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Fièvre hémorragique de Crimée-Congo : bientôt dans le sud de la France ?

Infection potentiellement mortelle transmise par des tiques, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, qui commence à sévir en Espagne, va-t-elle également concerner le sud de la France ?

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Hyalomma, des tiques qui transmettent la maladie.

Hyalomma, des tiques qui transmettent la maladie.

Résumé

L’envahissement progressif de la France continentale par le moustique tigre n’est pas la seule conséquence du réchauffement climatique en termes de dissémination de nouveaux insectes vecteurs d’infections. Depuis quelques années, le sud de la France devient favorable à l’installation de nouvelles espèces de tiques, du genre Hyalomma.

Ces tiques transmettent diverses maladies infectieuses et parasitaires aux animaux et à l’espèce humaine, dont la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, habituellement observée dans des pays plus méridionaux, par exemple au Moyen-Orient et dans le sud des Balkans. À la suite de l’identification, ces dernières années, de cas autochtones de cette fièvre hémorragique en Espagne, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vient de publier une analyse des risques pour la santé humaine et animale liés aux tiques du genre Hyalomma.

Dans ce document, l’Agence engage les praticiens du sud de la France à être vigilants sur l’apparition éventuelle de cette infection et dont les symptômes initiaux sont faciles à confondre avec d’autres infections virales potentiellement moins graves. Elle appelle également à une meilleure surveillance des tiques du genre Hyalomma à l’échelle nationale, y compris par des actions de recherche participative.

Dans l’espèce humaine, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) se limite généralement à un syndrome grippal avec troubles digestifs. Dans certains cas, elle peut néanmoins s’aggraver et se traduire par un syndrome hémorragique, dont le taux de mortalité atteint 30 % dans certains pays. Le virus responsable de cette fièvre hémorragique est un virus à ARN de la famille des Nairoviridae. Sa distribution se superpose à la localisation des tiques du genre Hyalomma, ses réservoirs naturels. En Europe, la FHCC sévit essentiellement dans le sud des Balkans et au Moyen-Orient.

Depuis plusieurs années, trois espèces de tiques Hyalomma sont présentes en Corse et dans le sud de la France. À la suite de cas de FHCC en Espagne [1], l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’est autosaisie pour évaluer le risque de développement de cette infection virale en France continentale. Elle vient de publier son analyse [2] qui confirme le risque d’émergence et appelle à mettre en place une surveillance de ces tiques à l’échelle nationale.

Les tiques Hyalomma, porteuses de plusieurs virus pathogènes

Originaires d’Afrique et d’Asie et introduites principalement par les oiseaux migrateurs en provenance d’Afrique, les tiques Hyalomma aiment les climats secs et les périodes chaudes. En France, elles se trouvent préférentiellement dans la garrigue ou le maquis du pourtour méditerranéen, contrairement aux autres tiques qui sont plutôt forestières. Elles jouent le rôle de vecteur pour de nombreux agents pathogènes. Elles transmettent notamment le parasite responsable de la piroplasmose équine (une infection parasitaire des globules rouges due à Theileria equi) et le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo.

Trois espèces de Hyalomma sont présentes en France :

  • Hyalomma marginatum est observée dans tous les pays de la façade méditerranéenne. Elle est implantée en Corse depuis au moins soixante ans et, depuis 2015, cette espèce est présente en France continentale. Elle est actuellement installée dans diverses régions du pourtour méditerranéen, des Pyrénées-Orientales au Var, et aussi plus au nord, dans la partie méridionale de l’Ardèche ;
  • Hyalomma scupense a été identifiée en 2014 dans plusieurs communes de Corse. Plus récemment, des collectes ont pu mettre en évidence l’existence de populations de H. scupense établies également sur le continent, notamment dans le Gard, l’Hérault et les Bouches-du-Rhône ;
  • Hyalomma lusitanicum n’a été identifiée en France continentale qu’en 2022, dans un seul site de collecte dans les Bouches-du-Rhône. Il est nécessaire de réaliser des campagnes de collecte dans les zones les plus propices à son développement et sur ses hôtes de prédilection, pour confirmer son installation.

Dans les années à venir, du fait du réchauffement climatique, il est extrêmement probable que la zone d’implantation de ces tiques en France continentale s’étende de plus en plus au nord du pays.

Des cas humains en Espagne et une exposition confirmée des animaux en France

Bien que la tique Hyalomma soit présente dans le sud de la France, aucun cas humain de FHCC n’y a encore été déclaré. En revanche, depuis 2013, des cas, dont certains mortels, sont rapportés quasiment tous les ans (en 2018, 2020, 2021 et 2022) en Espagne. D’autre part, la circulation du virus est en recrudescence dans les Balkans et en Turquie.

Par ailleurs, en France, des anticorps spécifiques au virus de la FHCC ont été trouvés chez des animaux domestiques et sauvages, laissant penser qu'ils ont été exposés sur notre territoire. Par exemple, une séroprévalence du virus de la FHCC (de l’ordre de 10 %) a été mise en évidence chez des ruminants domestiques en Corse dès 2014-2016.

Les populations humaines les plus à risque d'infection par le virus de la FHCC sont essentiellement les personnes en contact avec les animaux d’élevage ou fréquentant les endroits favorables aux tiques : agriculteurs, éleveurs, vétérinaires, personnels d’abattoir, forestiers, randonneurs, chasseurs, etc. Ces derniers représentent la majorité des cas dans les zones d’endémie comme en Turquie.

La fièvre hémorragique de Crimée-Congo, difficile à diagnostiquer

La FHCC est responsable, chez l’être humain, de flambées de fièvre hémorragique grave, dont le taux de mortalité varie de 5 à 30 % selon les pays [3]. Les symptômes peuvent être bénins et non spécifiques, mais peuvent évoluer vers une phase hémorragique classiquement décrite en quatre phases évolutives [4] :

  1. incubation ;
  2. préhémorragique ;
  3. hémorragique ;
  4. convalescence ;

dont la durée et les symptômes associés peuvent varier considérablement. Pour 20 à 50 % des patients, la maladie progresse jusqu’à la phase hémorragique.

Le diagnostic clinique de l’infection par le CCHFV chez l’être humain est difficile, car les symptômes peuvent être évocateurs, mais ne sont pas spécifiques. Le diagnostic de certitude est microbiologique par la détection directe par RT PCR (et isolement viral) ou par détection indirecte sérologique et doit être réalisé par le Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales (Unité de biologie des infections virales émergentes, Institut Pasteur, Lyon).

À ce jour, le traitement de la FHCC symptomatique repose principalement sur les soins de support. La ribavirine a été proposée pour traiter les patients infectés, dans les 48 premières heures suivant l’apparition des symptômes, bien que son efficacité reste discutée. L’analyse de l’Anses [2] précise les mesures d’isolement et d’hygiène à respecter avec un patient suspect de FHCC.

Les recommandations de l’Anses à propos de la FHCC

Dans son analyse [2], l’Anses appelle à la mise en place d’une surveillance des tiques du genre Hyalomma à l’échelle nationale, en priorisant :

  • les zones géographiques identifiées comme les plus à risque ;
  • le développement d’outils permettant de détecter précocement la présence de tiques Hyalomma et la circulation des agents pathogènes qu’elles transmettent, notamment du virus de la FHCC et de parasites comme Theileria equi.

L’objectif est de pouvoir adopter des mesures de prévention et de gestion des risques en fonction de l’évolution de la situation, et notamment la sensibilisation des professionnels de santé pour l’identification des cas humains autochtones. Selon l’Anses, une telle surveillance gagnerait à s’appuyer sur la participation des citoyens comme dans le dispositif CiTIQUE [5], un programme de recherche participative mis en place dans le cadre du plan de lutte contre les maladies transmises par les tiques, qui pourrait être étendu aux tiques Hyalomma.

L’Agence souligne également la nécessité de lancer des programmes de recherche pour mieux comprendre les facteurs influençant l’épidémiologie et la dynamique de dissémination des tiques Hyalomma et du virus de la FHCC. De nouvelles connaissances sont aussi nécessaires pour développer de nouvelles molécules antivirales contre ce virus et développer un vaccin.

 

Sources

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JacquesA Il y a un an 0 commentaire associé

Trés bon article; mais y a t il une carte géographique précise des localisations endémiques?

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Eolfiraja Il y a un an 0 commentaire associé

Bonjour,

votre rapport sur la FHCC semble être construit sur des faits; non loin d'être théorique il demeure très instructif.

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