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Vaccinations obligatoires du nourrisson : troisième bilan de la réforme de 2018

Le troisième bilan annuel évaluant l'extension de l'obligation vaccinale instaurée en 2018 a récemment été publié. Il porte sur trois aspects : la progression de la couverture vaccinale chez les enfants, l'adhésion à cette réforme vaccinale et la sécurité des vaccins. 

David Paitraud 02 février 2023 Image d'une montre9 minutes icon Ajouter un commentaire
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Les vaccinations obligatoires sont effectuées entre l’âge de 2 et 18 mois.

Les vaccinations obligatoires sont effectuées entre l’âge de 2 et 18 mois.

Résumé

Depuis l'entrée en vigueur de la réforme relative à l'extension de l'obligation vaccinale chez les enfants nés à partir de 2018, un bilan annuel est réalisé afin d'évaluer l'impact de cette mesure sur la couverture vaccinale, l'adhésion de la population à cette obligation élargie et la sécurité des vaccins concernés.

Le bilan 2022, qui correspond à la troisième édition, est globalement positif sur ces trois aspects : 

  • selon les données de Santé publique France, au niveau national, la couverture vaccinale tend à s'améliorer depuis 2019. Elle atteint quasiment 95 % pour neuf des onze vaccinations obligatoires. La couverture vaccinale contre le ROR (rougeole, oreillons, rubéole) reste moindre, de l'ordre de 90,4 %, malgré une augmentation régulière. La couverture vaccinale contre le méningocoque C n'a pas pu être estimée. L'analyse par territoire met en évidence des disparités selon les régions ;
  • l'adhésion à la vaccination s'est améliorée légèrement en population générale en 2022, en comparaison à 2020. En revanche, l'adhésion à l'extension vaccinale décidée en 2018 a perdu 7 points entre 2020 et 2022, mais cette réforme reste soutenue par une majorité et, au sein de la population en âge d'avoir des enfants âgés de 0 à 3 ans, la réforme recueille 71 % d'avis favorable. L'analyse par catégorie de population (en fonction du niveau d'étude et du niveau social) met en évidence des disparités en termes d'information et d'adhésion ; 
  • aucun signal de sécurité mettant en cause les vaccins utilisés pour les onze vaccinations obligatoires chez le nourrisson n'a été émis. On note même une diminution du taux de notification d'effets indésirables entre 2019 et 2020.

Le ministère de la Santé et de la Prévention, en partenariat avec l'Assurance maladie, Santé publique France et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), publie le troisième bilan annuel des obligations vaccinales du nourrisson [1]. 

Ce travail a pour objectif d'évaluer selon trois angles la réforme vaccinale décidée en 2018, qui étend l'obligation vaccinale de trois à onze vaccinations chez les enfants (cf. Encadré 1) : 

  • couverture vaccinale ;
  • adhésion à la vaccination ;
  • sécurité d'emploi des vaccins. 
Encadré 1 - Onze vaccinations obligatoires depuis 2018 [2]

Depuis le 1er janvier 2018, 11 vaccinations sont obligatoires chez les enfants, et exigibles pour l'entrée en collectivités : 

  • diphtérie ;
  • tétanos ;
  • poliomyélite ;
  • coqueluche ;
  • infection à Haemophilus Influenzae de type b ;
  • infection à pneumocoque ;
  • infections à méningocoque C ;
  • hépatite B ;
  • rougeole ;
  • oreillons ;
  • rubéole.

Couverture vaccinale : la vaccination ROR à la traîne et des disparités régionales

Les données de couverture vaccinale analysées dans ce troisième bilan sont issues d'une enquête de Santé publique France auprès des services de protection maternelle et infantile (PMI) menée au cours de l'été 2022. Elles portent sur les enfants nés en 2018 et âgés de 2 ans, ce qui correspond à la première cohorte de naissance soumise à l'extension des obligations vaccinales.

Seule la couverture vaccinale du vaccin contre le méningocoque C n'a pu être estimée durant cette enquête, faute de renseignements sur cette valence. 

Données nationales : une progression de toutes les vaccinations obligatoires

Les données de cette enquête ont été comparées à celles concernant les enfants nés avant la réforme, en 2016 et 2017 ; pour les 10 vaccinations obligatoires (hors méningocoque C), la couverture vaccinale est en augmentation et atteint, dans 9 cas sur 10, le seuil de 95 % (cf. Encadré 2).

Encadré 2 - Analyse des couvertures vaccinales [1]
  • Diphtérie/tétanos/poliomyélite (DTP), coqueluche, Haemophilus influenza de type b : la couverture vaccinale avec le vaccin pentavalent 3 doses chez les enfants de 24 mois et nés en 2018 est estimée à 96,4 % en 2022, soit 1 point de plus par rapport à celle estimée pour les enfants au même âge (24 mois) nés en 2017 (95,4 %).
  • Hépatite B : la couverture vaccinale selon un schéma à 3 doses est estimée à 95,2 % chez les enfants de 24 mois et nés en 2018, soit 3,4 points supplémentaires par rapport à celle estimée chez les enfants au même âge nés en 2017 (91,8 %).
  • Pneumocoque : la couverture vaccinale selon un schéma à 3 doses est estimée à 95 % chez les enfants de 24 mois et nés en 2018. Elle gagne 1,9 point par rapport à celle estimée chez les enfants au même âge nés en 2017 (93 %). 
  • Rougeole/oreillons/rubéoles (ROR) : la couverture vaccinale selon le schéma à 2 doses progresse. Elle est estimée à 90,4 % chez les enfants de 24 mois et nés en 2018, soit 4,1 points de plus par rapport à celle estimée chez les enfants au même âge nés en 2017 (86,3 %). Cependant, cette couverture vaccinale reste moins élevée en comparaison aux autres vaccinations obligatoires, et n'atteint pas l'objectif de santé publique de 95 %.

Au niveau régional : on observe des disparités

Au niveau régional, la couverture vaccinale est globalement satisfaisante, mais des disparités sont rapportées (cf. Annexes 1, 2, 3 et 4 du bilan [1]) :

  • diphtérie/tétanos/poliomyélite (DTP), coqueluche, Haemophilus influenza de type b : la couverture vaccinale avec le vaccin pentavalent 3 doses est supérieure à 95 % dans toutes les régions pour lesquelles elle a pu être calculée, à l'exception de la région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) qui présente une couverture de 93,9 % ;
  • hépatite B : la couverture vaccinale avec le vaccin à 3 doses se situe entre 90 % et 95 % dans toutes les régions pour lesquelles elle a pu être calculée, à l'exception de la région PACA (88,8 %). En outre, on rapporte une progression dans toutes les régions à l'exception de la Guadeloupe (93,7 % en 2020 contre 95,2 % en 2019) ;
  • pneumocoque : la couverture vaccinale s'élève entre 90 % et 95 % dans toutes les régions pour lesquelles elle a pu être calculée, à l'exception de la région PACA (88,4 %) ; 
  • ROR : malgré une augmentation, la couverture vaccinale avec le schéma à 2 doses est inférieure à 90 % dans les régions Hauts-de-France, Occitanie, PACA et Guadeloupe. 

Une adhésion globalement satisfaisante, mais améliorable dans certaines régions et populations

Les données d'adhésion vaccinale sont issues de sondages réalisés en 2021 (de février à décembre) auprès d'échantillons représentatifs des Français de 18 à 75 ans (dont des parents d'enfants âgés de 0 à 3 ans).

Adhésion à la vaccination en général : en progression, mais des disparités persistent

Les résultats regroupés dans le baromètre santé 2021 indiquent, pour la deuxième année consécutive, une augmentation des opinions favorables à la vaccination en général :

  • 82,5 % d'avis favorables contre 80 % en 2020 ; 
  • 37,3 % d'avis très favorables versus 34,6 % en 2020.

Cependant, l'adhésion à la vaccination apparaît moins élevée dans certaines populations et dans certains territoires :

  • chez les moins de 35 ans et chez les personnes disposant des diplômes et des revenus les plus faibles ;
  • dans certaines régions métropolitaines comme la région PACA. Cette dernière reste la moins favorable à la vaccination (77,6 %), à l'inverse des régions Bretagne et Centre-Val de Loire (86,3 %). Outre-mer, l'adhésion à la vaccination est plus faible qu'en métropole, de 72,9 % à la Réunion, et de 59,5 % en Martinique.

Les vaccinations pour lesquelles l'adhésion est plus limitée (excepté Covid-19) sont la grippe saisonnière (non obligatoire), l'hépatite B, les infections à papillomavirus humains (HPV - non obligatoire), même si cette réticence tend à se réduire : 

  • grippe : 6 % d'avis défavorables en 2021 contre 14 % en 2020 ;
  • hépatite B : 5 % en 2021 contre 7 % en 2020 ;
  • DTP : 1 % en 2021 contre 3 % en 2020 ;
  • ROR : 1 % en 2021 et 2020.

Pour la vaccination contre la Covid, 21 % d'opinions défavorables sont enregistrés. 

Obligation vaccinale étendue : les parents globalement favorables

Concernant plus spécifiquement la réforme d'extension des obligations vaccinales, les résultats d'enquête montrent :  

  • une adhésion en recul de 7 points au sein de la population générale, soit 59 % en 2022 contre 66 % en 2020. Cette mesure reste soutenue par une majorité de la population ; 
  • une adhésion plus forte dans la population concernée, c'est-à-dire la population des 18-35 ans parents ou en âge de le devenir : le niveau d'adhésion suit une évolution positive selon des enquêtes Ifop pour le ministère des Solidarités et de la Santé. En 2021, près de 2 personnes sur 3 (65 %) émettaient un avis favorable à l'extension des obligations vaccinales, soit 5 points de plus qu'en 2020 (60 %) ;
  • parmi les parents d'enfants âgés de 0 à 3 ans interrogés dans le baromètre santé, 71 % d'avis favorables à l'extension des obligations vaccinales ont été recueillis (après leur avoir rappelé ce que sont les obligations vaccinales).

La liberté de choix en tête des motifs de réticence à la vaccination

Une des enquêtes Ifop 2021 s'est intéressée aux motifs de non-adhésion à la vaccination. 

En tête de ces motifs, la « liberté de choix individuel face à la vaccination » est citée par 40 % des personnes interrogées contre 31 % en 2020.

Autre motif constamment évoqué, la sécurité des vaccins semble inquiéter une partie des personnes interrogées (32 % en 2022, 36 % en 2019), malgré un bilan de pharmacovigilance très rassurant.

Paradoxalement, le manque de données sur les effets des vaccins est un motif en recul (30 % en 2021) ; il perd 9 points depuis 2020. 

L'information, l'élément qui change tout

En 2021, selon le baromètre santé de Santé publique France, 89 % des parents d'enfants de 0 à 3 ans ont déclaré avoir entendu parler de l'obligation vaccinale.

Être informé sur les recommandations vaccinales semble déterminer l'adhésion à l'extension des obligations vaccinales ; 72 % des parents ayant répondu savoir ce que sont les recommandations vaccinales émettent un avis favorable à cette réforme, contre 62 % parmi les parents non informés. 

Le niveau de diplôme (baccalauréat minimum) et le niveau de revenus semblent influencer positivement la connaissance sur les vaccinations obligatoires (le fait d'en avoir entendu parlé), et l'adhésion à la réforme de 2018.

Sécurité des vaccins : rien à signaler

Les conclusions relatives à la sécurité des vaccins étudiés (cf. Tableau I) reposent sur les données recueillies dans la base nationale de pharmacovigilance. L'ensemble des vaccinations pratiquées chez les enfants de 0 à 23 mois révolus en 2020 avec la première date d'enregistrement dans la base nationale de pharmacovigilance située entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021 a été analysé.

Tableau I - Spécialités vaccinales étudiées (extrait de [1])

« Aucun signal ou alerte particulier n’a été mis en évidence durant cette nouvelle année de surveillance ». On observe même une diminution du taux de notifications entre 2019 et 2020, de l'ordre de 14,5 %. Cette diminution s'explique par le fait que la couverture vaccinale de ces différents vaccins a globalement augmenté (+ 3 %) alors que le nombre de cas notifiés a diminué en 2020. 

Sur près de 5,6 millions de vaccinations pratiquées en 2020 chez les nourrissons et les enfants âgés de 0 à 23 mois, 201 notifications rapportant un ou plusieurs effets ou événements indésirables ont été enregistrées dans la base nationale de pharmacovigilance, dont :

  • 130 (64,7%) cas « non graves » ;
  • 71 (35,3%) de cas « graves ».

Les principaux effets indésirables rapportés étaient des troubles d’ordre général à type de fièvre, réactions au site d’injection ou de rashs (cf. Tableau II).

Tableau II - Répartition des cas les plus fréquemment notifiés par catégories d’organes ou de systèmes d'organes (SOC) selon la gravité chez les enfants vaccinés entre 0 et 23 mois en 2020,
source : BNPV 
(extrait de [1])

Conclusions : maintenir les efforts et cibler les faiblesses

Ce bilan globalement positif traduit l'intérêt d'avoir étendu l'obligation vaccinale à onze vaccinations : la couverture vaccinale s'est améliorée sans altérer l'adhésion de la population générale à la vaccination. 

Les auteurs soulignent cependant quelques faiblesses, pour lesquelles « des marges de progression demeurent » :

  • malgré une progression, la couverture vaccinale contre le ROR reste en deçà de l'objectif de santé publique fixé à 95 % ;
  • certaines régions françaises présentent une couverture vaccinale moins élevée qu'à l'échelon national ; 
  • la confiance en la vaccination et dans la réforme étendant l'obligation vaccinale est globalement satisfaisante, à condition de maintenir un niveau d'information suffisant. Certaines catégories de la population et certains territoires restent réticents, d'où l'intérêt de mener des campagnes de sensibilisation ciblées. 

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