Seulement 7,2 % des 60-79 ans ont reçu un vaccin bivalent en France.
Les nouveaux vaccins à ARN messager contre la Covid-19, dits bivalents, ont été autorisés et recommandés sur la base de données montrant leurs effets positifs sur le taux sanguin d’anticorps neutralisants contre le SARS-CoV-2 et ses variants les plus récents, mais en l’absence de données cliniques. Si leur efficacité globale n’a jamais été sujette à discussion, la question demeure de leur bénéfice relatif par rapport aux vaccins monovalents jusque-là administrés. En d’autres termes, une 3e ou 4e dose par un vaccin bivalent apporte-t-elle une meilleure protection qu'une 3e ou 4e dose par un vaccin monovalent (ceux administrés en 2021 et début 2022).
Des résultats d’efficacité clinique commencent à être disponibles pour les vaccins bivalents, par le biais de données de vie réelle. Nous présentons ici une étude menée par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains qui suggère fortement qu’un rappel par un vaccin à ARNm bivalent apporte une protection supplémentaire significative contre l'infection par le SARS-CoV-2 (toutes formes symptomatiques confondues) par rapport à un vaccin monovalent. Ces données ont été obtenues pendant une période où prédominaient les lignées BA.4 et BA.5 des variants Omicron, mais aussi leurs sous-lignées (dont le désormais célèbre BQ.1.1).
Depuis le 20 septembre 2022 (cf. notre article du 23 septembre 2022), la Haute Autorité de santé (HAS) recommande que les rappels de vaccination contre la Covid-19 soient effectués à l’aide des nouveaux vaccins à ARN messager (ARNm) bivalents, en particulier ceux codant à la fois pour la protéine Spike du variant ancestral Wuhan et pour celles des variants BA.4 et BA.5 (COMIRNATY ORIGINAL/OMICRON BA.4-5 (15/15 µg) - BioNTech-Pfizer) et SPIKEVAX BIVALENT ORIGINAL/OMICRON BA.4-5 (50 µg/50 µg)/mL - ModeRNA). De plus, le 6 décembre 2022, l’Agence européenne du médicament a déclaré que ces vaccins bivalents peuvent également être utilisés en primo-vaccination [1]. Ils sont donc amenés à remplacer les vaccins à ARNm jusque-là administrés.
Les recommandations des différentes agences sanitaires concernant les vaccins bivalents reposent sur des données d’immunogénicité obtenues dans des essais cliniques, c’est-à-dire sur la mesure des taux d’anticorps neutralisants après rappel par ces nouveaux vaccins (cf. par exemple [2 et 3]). Si elles sont rassurantes, voire optimistes, quant à la protection accordée contre les variants du groupe Omicron, elles ne peuvent se substituer aux données cliniques obtenues en vie réelle (les essais cliniques d’efficacité étant désormais difficiles à mener).
Les premiers résultats ont été publiés le 22 novembre 2022 par une équipe des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains [4]. Il nous a semblé intéressant de présenter et de commenter ces premières données d’efficacité clinique.
Des données obtenues à partir du programme national de dépistage
Dans cette étude des CDC, l'efficacité des vaccins bivalents contre la Covid-19 symptomatique a été examinée à l'aide des éléments provenant du programme national de dépistage du SARS-CoV-2 (Increasing Community Access to Testing [ICATT]). Ce programme a été conçu pour accroître l'accès au dépistage dans les zones à forte vulnérabilité sociale par le biais de contrats avec des chaînes de pharmacies pour fournir gratuitement un dépistage du SARS-CoV-2 dans des sites sélectionnés aux États-Unis [5].
Du 14 septembre au 11 novembre 2022 (période de prédominance des lignées BA.4, BA.5 et de leurs sous-lignées aux États-Unis), 360 626 tests PCR ont été réalisés dans 9 995 pharmacies de détail à des adultes âgés de plus de 18 ans, présentant des symptômes pouvant faire évoquer la Covid-19 au moment du test et ne souffrant pas d'immunodépression. Parmi ces personnes, 121 687 (34 %) ont eu des résultats positifs.
Lors de l'inscription au test, les adultes ont indiqué leurs antécédents de vaccination et les symptômes ressentis, une éventuelle infection antérieure par le SARS-CoV-2 et leurs comorbidités. Les personnes dont le test PCR était positif ont été comparées à celles ayant reçu un résultat négatif en termes d’antécédents de vaccination.
Les tests provenant de sujets ayant déclaré une immunodépression, ayant reçu des vaccins Covid-19 sans ARN, ayant reçu une seule dose, ou plus de 4 doses de vaccin monovalent à ARNm, ou ayant reçu leur dernière dose monovalente moins de 2 mois avant le test SARS-CoV-2, ont été exclus des analyses.
En outre, les tests des personnes ayant rapporté un résultat positif au cours des 90 jours précédents ont été exclus afin d'éviter d'analyser des tests répétés pour le même épisode de maladie ou des réinfections dans un laps de temps relativement court.
Une meilleure protection avec le vaccin bivalent
Dans l’étude des CDC [4], deux valeurs de protection ont été calculées :
- la protection vaccinale absolue (absolute vaccinal effectiveness [aVE]) a été calculée en comparant la probabilité d’avoir reçu une dose de rappel bivalente (après 2, 3 ou 4 doses de vaccin monovalent) à celle de ne pas avoir été vacciné (zéro dose de tout vaccin COVID-19) parmi les patients positifs et négatifs ;
- la protection vaccinale relative (relative vaccinal effectiveness [rVE]) a été calculée en comparant la probabilité d’avoir reçu une dose de rappel bivalente (après 2, 3 ou 4 doses monovalentes) à celle de ne pas avoir reçu de dose de rappel bivalente (mais d’avoir reçu 2, 3 ou 4 doses monovalentes) parmi les patients positifs et négatifs.
L'aVE d'une dose de rappel bivalente reçue après au moins 2 doses monovalentes était similaire chez les personnes de 50 à 64 ans (28 %) et chez celles de plus de 65 ans (22 %). Elle variait un peu en fonction du nombre de doses antérieures de vaccin monovalent (cf. Tableau). Entre 18 et 49 ans, l'aVE après au moins 2 doses de vaccin monovalent était plus importante (43 %) que chez les personnes d'âge plus élevé. Elle ne variait pas en fonction du nombre de doses antérieures de vaccin monovalent.
Tableau (cf. tableau II [4]) - Protection vaccinale absolue contre l’infection à SARS-CoV-2 symptomatique avec une seule dose de rappel de vaccin à ARNm bivalent
contre la Covid-19 après 2, 3 ou 4 doses de vaccin monovalent, comparée à aucune dose, par groupe d’âge et nombre de doses de vaccin monovalent.
Programme national de dépistage du SARS-CoV-2. États-Unis. Septembre-novembre 2022.
Protection vaccinale absolue (IC95%), par nombre de doses de vaccin monovalent reçues avant le vaccin bivalent | ||||
Groupe d'âges | 2 doses | 3 doses | 4 doses* | ≥ 2 doses |
18-49 ans | 41 (31-49) | 43 (39-46) | Non applicable | 43 (39-46) |
50-64 ans | 50 (35-61) | 25 (17-33) | 28 (20-34) | 28 (22-33) |
≥ 65 ans | 32 (9-49) | 19 (8-29) | 23 (15-30) | 22 (15-29) |
* Les personnes âgées de moins de 50 ans sans immunodépression modérée ou sévère n’étaient pas éligibles pour une 4e dose de vaccin monovalent (2e rappel).
Parmi les sujets ayant reçu au moins 2 doses de vaccin monovalent, l'aVE semble augmenter avec le temps écoulé depuis la dose la plus récente de vaccin monovalent, dans tous les groupes d'âge. En d’autres termes, plus la dernière dose monovalente était distante dans le temps, plus le rappel bivalent apportait un bénéfice en termes de protection absolue.
La rVE a été calculée pour deux délais depuis la dernière dose reçue : 2-3 mois et plus de 8 mois :
- chez les personnes de 18 à 49 ans, la rVE des vaccins bivalents était respectivement de 30 % (2-3 mois) et 56 % (plus de 8 mois) ;
- de 50 à 64 ans, la rVE était respectivement de 31 et 48 % ;
- à partir de 65 ans et plus, la rVE était respectivement de 28 et 43 %.
Ainsi, les vaccins bivalents à ARNm ont apporté une protection supplémentaire contre l'infection par rapport à une vaccination antérieure avec 2, 3 ou 4 doses de vaccin monovalent. De plus, ce gain d’efficacité semble augmenter avec le temps écoulé depuis l’administration de la dernière dose monovalente.
À noter, les résultats limités à la période de prédominance des BA.4 et BA.5 n'étaient pas significativement différents de ceux incluant également les données de la période, plus tardive, où commençaient à sévir les sous-lignées de BA.4 et BA.5 (BA.4.6, BA.5.2.6, BF.7, BQ.1 et BQ.1.1).
Une étude qui présente certaines limites
De l’aveu même des auteurs, l’étude des CDC [4] présente certaines limites :
- le statut vaccinal, les antécédents de Covid-19 et les comorbidités ont été déclarés par les personnes elles-mêmes et peuvent être sujets à un biais ;
- aux États-Unis comme en France, l’acceptation des doses de rappel bivalentes à ce jour a été faible (environ 10 % au 15 novembre 2022), ce qui pourrait fausser les résultats si les personnes se faisant vacciner tôt sont systématiquement différentes de celles vaccinées plus tard (par exemple plus soucieuses de ne pas être malades) ;
- le risque d'exposition au SARS-CoV-2 et l'utilisation du masque n'ont pas été recueillis, ce qui pourrait entraîner une confusion résiduelle ;
- les tests de dépistage ont été faits principalement (mais pas exclusivement) dans des zones où la vulnérabilité sociale est plus élevée ; par conséquent, les données pourraient ne pas être entièrement représentatives de la population au sens large ;
- il pourrait y avoir un biais lié aux différences de comportement en matière de dépistage entre les personnes vaccinées et non vaccinées ;
- les variants en circulation aux États-Unis continuent de changer et les résultats de ce travail pourraient ne pas être généralisables aux futurs variants.
En conclusion, cette étude suggère qu’un rappel par un vaccin à ARNm bivalent a apporté une protection supplémentaire significative contre l'infection symptomatique par le SARS-CoV-2 (toutes formes symptomatiques confondues) par rapport à un rappel par un vaccin monovalent, pendant une période où prédominaient les lignées BA.4 et BA.5 des variants Omicron, et aussi leurs sous-lignées (dont le désormais célèbre BQ.1.1).
Pour cette raison, toutes les personnes qui ont été vaccinées par un vaccin monovalent ont intérêt à faire un rappel avec un vaccin bivalent (selon cette étude, au moins 2-3 mois après la dernière vaccination monovalente) pour améliorer leur protection contre les formes symptomatiques. Ce message devrait être clairement diffusé pour améliorer la mauvaise pénétration de ces vaccins bivalents à ce jour (en France, seulement 1,8 million de personnes au 29 novembre 2022, soit 7,2 % des 60-79 ans et 9,4 % des 80 ans et plus [6]).
[1] « ETF concludes that bivalent original/Omicron BA.4-5 mRNA vaccines may be used for primary vaccination ». European Medicines Agency, 6 décembre 2022
[2] Wang Q, Bowen A, Valdez R, Gherasim C et al. Antibody responses to Omicron BA.4/BA.5 bivalent mRNA vaccine booster shot. bioRxiv, 24 october 2022. doi: 10.1101/2022.10.22.513349
[3] Collier A, Miller J, Hachmann N et al. Immunogenicity of the BA.5 bivalent mRNA vaccine boosters. bioRxiv, 25 october 2022. doi: 10.1101/2022.10.24.513619
[4] Link-Gelles R, Ciesla AA, Fleming-Dutra KE, et al. Effectiveness of Bivalent mRNA Vaccines in Preventing Symptomatic SARS-CoV-2 Infection - Increasing Community Access to Testing Program, United States, September-November 2022. MMWR, 2022; (71)1526-1530. doi: 10.15585/mmwr.mm7148e1
[5] Miller MF, Shi M, Motsinger-Reif A, Weinberg CR, Miller JD, Nichols E. Community-based testing sites for SARS-CoV-2 - United States, March 2020 - November 2021. MMWR, 2021; (70)1706–1711. doi: 10.15585/mmwr.mm7049a3
[6] « Covid et grippe : le taux de vaccination "pas suffisant" avant les fêtes, alerte le gouvernement ». Ouest France, 29 novembre 2022
et les graves effets indésirables on en parle quand ?
Bonjour
Les effets indésirables présumés imputables au vaccin sont mentionnés dans la notice.
et que deviennent les vaccins francais ?
pourquoi toujours des vaccinsà ARN
Sanofi
et celui d Valneva
merci
jf B
Le Sanofi commence à être disponible, le Valneva n'est autorisé en rappel en France. Le Novavax est également disponible en rappel.
Mais la seule étude en vie réelle porte sur les vaccins à ARNm. Pas de données pour les autres.