après une exposition aux rayons UV (le plus souvent UVA, mais parfois UVB ou spectre du visible) lors de la prise d'un médicament photosensibilisant. Cette exposition provoque des lésions cellulaires directes et des dommages tissulaires. En effet, sous l’action de rayons UV, le médicament se transforme et produit des radicaux libres qui vont oxyder les éléments cellulaires [1].

Si le médicament est utilisé localement (pommade, crème...), la réaction se produira uniquement sur les zones d’application du médicament. On parle de phototoxicité de contact.

S’il est pris par voie générale, la réaction concernera toutes les zones exposées au soleil. On parle alors de phototoxicité systémique, ce qui représente la vaste majorité des cas. La phototoxicité peut théoriquement survenir chez n'importe qui lors de la prise d'un médicament photosensibilisant, mais elle nécessite presque toujours une dose systémique importante. L’intensité de la réaction présentée dépend de l’intensité de l’exposition solaire, du médicament, de la dose administrée, ainsi que du phototype de l’individu. Une personne de phototype clair sera plus sensible qu’une personne de phototype foncé, car la mélanine pourrait être un facteur de protection contre la phototoxicité grâce à ses effets antioxydants [4]. Mais une réaction phototoxique reste possible sur une peau plus mate.

Les médicaments responsables

Dans le cas des réactions phototoxiques, la liste des médicaments impliqués [2] est longue, comportant des traitements systémiques et, plus rarement, topiques. Les médicaments administrés par voie générale couramment source de phototoxicité sont : les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la griséofulvine, la chloroquine, la quinine, les sulfamides, les tétracyclines, le voriconazole, l'amiodarone, le furosémide, les diurétiques thiazidiques et les psoralènes. Les produits topiques le plus couramment associés à la phototoxicité sont le 5-fluorouracile et les rétinoïdes.

Même si la plupart des médicaments phototoxiques sont sensibles aux UVA, il est à noter que les fluoroquinolones, la témoporfine et le porfimère sodique sont des agents phototoxiques activés par les longueurs d'onde de la lumière visible, tandis que les thiazides, la quinidine, les inhibiteurs calciques et les phénothiazines sont activés par le rayonnement UVB [1].

Les manifestations cliniques

La phototoxicité ressemble le plus souvent à une réaction de type coup de soleil, avec un érythème, un œdème, une hypersensibilité et des phlyctènes. Les lésions sont présentes uniquement sur les zones exposées aux rayons UV. Le visage, les avant-bras, le cou, le thorax et les jambes sont souvent touchés. Les zones habituellement épargnées sont les plis sous-mentonniers, postauriculaires et nasogéniens, ainsi que les régions couvertes par les vêtements.

Ces symptômes surviennent généralement quelques minutes ou quelques heures après l'exposition aux rayons UV. La seule exception à cette règle est la phototoxicité induite par le psoralène, qui se manifeste par des signes et des symptômes apparaissant initialement après 24 heures et culminant au bout de 48 à 72 heures.

L'évolution clinique de la phototoxicité est généralement limitée, avec une réduction des symptômes après l'arrêt du médicament et de l'exposition au soleil. Cependant, une hyperpigmentation des lésions peut persister plusieurs mois.

Les formes particulières

Dans certains cas, la phototoxicité peut prendre des formes cliniques particulières [1] :

  • la pseudoporphyrie se manifeste généralement par un érythème, un œdème, des phlyctènes et des vésicules sous-épidermiques, une fragilité de la peau. Elle peut être observée après la prise, par exemple, de naproxène, d'amiodarone, de célécoxib, de cyclosporine, d’antibiotiques de la famille des bêta-lactamines, de furosémide, de rétinoïdes, d’acide nalidixique, de voriconazole ou de tétracyclines... ;
  • des réactions lichénoïdes peuvent se présenter sous la forme de papules lichénoïdes typiques ou de plaques annulaires, comme dans le cas du lichen plan, mais avec une photodistribution, ou sous la forme de taches dyschromiques, plus proches du lichen plan pigmenté. L'hyperpigmentation est une manifestation courante des réactions lichénoïdes et elle est particulièrement fréquente chez les femmes d’ascendance africaine à la suite de la prise de diltiazem ;
  • la photonycholyse se manifeste par une séparation douloureuse de l'ongle du lit de l'ongle. Elle est le plus souvent associée à l'utilisation de tétracyclines, de fluoroquinolones et de psoralènes ;
  • les télangiectasies sont associées à l'exposition aux UVA lors de la prise concomitante d'un inhibiteur calcique, de certains antibiotiques dont le céfotaxime, ou de venlafaxine ;
  • l'urticaire solaire d'origine médicamenteuse se présente sous la forme de bulles photodistribuées qui se développent dans les 5 à 10 minutes suivant l'exposition au soleil et qui se résorbent généralement d'elles-mêmes. Les médicaments impliqués sont, par exemple, le goudron de houille, l'atorvastatine, les tétracyclines, les contraceptifs oraux ;
  • enfin, exposés aux UV, l'isoniazide, la 6-mercaptopurine, le 5-fluorouracile, la phénytoïne, l'éthosuximide et l'acide valproïque interfèrent avec le métabolisme de la niacine et peuvent être à l’origine d’une pellagre médicamenteuse.

À noter également que la phototoxicité peut se traduire par une hypersensibilité des yeux à la lumière. Celle-ci peut provoquer une inflammation, un strabisme, une sensation de brûlure, un larmoiement excessif et peut rendre douloureux le fait d’être en extérieur, même pour quelques instants ou par temps couvert. Un grand nombre des médicaments qui provoquent une photosensibilité cutanée peuvent également rendre les yeux sensibles au soleil, y compris les tétracyclines, la quinidine, l’hydroxychloroquine, le 5-fluorouracile, etc.

Facteur de risque de cancer de la peau

À long terme, la phototoxicité peut augmenter le risque de développer un cancer de la peau. Par exemple, un traitement de longue durée par les tétracyclines semble augmenter de 11% le risque de carcinome basocellulaire [5, 6]. Par ailleurs, une étude portant sur plus de 78 000 patients a révélé une augmentation significative du risque de cancer de la peau, en particulier de carcinome épidermoïde, chez les patients prenant de l'hydrochlorothiazide [78].

Le voriconazole, les AINS dérivés de l'acide propionique et les quinolones sont d'autres médicaments photosensibilisants qui présentent un risque accru de mélanome, même en cas d'utilisation de courte durée [6, 9]. En outre, le voriconazole a été associé à un risque augmenté de carcinome épidermoïde, en particulier chez les patients ayant subi une transplantation d’organe [10].

La photoallergie

Une hypersensibilité de type IV

Beaucoup plus rare que la phototoxicité, la photoallergie médicamenteuse est une hypersensibilité de type IV (retardée) à médiation immunitaire. L'apparition des lésions cutanées nécessite une exposition au médicament et une période de sensibilisation allant de 5 à 21 jours. À la suite d’un épisode de photoallergie, toute réexposition solaire à ce médicament, même avec des doses minimes d’UV, provoque un nouvel épisode de réaction photoallergique. Dans ce cas, les symptômes apparaissent seulement de  24 à 48 heures après la réexposition au médicament photosensibilisant et aux rayons UV.

Dans le cas de la photoallergie, l’absorption des rayons UV entraîne une liaison covalente du médicament en cause avec une protéine porteuse endogène, formant ainsi un « photoantigène ». Une fois celui-ci formé, la physiopathologie de la photoallergie ressemble à la réaction observée dans les allergies de contact. Les cellules de Langerhans rencontrent le photoantigène dans le derme et le « traitent », puis le présentent aux lymphocytes T dans les ganglions lymphatiques. Après l'activation des cellules T, libération de cytokines et de chimiokines stimule une réponse inflammatoire qui se traduit par une éruption cutanée de type eczémateux.

Les médicaments responsables

Contrairement aux agents phototoxiques, les traitements systémiques sont moins souvent impliqués dans la photoallergie : les photoallergènes sont le plus souvent des agents topiques. Ironiquement, les photoallergènes les plus courants sont les filtres UV des lotions de protection solaire [11], en particulier l'oxybenzone, l'octocrylène, les cinnamates et les dérivés de l'acide para-aminobenzoïque.

Parmi les autres photoallergènes courants figurent de nombreux parfums, dont l'ambre musquée et l'huile de santal, des désinfectants cutanés comme la chlorhexidine et l'hexachlorophène, et des AINS topiques comme le diclofénac et le kétoprofène.

Bien que moins fréquents, certains médicaments administrés par voie générale peuvent provoquer une photoallergie, notamment la quinidine, la griséofulvine, le kétoprofène, le piroxicam, les antibiotiques de la famille des quinolones et les sulfamides [1].

Des photoallergies croisées ont aussi été rapportées (kétoprofène sous forme topique et substances chimiquement proches comme le fénofibrate, l'acide tiaprofénique, des écrans solaires et des parfums). 

Alors que des doses importantes sont nécessaires pour provoquer des éruptions de phototoxicité, la photoallergie ne nécessite qu'une petite dose de produit topique ainsi qu'une exposition minimale au soleil.

Les manifestations cliniques

La présentation clinique de la photoallergie ressemble à celle de la dermatite de contact allergique : érythème, prurit avec des les lésions qui peuvent présenter un écoulement séreux et devenir croûteuses. L'éruption eczémateuse disparaît d'elle-même à l'arrêt de l'utilisation du photoallergène et en évitant l'exposition au soleil et, contrairement à la phototoxicité, généralement sans hyperpigmentation durable (cf. Tableau II, adapté de [12]).

Tableau II - Synthèse des différences entre photoallergie et phototoxicité (adapté de [12])

Critères

Phototoxicité

Photoallergie

Fréquence

Élevée

Faible

Mécanisme

Réaction photochimique

Réaction immunologique

Sensibilisation préalable

Non

Oui

Facteurs nécessaires au déclenchement de la réaction :

  • dose de lumière
  • concentration cutanée en produit photosensibilisant

 

Importante

Forte

 

Faible

Faible

Début après exposition au photosensibilisant et à la lumière

Quelques minutes à heures 

24 h ou plus, progressivement

Aspect clinique 

Monomorphe, érythème avec douleurs de « coup de soleil »

Polymorphe, eczéma aigu avec prurit

Localisation

Zones photoexposées uniquement

Zones photoexposées avec extension possible aux zones couvertes

Évolution

Guérison rapide en 8 à 10 jours :

Régression à l’arrêt de l’exposition solaire avec ou sans arrêt du médicament

Régression à l’arrêt du médicament avec ou sans arrêt de l’exposition solaire

Guérison lente en plusieurs semaines après l’arrêt du médicament avec possibilité de rémanence

Troubles pigmentaires

Fréquents 

Inhabituels

Lésions histologiques

Érythème actinique avec nécrose unicellulaire de cellules épidermiques (sunburn cells)

Semblables à celles d’un eczéma de contact avec spongiose et exocytose

Conséquences

Ne contre-indique pas la poursuite du traitement ou sa réintroduction si protection solaire efficace

Phénomène de photosensibilisation cutanée croisée entre substances immunologiquement apparentées possibles et risque d’aggravation si non éviction définitive du médicament

Se protéger des réactions de photosensibilisation

Les médicaments photosensibilisants possèdent un symbole distinctif (pictogramme représentant un soleil partiellement voilé dans un triangle rouge) sur leur boîte afin de permettre aux patients de les identifier facilement et de prendre les mesures préventives adaptées. Lors de leur prescription, le praticien peut aussi avertir les patients de l'importance :

  • de s’exposer le moins possible au soleil ;
  • d'appliquer sur la peau exposée un écran solaire avec un facteur de protection solaire (FPS) de 50 ;
  • de porter des vêtements couvrants ;
  • de porter un chapeau à large bord ;
  • de porter des lunettes de soleil (blocage complet des UVA et UVB) ;
  • de ne pas fréquenter les cabines de bronzage.

Pour certaines substances,  il est recommandé de se protéger pendant toute la durée du traitement et jusqu'à plusieurs jours suivant son arrêt.

Attention, d’autres produits courants peuvent également provoquer des réactions de photosensibilisation [11] :

  • certaines plantes : coriandre, persil, carotte, fenouil, céleri, millepertuis, anis, figue, citron, bergamote, pamplemousse, etc. ;
  • des ingrédients cosmétiques tels que le triclosan (déodorants), le baume du Pérou, la citronnelle, et certains parfums ;
  • les boissons contenant de la quinine (tonics et bitters) ;
  • les édulcorants à base de cyclamate.
Conclusion

Plus de 300 substances actives de médicaments ont été identifiées comme pouvant être à l’origine soit de phototoxicité, soit de photoallergie. En présence de lésions déclenchées, de manière immédiate ou tardive, par une exposition au soleil, il est important d’explorer la possibilité que celles-ci puissent être une conséquence de l’interaction entre les UV et un principe actif.

Dans le cas de photoallergie avérée, le patient devra être informé de la nécessité de signaler cette allergie à tous les professionnels de santé qu’il pourra être amené à consulter afin de prévenir le risque de récidive.

 

Sources

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