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Hépatites pédiatriques indéterminées en 2022 : la clef du mystère ?

La vague d’hépatites pédiatriques d’origine inconnue de 2022 semble avoir été due à des coïnfections virales chez des enfants génétiquement prédisposés, ayant entraîné une réaction immunitaire hépatique intense.

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Une coïnfection virale sur fond de prédisposition génétique.

Une coïnfection virale sur fond de prédisposition génétique.

Résumé

Début 2022, les pédiatres de divers pays ont signalé de nombreux cas d’hépatites sévères d’origine inconnue chez de jeunes enfants, dont certaines ont justifié une transplantation hépatique en urgence. Une fois les suspects habituels éliminés (dont le SARS-CoV-2 ou ses vaccins), l’origine de ces hépatites est demeurée mystérieuse, même si le rôle d’un adénovirus a été rapidement suggéré.

Une étude britannique récente a exploré 38 cas en utilisant une combinaison d’outils sophistiqués : génomiques, transcriptomiques, protéomiques et immunohistochimiques. Cette étude pointe fortement vers une origine coïnfectieuse impliquant un adénovirus de type F-41, un virus adéno-associé 2 et, pour les cas les plus graves, un herpèsvirus humain 6B, chez des enfants prédisposés génétiquement et immunologiquement (allèle HLA DRB1*0401). Les lésions hépatiques ne semblent pas avoir été provoquées directement par ces virus, mais par la réaction immunitaire de l’hôte.

Selon les auteurs, il est probable que les périodes d’isolement liées à la pandémie de Covid-19 aient empêché les enfants de s’infecter séquentiellement avec ces virus, augmentant ainsi le risque d’une infection simultanée, plus sévère.

Au printemps 2022, de nombreux cas d’hépatite pédiatrique d’origine inconnue ont été signalés dans divers pays industrialisés, dont jusqu’à 10 % ont nécessité une greffe de foie [1]. À ce jour, plus d’un millier de cas ont été signalés, en particulier au Royaume-Uni (278 cas). Il y a un an, deux éléments invitaient à suspecter le rôle d’une nouvelle souche d'adénovirus :

  • d'une part, lorsqu’un typage d'adénovirus avait pu être effectué dans le sang, un adénovirus de type F-41 (HAdV) avait été mis en évidence, tandis que d'autres types d'adénovirus étaient identifiés dans des prélèvements non sanguins ;
  • d'autre part, la quantité d'ADN de cet adénovirus dans le sang était douze fois plus élevée chez les enfants ayant nécessité une greffe hépatique que chez les autres, bien que le moment du prélèvement, par rapport au début de la détérioration hépatique, ait été variable.

Parallèlement, dans les pays les plus touchés, une augmentation nette des infections virales digestives et pulmonaires et de la présence d'adénovirus dans les selles a été constatée chez les enfants de 1 à 4 ans. Ce changement a été attribué aux faibles taux de circulation virale durant la pandémie de Covid-19.

Le rôle d'un adénovirus était donc une hypothèse possible, mais qui ne pouvait totalement expliquer la gravité du tableau clinique. En effet, si l'infection par l'adénovirus de type F-41, généralement responsable de diarrhées, vomissements, fièvre et manifestations respiratoires, peut entraîner des hépatites chez des enfants immunodéficients, il n'est pas connu pour provoquer une hépatite aiguë grave chez les enfants en bonne santé.

Des niveaux élevés de virus adéno-associé 2 (AAV2)

Récemment, un article publié dans Nature [2] a présenté les résultats d’une étude multidisciplinaire très exhaustive, réalisée au Royaume-Uni, et qui semble avoir identifié la cause la plus probable de ces hépatites sévères. Cette étude a porté sur 38 cas qui ont été comparés à 66 témoins immunocompétents et 21 témoins immunodéprimés. Elle a utilisé à la fois des méthodes génomiques, transcriptomiques, protéomiques et immunohistochimiques.

S Morfopoulou et al. ont détecté des niveaux élevés d'ADN du virus adéno-associé 2 (AAV2) dans le foie, le sang, le plasma ou les selles de 27 des 28 cas où cette recherche a été effectuée. Ils ont également trouvé de faibles niveaux d’HAdV, essentiellement de type F-41, et d'herpèsvirus humain 6B (HHV-6B) dans le sang, respectivement dans 23/31 et 16/23 des cas testés pour ces virus. En revanche, chez les enfants témoins porteurs d’HAdV, immunocompétents ou immunodéprimés, l'AAV2 a été rarement détecté dans le sang ou le foie. La phylogénie des virus AAV2, HAdV et HHV-6B identifiés a exclu l'émergence de nouvelles souches, même si la possibilité d’une souche d’AAV2 plus hépatotropique n'est pas exclue.

Néanmoins, en l'absence de preuves de la présence de protéines virales ou de particules virales dans les biopsies du foie, les auteurs ne pensent pas que ces hépatites puissent avoir été causées par une infection lytique directe impliquant ces virus.

Des hépatites d’origine immunitaire avec infiltration

Dans cette étude britannique, les analyses histologiques des foies explantés ont montré un enrichissement en lymphocytes T et B, ainsi qu’une augmentation des taux locaux de cytokines. La comparaison protéomique des tissus hépatiques des cas et des témoins sains a permis d'identifier une expression accrue des protéines HLA de classe II, des régions variables des immunoglobulines et des protéines du complément. Les auteurs ont, par ailleurs, identifié des complexes d'ADN AAV2 reflétant une réplication médiée par le HAdV et le HHV-6B.

En conséquence, les auteurs émettent l'hypothèse que des taux élevés de produits anormaux de réplication de l'AAV2, aidés par le HAdV et, dans les cas les plus graves, par le HHV-6B, ont pu déclencher une maladie hépatique à médiation immunitaire. Mais pourquoi le nombre de cas n’a-t-il pas été plus important, les virus impliqués étant assez fréquents sans pour autant déclencher systématiquement d’hépatites chez les enfants immunocompétents ?

Une prédisposition particulière des enfants atteints de ces hépatites

En 2022, le typage HLA de 20 cas écossais et de 64 témoins avait permis d'identifier une association de l'allèle HLA DRB1*0401 de classe II avec les cas [3] et, plus faiblement, avec les allèles DQA1*03:03 et DQB1*03:01. L'analyse des cinq cas transplantés dans l’étude récemment parue dans Nature révèle la présence d'au moins un de ces allèles dans chacun des cinq cas, l'allèle HLA DRB1*0401 étant présent dans quatre cas sur cinq. Les données protéomiques de deux foies explantés ont également montré des niveaux élevés de protéines HLA de classe II.

Ces données de typage renforcent l'idée que ces hépatites inexpliquées, bien que potentiellement déclenchées par une infection par l’HAdV-F41 et l'AAV2, soient à médiation immunitaire, survenant chez des enfants génétiquement et immunitairement prédisposés.

Les auteurs concluent en émettant une hypothèse : « (…) en raison de la perturbation du brassage des enfants, résultant des restrictions pandémiques, les jeunes enfants n'ont peut-être pas été exposés auparavant au HAdV-F41 ou à l'AAV2. Les flambées d’HAdV-F41 qui ont suivi la levée des restrictions peuvent également avoir entraîné une infection par l'AAV2, l'un ou l'autre virus, ou les deux, déclenchant une hépatite à médiation immunitaire chez les enfants génétiquement prédisposés. D'autres études sont maintenant nécessaires pour examiner cette hypothèse ».

 

Sources

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