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Un guide pratique sur la prise en charge active de la maladie rénale chronique au stade 5

Un traitement conservateur de la maladie rénale chronique avancée, sans dialyse, est possible. Un guide publié par la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation détaille les modalités de cette prise en charge active.

Isabelle Hoppenot 15 septembre 2022 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Une autre option thérapeutique que la dialyse.

Une autre option thérapeutique que la dialyse.

Résumé

La dialyse n’est pas toujours la meilleure stratégie de prise en charge de la maladie rénale chronique (MRC) aux stades avancés. Depuis la publication d’un consensus par le réseau KDIGO (Kidney disease : improving global outcomes) en 2015, le traitement conservateur de la MRC au stade 5 représente une option thérapeutique au même titre que la dialyse et la transplantation.

Un guide pratique publié récemment par la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT) vise notamment à offrir une aide concrète aux équipes soignantes et à homogénéiser les pratiques.

Ce document très complet, qui ne constitue pas des recommandations opposables, devrait permettre de mieux diffuser les connaissances sur les modalités de cette prise en charge active, qui n’est pas un retrait thérapeutique. 

Historiquement, lors de son développement au début des années 1970, la dialyse n’était proposée qu’aux patients jeunes. Puis, avec le temps, le recours à cette modalité de prise en charge de la maladie rénale chronique (MRC) aux stades avancés s’est élargi à des patients de plus en plus âgés, qui sont désormais parfois âgés de 80 ans et plus lors de l’initiation de la dialyse, ou de plus en plus fragiles.

Certes, la dialyse permet d’augmenter l’espérance de vie, mais au prix de nombreuses journées passées en milieu hospitalier, ce qui n’est pas toujours bénéfique sur le plan de la qualité de vie, comme l’ont souligné différentes études menées dans ce contexte.

La dialyse, longtemps considérée comme « magique », n’est ainsi pas la solution idéale pour tous les patients et, depuis quelques années, les équipes de néphrologie ont développé des protocoles de traitement dit conservateur, anglicisme qui ne reflète pas parfaitement le caractère actif de cette prise en charge, mais qui est communément utilisé.

Dans sa publication en 2015, le réseau KDIGO (Kidney disease : improving global outcomes) [1] a placé ce traitement conservateur de la MRC au stade 5 au même niveau que la dialyse et la transplantation rénale, mais ses modalités pratiques restaient jusqu’alors hétérogènes.

Un constat qui a conduit la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT) à élaborer, à partir d’une analyse rigoureuse de la littérature, un guide pratique sur le traitement conservateur de la MRC stade 5 [2].

Quels sont les points abordés par ce guide ?

Ce guide, qui ne constitue pas des recommandations opposables, a été rédigé dans un souci de clarté sous forme de questions/réponses. Il traite de la prise en charge active de la MRC au stade 5 sans recours à la suppléance, et donc du « non démarrage » d’une dialyse et non pas de son arrêt. Il ne s’agit pas de soins palliatifs, ni d’un traitement uniquement symptomatique, mais d’une prise en charge qui vise à prévenir et traiter les complications, notamment les symptômes urémiques tels que dégoût de la nourriture, asthénie profonde, prurit, crampes, etc., parallèlement à un accompagnement global du patient et de ses proches.

Elle se fonde en particulier sur :

  • un ajustement de la posologie des médicaments ;
  • une réduction de la polymédication ;
  • une prise en charge nutritionnelle ;
  • une évaluation gériatrique ;
  • et un accompagnement psychosocial.

Quels sont les patients concernés ?

Cette « prise en charge de la MRC au stade 5 sans suppléance envisagée », appellation proposée pour les échanges entre professionnels de santé, s’adresse aux patients ayant une MRC de stade 5 (DFGe <15 mL/min/1,73 m2), mais l’existence de cette option est idéalement abordée aux stades antérieurs de la maladie, par exemple lorsque le DFGe devient inférieur à 20 mL/min/1,73 m2

Il n’y a pas d’âge au-delà duquel cette prise en charge serait considérée comme prioritaire, ni d’âge en deçà duquel elle ne serait pas envisagée, même si elle s’adresse fréquemment à des personnes âgées souffrant de comorbidités. Il s’agit d’une option de traitement qui doit être discutée au même titre que les autres. Mais bien sûr, selon les recommandations KDIGO de 2015, le traitement conservateur est a priori plutôt indiqué chez les patients ayant une espérance de vie inférieure à 3 à 6 mois, en cas d’anticipation d’une intolérance à un traitement par dialyse, et chez les personnes faisant ce choix après une information complète et partagée.

Il s’agit dans tous les cas d’une décision médicale partagée, sur laquelle le patient peut revenir. Cependant, seuls de 10 à 15 % d'entre eux reviennent sur leur décision et choisissent dans un second temps de bénéficier d’une dialyse. 

Quelle est la durée de cette prise en charge ? 

Jusqu’alors, contre-indiquer la dialyse était associé dans l’inconscient collectif à un « arrêt de mort ». Ce traitement actif, préférablement dénommé pour les patients et les accompagnants « traitement de la maladie rénale avancée sans dialyse », est généralement mis en place pour une durée de plusieurs mois, voire d’un ou deux ans.

Il y a évidemment une part d’incertitude sur le pronostic, ce qui est particulièrement difficile à expliquer aux patients et qui souligne bien l’importance qui doit être accordée à la communication, point largement abordé dans ce guide. Des échanges continus entre patients, équipe soignante, famille et médecin généraliste sont essentiels. Les médecins généralistes doivent donc connaître la possibilité de cette option thérapeutique.

Cette prise en charge active nécessite des moyens de suivi à l’hôpital et en ville renforcés, qui sont facilités par le forfait MRC stades 4/5 [3] qui existe depuis fin 2019.

Quels sont les symptômes pris en compte et les grandes lignes de leur traitement ?  

Le guide liste les symptômes les plus fréquents, avec pour chacun des propositions d’outils d’évaluation et de modalités de prise en charge.  

  • Le prurit, à rechercher à l’interrogatoire, affecte environ 40 % des patients. Il est sévère dans 20 % des cas, avec un impact pouvant être important sur la qualité de vie, le sommeil et le risque de troubles dépressifs. Les traitements locaux (émollients) sont à privilégier. Parmi les traitements généraux qui ont le plus fait leurs preuves : les gabapentinoïdes (gabapentine et prégabaline) et le montelukast
  • Le syndrome des jambes sans repos, lui aussi très fréquent aux stades avancés de la MRC, retentit souvent sur le sommeil. L’éviction des stimulants et la pratique d’un exercice physique aérobie diurne sont conseillées. La prise en charge pharmacologique se fonde sur la recherche et le traitement d’une carence martiale. Agonistes de la dopamine et gabapentine sont également proposés. 
  • Les troubles du sommeil peuvent être évalués quantitativement au moyen de questionnaires comme l’Index de qualité du sommeil de Pittsburgh (IQSP). Leur prise en charge doit tenir compte des différents symptômes qui peuvent avoir un impact délétère. Elle se fonde sinon surtout sur les mesures d’hygiène du sommeil ; le recours aux traitements médicamenteux doit être limité.
  • Les nausées et vomissements font partie du syndrome urémique, conséquence de l’urémie chronique, et sont souvent associés à une anorexie voire une dénutrition. L’évaluation diététique est importante et fait partie intégrante de la prise en charge multidisciplinaire de ces patients. Pharmacologiquement, il est fait appel en première ligne à l’ondansétron
  • Les douleurs sont fréquentes, souvent d’origine musculo-squelettique, et doivent être réévaluées régulièrement. Les mesures non pharmacologiques (kinésithérapie, massages, etc.) sont essentielles. En cas de recours à un traitement pharmacologique, les formes locales sont privilégiées. Fatigue, anxiété et dépression sont également détaillées dans le guide.

Comment ce guide a-t-il été accueilli ? 

Le document a beaucoup circulé depuis sa publication et il est très apprécié des praticiens qui se sentent épaulés face à un sujet complexe. Il a également été lu par de nombreux malades dont certains ont été soulagés que cette option de prise en charge soit mieux diffusée, et reconnaissants que leur décision ait été prise en compte. Deux patients faisaient d’ailleurs partie du groupe de travail.

D'après un entretien avec le Pr Luc Frimat, membre du groupe de travail de la SFNDT et coauteur correspondant de la publication, chef du service de néphrologie au CHRU Nancy-Brabois.

©vidal.fr

 

Sources

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