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Drépanocytose : un dépistage recommandé à la naissance, chez tous les nouveau-nés

Actuellement limité aux nouveau-nés dont les parents sont à risque, le dépistage de la drépanocytose pourrait être généralisé à tous les enfants à la naissance, selon une recommandation récente de la Haute Autorité de santé (HAS). 

David Paitraud 15 novembre 2022 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Représentation en 3D de globules rouges en forme de faucille, observés au cours de la drépanocytose.

Représentation en 3D de globules rouges en forme de faucille, observés au cours de la drépanocytose.

Résumé

La Haute Autorité de santé (HAS) a récemment recommandé d'étendre le dépistage néonatal de la drépanocytose à tous les nouveau-nés. Cette maladie génétique est actuellement dépistée dans une population ciblée, à savoir les nouveau-nés dont les parents ont des origines à risque.

Les arguments en faveur d'une généralisation de ce dépistage à tous les nouveau-nés s'appuient sur de nouvelles données épidémiologiques, les limites du mode de dépistage actuel, les risques de complications et de morbidité en l'absence de prise en charge précoce, et l'expérience des autres pays qui pratiquent déjà ce dépistage en mode universel : 

  • la fréquence de la drépanocytose augmente depuis dix ans et cette maladie est présente dans toutes les régions françaises ; 
  • le dépistage ciblé tel que pratiqué actuellement est difficile à mettre en œuvre, et expose à des erreurs de ciblage entraînant un non-dépistage. Il pose également un problème éthique, car il stigmatise certaines populations ; 
  • des disparités de dépistage sont actuellement observées entre les régions françaises ; 
  • l'absence de dépistage entraîne une prise en charge tardive et une perte de chance ;
  • le test de dépistage actuellement utilisé est très performant ; 
  • la totalité des parties prenantes souhaite l'abandon du dépistage ciblé au profit du dépistage généralisé de la drépanocytose ; 
  • la filière est capable d'absorber un nombre plus important de tests de dépistage. 

Dans un avis publié le 15 novembre 2022 [1, 2], la Haute Autorité de santé (HAS) recommande d'étendre le dépistage néonatal de la drépanocytose à tous les nouveau-nés (cf. VIDAL Reco « Drépanocytose de l'enfant »). 

À propos de la drépanocytose

La drépanocytose est une maladie génétique héréditaire du sang. Elle est due à la production d'une hémoglobine anormale, se traduisant par une déformation et une fragilisation des globules rouges. Ces anomalies provoquent un défaut d'oxygénation des tissus. Les principales manifestations sont des crises vaso-occlusives douloureuses, une anémie et un risque d'infections majoré en raison de l'asplénie fonctionnelle liée à infarcissement splénique. Les premières manifestations peuvent apparaître dès l'âge de 3 ans.

Les populations à risque sont les personnes vivant ou issues des territoires suivants : Antilles, Guyane, la Réunion, Mayotte, tous les pays d’Afrique sub-saharienne et le Cap-Vert, Brésil, personnes noires d’Amérique du Nord, Inde, océan Indien, Madagascar, Île Maurice, Comores, Algérie, Tunisie, Maroc, Italie du Sud, Sicile, Grèce, Turquie, Liban, Syrie, Arabie Saoudite, Yémen, Oman.
Le taux de mortalité infantile parmi les enfants drépanocytaires est élevé en l'absence de prise en charge précoce.

Nouvelles données, nouvelle position

Cet avis fait suite à une alerte des cliniciens, des associations de patients et du Défenseur des droits, ayant conduit la direction générale de la Santé (DGS) à saisir la HAS en 2018 ; la demande portait sur la pertinence de maintenir un dépistage ciblé de la drépanocytose ou de le généraliser.

Tenant compte des nouvelles données épidémiologiques françaises sur cette maladie génétique, des données de morbi-mortalité en l'absence de prise en charge précoce, ainsi que du retour d'expérience des pays réalisant un dépistage chez tous les nouveau-nés, la position de la HAS a évolué depuis les dernières recommandations émises en 2014.

Les arguments démontrant les limites du dépistage ciblé, et en faveur d'un dépistage généralisé, sont les suivants : 

  • une maladie de plus en plus fréquente : la drépanocytose est la maladie la plus fréquente parmi celles dépistées à la naissance. Elle est la seule maladie dépistée à la naissance dont l'incidence augmente régulièrement, pour atteindre 1 nouveau-né sur 1 323 en France en 2020. Au total, 557 cas ont été dépistés en 2020 contre 412 en 2010 ;
  • une forte morbidité faute de prise en charge précoce (cf. paragraphe suivant) ;
  • un dépistage hétérogène : actuellement le dépistage est hétérogène en France. Alors que la drépanocytose est présente sur l'ensemble du territoire, le dépistage est particulièrement suivi en Île-de-France (75,9 % des nouveau-nés dépistés), alors que le taux de dépistage tombe à moins de 50 % dans d'autres régions ;
  • des erreurs de ciblages et un risque d'échapper au dépistage : des difficultés d'application des règles de ciblage actuelles sont rapportées par les professionnels de santé. Elles exposent à un risque de non dépistage, à l'origine d'une prise en charge tardive et d'une perte de chance élevée.

La position de la HAS en faveur d'un dépistage chez tous les nouveau-nés est partagée par l'ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre la drépanocytose. En outre, comme le souligne le Défenseur des droits, la généralisation du dépistage efface tout « risque de stigmatisation au sein de la population des nouveau-nés et de leurs parents »

La HAS note par ailleurs que tous les autres pays européens pratiquant un dépistage de la drépanocytose et les États-Unis ont intégré un dépistage en mode universel. 

Un test de dépistage fiable 

Les tests majoritairement pratiqués reposent sur les méthodes d'électrophorèse capillaire et de chromatographie en phase liquide de haute performance. Ils permettent de rechercher de l'hémoglobine anormale.

« Le test de dépistage utilisé est très performant, et aucun faux-positif n'a été signalé en vingt ans », souligne la HAS. Certains faux-négatifs ont été rapportés, notamment chez des nouveau-nés prématurés. Néanmoins, les résultats accumulés au cours des dernières années témoignent du haut niveau de sensibilité et de spécificité de ce test à la naissance.

Le dépistage pour garantir une prise en charge précoce

La prise en charge précoce vise à éviter les complications potentiellement fatales associées à la drépanocytose, dont les infections (notamment les septicémies à Streptococcus pneumoniae) ou les maladies cardiovasculaires. La drépanocytose est la première cause d'accident vasculaire cérébral chez l'enfant. De même, « la première cause de décès chez l'enfant drépanocytaire de moins de 5 ans est liée aux infections, dont le pneumocoque est le premier agent causal », souligne la HAS.

Dans son avis, la HAS cite notamment les résultats d'une étude observationnelle de 2017, menée en Belgique [3] ; ils démontrent que la survie est plus élevée et le taux d'hospitalisation réduit chez les nouveau-nés dépistés à la naissance. 

La prise en charge des enfants drépanocytaires implique notamment des mesures de prévention, notamment la vaccination anti-pneumococcique pour réduire le risque d'infection.

Une généralisation supportable en coût et en termes d'organisation

Enfin, la HAS estime :

  • qu'une généralisation du dépistage néonatal de la drépanocytose serait moins coûteux que la prise en charge des complications développées par des patients non dépistés ;
  • que l'organisation de la filière est en mesure d'absorber la montée en charge du nombre de tests de dépistage.

Il revient maintenant à la DGS de confirmer la généralisation du dépistage néonatal de la drépanocytose et d'en préciser les modalités en termes d'organisation et de réalisation.

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