Proposer une éducation thérapeutique spécifique.
L’insuffisance cardiaque chronique est une maladie fréquente, grevée d’un mauvais pronostic. Avec l’arrivée de nouveaux traitements, notamment du sacubitril-valsartan et plus récemment des gliflozines, de grandes évolutions des modalités de prise en charge se sont produites au cours des dernières années.
Des éléments qui ont été pris en compte lors de l'actualisation de la VIDAL Reco sur l'insuffisance cardiaque chronique.
Dans leurs dernières versions, qui datent respectivement de 2021 et 2022, les recommandations internationales nord-américaines [1] et européennes [2] sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique (ICC) ont positionné en première ligne les quatre classes thérapeutiques majeures que sont :
- les bloqueurs du système rénine-angiotensine (inhibiteurs de l'enzyme de conversion [IEC] ou antagonistes des récepteurs à l'angiotensine II [ARA II] ou sacubitril-valsartan) ;
- les bêta-bloquants ;
- les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes ;
- les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2 ou gliflozines).
La VIDAL Reco sur l’ICC fait la synthèse de ces recommandations internationales et des avis de la Haute Autorité de santé pour aider les praticiens à prescrire le traitement le plus adapté au profil de chaque patient.
Une maladie fréquente
Cette VIDAL Reco est centrée sur les IC à fraction d’éjection ventriculaire gauche réduite (FEVG ≤ 40 %) et modérément réduite (FEVG comprise entre 41 et 49 %), dont l’origine est majoritairement ischémique (70 % des cas), valvulaire dans 10 % des cas ou liée à une cardiomyopathie une fois sur cent.
Elle souligne que l’ICC est très fréquente, puisqu’elle concerne 2 % de la population en Europe, de 10 à 20 % des personnes âgées de 70 à 80 ans. Elle est associée à un mauvais pronostic, avec un taux de mortalité de 50 % à quatre ans, voire de 50 % à un an en cas de forme sévère.
Toujours quatre classes selon l'impact des symptômes
La recommandation rappelle la symptomatologie clinique de l’ICC et les places essentielles, d'une part du dosage du peptide natriurétique de type B (BNP) et du N-terminal-propeptide natriurétique de type B (NT-pro-BNP), pour exclure le diagnostic et, d'autre part, de l’échocardiographie pour objectiver et quantifier la baisse de la FEVG.
La sévérité clinique de l’IC est toujours évaluée selon la classification de la New York Heart Association (NYHA), qui distingue quatre classes selon l’impact des symptômes sur les activités de la vie quotidienne (cf. Tableau).
Stade I | Pas de limitation des activités physiques, ni de dyspnée lors des activités de la vie courante |
Stade II | Limitation modérée des activités physiques, gêne lors des activités importantes, pas de gêne au repos |
Stade III | Limitation franche des activités physiques, gêne lors des activités même modérées de la vie courante, sans gêne au repos |
Stade IV | Incapacité de réaliser la plupart des activités de la vie courante sans gêne, gêne au repos |
Un algorithme qui synthétise les recommandations
Tous les patients ayant une IC doivent bénéficier d’une prise en charge visant à prévenir les épisodes de décompensation et les hospitalisations itératives, associées à un mauvais pronostic, à stabiliser, voire améliorer la qualité de vie et in fine à réduire la mortalité.
Un algorithme fait la synthèse des stratégies thérapeutiques recommandées dans les IC symptomatiques (de classe II à IV de la NYHA) se traduisant par une dyspnée, une asthénie, des œdèmes des membres inférieurs et un œdème pulmonaire.
Le traitement standard de première intention de l'IC à FEVG réduite fait appel aux inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA), aux bêta-bloquants chez les patients stables, à un anti-aldostérone et un diurétique en cas de congestion. Si les symptômes persistent, l'IEC ou l’ARA II est remplacé par l’association fixe sacubitril-valsartan.
En cas d’IC à FEVG réduite restant symptomatique malgré le traitement standard, l’ajout d’une gliflozine au traitement standard optimisé est recommandé, en l’absence de contre-indication, et ce quel que soit le statut diabétique.
En cas d’IC à FEVG modérément réduite, le choix du traitement dépend des symptômes et des comorbidités, en débutant par une gliflozine et un diurétique en cas de congestion.
D’un point de vue pratique, la prescription d’un IEC ou d’un ARA II ou du sacubitril-valsartan nécessite de surveiller la créatininémie et la kaliémie, une à deux semaines après chaque augmentation de dose, puis à 3 mois et tous les 6 mois.
Le traitement bêta-bloquant est initié chez les patients stables, et prescrit à doses progressives. Il en est de même pour le diurétique, débuté à dose faible le matin, puis augmenté progressivement.
Dépister et traiter une carence martiale
La VIDAL Reco souligne également l’importance de la prise en charge des comorbidités (maladie coronaire, hypertension artérielle, fibrillation atriale) et du dépistage et du traitement d’une carence martiale, volontiers associée à l’IC et aggravant le pronostic.
Les préparations orales ne sont pas recommandées dans ce contexte en raison de leur inefficacité. Il faut donc faire appel, en cas de nécessité, aux injections de fer par voie IV, qui ne peuvent être réalisées qu'en milieu hospitalier.
Mesures non médicamenteuses et vaccinations
Les patients doivent être informés du caractère chronique de la maladie, qui ne disparaît jamais et qui nécessite un suivi régulier et une bonne observance au traitement.
Il est recommandé de leur proposer une éducation thérapeutique spécifique. Ils doivent notamment connaître les signes nécessitant un avis médical rapide :
- fatigue anormale à l’effort ;
- dyspnée croissante ;
- gonflement des pieds et des chevilles ;
- prise de poids rapide.
Parmi les mesures pratiques, l’arrêt du tabac est indispensable, tout comme une activité physique régulière, mais modérée, définie en accord avec le médecin.
La consommation de sel doit être limitée afin d’éviter la rétention hydrosodée.
Les vaccinations contre la grippe et le pneumocoque doivent être envisagées.
Lorsque la FEVG reste inférieure à 35 % sous traitement
L’arbre décisionnel indique aussi les grandes lignes de la stratégie de prise en charge en cas de persistance des symptômes et d’une FEVG en-deçà de 35 % malgré le traitement standard bien conduit. L’approche varie selon que le rythme cardiaque est ou non sinusal.
- En cas de rythme sinusal > 70 bpm, l’ivabradine peut être proposée en association au traitement standard, ou en remplacement des bêta-bloquants s’ils sont contre-indiqués.
Une resynchronisation ou la pose d’un défibrillateur implantable sont discutées chez les patients pouvant en bénéficier.
- En cas de fibrillation atriale permanente, l’ajout de digoxine est discuté.
Le cas particulier de l’IC à FEVG préservée
L’IC à FEVG préservée (≥ 50 %) concerne environ 40 % des patients ayant une IC. Il s’agit plutôt de sujets plus âgés, plus souvent des femmes avec une fibrillation atriale associée. Le diagnostic se fonde sur des critères échocardiographiques.
Aucun traitement n’a fait la preuve de ses bénéfices sur la réduction de la morbi-mortalité. Les inhibiteurs calciques bradycardisants ont une certaine efficacité sur les symptômes ; les diurétiques (avec prudence), les IEC et les ARA II peuvent être prescrits. L’ajout d’empagliflozine permet de réduire le risque de décompensation et d’améliorer la qualité de vie.
« La prise en charge de l’ICC a nettement évolué depuis cinq ou six ans, tout d’abord avec l’arrivée du sacubitril-valsartan, et plus récemment celle des gliflozines, indique le Dr Jérémie Abtan, praticien hospitalier dans le service de cardiologie de l’hôpital Bichat à Paris et expert ayant contribué à la rédaction de la VIDAL Reco qui tient largement compte des avis de la Haute Autorité de santé. Dénuées d’impact sur la pression artérielle et le rein, les gliflozines, qui apportent un réel bénéfice, sont en pratique faciles à introduire. Grâce à l’évolution de la prise en charge des patients, une amélioration de la qualité de vie et du pronostic de l’IC est espérée. »
D’après un entretien avec le Dr Jérémie Abtan, service de Cardiologie, hôpital Bichat, Paris.
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