#Santé

Le syndrome de l’aidant : les signes qui doivent alerter

Aider l’autre est un acte d’amour, un engagement qui procure de nombreux bénéfices. Mais être aidant à 100 %, tout assumer, ne pas se faire aider, risque de mener à l'épuisement. Un aidant qui s’oublie et néglige sa propre santé est un futur patient.

Janine-Sophie Giraudet 06 avril 2023 Image d'une montre5 minutes icon 1 commentaire
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De 9 à 11 millions d'aidants en France.

De 9 à 11 millions d'aidants en France.Syndrome

Résumé

La France compte de 9 à 11 millions d’aidants, chiffre probablement sous-estimé. Chacun est, à un moment de sa vie, un « aidé », un « aidant », puis à nouveau un « aidé ».

Un aidant soutient une personne malade, en situation de perte d’autonomie, de dépendance ou de handicap. 

Or, ce rôle peut le conduire à modifier son mode de vie, négliger sa propre santé et conduire au « syndrome de l’aidant ».

De nombreuses définitions de l’aidant - aidant familial, proche aidant, jeune aidant - ont été proposées [1, 2], le terme « proche aidant » étant le plus large, puisqu’il ne suppose pas de lien familial aidant-aidé.

Il s’agit de personnes non professionnelles, bénévoles, qui accompagnent un malade, une personne en perte d’autonomie, dépendante ou en situation de handicap. Ils deviennent souvent des cosoignants, précieux partenaires de soins.

Piliers de la solidarité nationale, les aidants, invisibles pendant des années, commencent à être mieux reconnus par la société.

Dans une enquête récente de la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES) auprès de 334 000 personnes (février 2021-avril 2022), plus de 9 millions (14,8 %) ont déclaré offrir une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en 2021 [3]. Les femmes (et les filles) sont majoritaires dans cette solidarité de proximité : elles fournissent une aide aux activités de la vie quotidienne ou un soutien moral, alors que les hommes déclarent plutôt apporter un soutien financier.

Si les aidants constituent pour leur proche un support fondamental, ils sont souvent prisonniers d’une situation pour laquelle ils n’ont jamais été préparés, à laquelle ils se résignent, souvent sans demander de soutien, ce qui est souvent le cas pour les aidants pivots, en raison de leur position intermédiaire entre ascendants et descendants et de leur rôle central au cœur de solidarités intergénérationnelles [4].

Quand (trop) aider peut rendre malade…

Aider procure de nombreux bénéfices : amour, valeurs de vie, compétences, expertises, découverte de soi et de l’autre… Si la démarche altruiste est bénéfique à la santé, la version extrême peut nuire.

Les principales caractéristiques d'un aidant sont son investissement et sa polyvalence. Mais à force de se démultiplier, d’improviser, de s’adapter, il s'expose à un épuisement physique et psychologique dans une solitude, un isolement et/ou une non-reconnaissance de la famille et/ou de la société. Pour exemple, un jeune aidant peut éviter de parler de sa situation à l’école, sacrifier sa jeunesse et/ou son avenir ; une majorité de salariés aidants œuvre dans l’ombre en ne parlant pas de cette situation au travail.

Une enquête Ipsos menée auprès de 2 306 aidants en 2020 en France [5] a donné le chiffre de 11 millions d’aidants (dont 500 000 jeunes aidants de 18 à 24 ans), le plus souvent des femmes (60 %) (cf. Figure 1). Elle a montré que près d’un aidant sur deux fait le constat d’un impact négatif sur sa vie sociale ou familiale (45 %) et sur sa santé (53 %). Ces difficultés à gérer le rôle d’aidants provoquaient un état d’épuisement réel, de surmenage plus de six fois sur dix (62 %) et trois quarts des participants ressentaient un besoin de répit pour souffler (74 %).

Figure 1 - Chiffres sur les aidants en 2020 (source : enquête Ipsos [5])

Il y a donc un impact de l’aide sur la propre santé de l’aidant via la charge mentale et physique, qui peut être qualifié de « syndrome de l’aidant ».

Cette population peut souffrir de :

  • stress chronique (anxiété, surmenage, voire dépression) ;
  • découragement (sentiment d’impuissance, de culpabilité, de colère, d'isolement, de solitude) ;
  • troubles du sommeil ;
  • fatigue physique ;
  • problèmes de dos ;
  • palpitations.

Ont été également rapportés des variations de poids, des troubles digestifs, des signes cutanés… [3, 5, 6].

Par ailleurs, l’aidant est parfois lui-même vieillissant ou malade, donc vulnérable.

La Haute Autorité de santé (HAS) a mis en avant, dans une fiche-repère, les signes qui doivent alerter [7].

Le « réflexe aidants », une démarche pour la reconnaissance et le soutien précoce

La stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants 2020-2022 « Agir pour la santé des proches-aidants » préconise l’instauration d’un « réflexe proches aidants » (priorité 5 - mesure 14) chez les professionnels de santé [8] (cf. Figure 2) et la HAS, en juillet 2022, a recommandé des bonnes pratiques pour le « Répit des aidants » [6].

Aider l’aidant à se reconnaître

Très souvent, un aidant ne se sait pas « aidant » ou s'indigne de ce qualificatif jugé étranger à une relation d'amour naturelle. En effet, le début de l’aide commence par l’accomplissement de petites tâches ponctuelles, auxquelles s’ajoutent quelques heures de ménage, quelques courses… de petits services qui paraissent évidents, normaux, mais qui deviennent finalement des habitudes et une charge qui pèse au fil du temps.

Informer et orienter un aidant surmené

Un aidant parle peu de lui-même et centre son attention et son discours sur la situation de la personne aidée. Prendre le temps de lui proposer une écoute, un soutien téléphonique (0 800 360 360), numéro unique pour les aidants sans solution) et l’encourager à exprimer ses difficultés est la première étape.

Il faut parfois du temps pour qu’il accepte d’être guidé vers un médecin du travail ou un assistant social afin d’envisager la mise en place d’aides ou de prestations spécifiques :

  • congé de proche aidant [9] ;
  • aides humaines à domicile (74 % ont besoin de répit) : relayage/baluchonnage (c’est-à-dire soutien permettant à un relayeur professionnel de remplacer l’aidant à domicile, le temps que celui-ci se ressource) ;
  • structure d’accueil temporaire ;
  • vacances répit familles (VRF) pour le couple aidant-aidé ;
  • associations de malades/d’aidants ;
  • rencontres entre aidants : cafés des aidants® ;
  • loisirs aidants-aidés… [6, 10] ;
  • soutien psychologique spécifique.

Prendre soin de l'aidant

Le « réflexe aidants », c'est aussi offrir à l’aidant vulnérable une consultation médicale spécifique pour faire un point. La HAS a ainsi proposé en 2010 une consultation annuelle de suivi médical des aidants de patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou apparentée [6].

Figure 2 - Besoin de répit - 17 fiches-repères pour les aidants du ministère des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées

 

Conclusion

Les enquêtes montrent la vulnérabilité des aidants qui doivent faire attention à leur propre santé. Le soignant doit être en alerte et repérer ceux en difficultés, vulnérables ou épuisés, afin de prendre soin d’eux. En 2023, une nouvelle stratégie nationale « pour les aidants » devrait permettre de renforcer l’offre de répit.

Sources

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FdeA Il y a un an 0 commentaire associé

Merci pour votre texte

Responsable d'une consultation publique de psychothérapie CPP-Paris IX, je suis sensible à vos arguments.

La psychothérapie est un traitement fondamental pour les soignants 

cordialement,

dr f de a

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