La fibromyalgie se caractérise par des douleurs diffuses touchant au moins quatre des cinq régions du corps (illustration).
Résumé
Individualisées depuis seulement quelques années par l'Association internationale d'étude de la douleur (IASP), les douleurs nociplastiques, dont fait partie la fibromyalgie, découlent d'une altération de la nociception, sans stimulation des nocicepteurs périphériques ni atteinte nerveuse.
Qu'elles soient isolées, comme dans la fibromyalgie, ou associées à des douleurs nociceptives, comme dans certaines pathologies rhumatismales, elles doivent être reconnues afin d'éviter une errance médicale délétère et de conduire à une prise en charge adaptée, non médicamenteuse en première intention.
Individualisées depuis seulement quelques années par l'Association internationale d'étude de la douleur (IASP), les douleurs nociplastiques, dont fait partie la fibromyalgie, découlent d'une altération de la nociception, sans stimulation des nocicepteurs périphériques ni atteinte nerveuse.
Qu'elles soient isolées, comme dans la fibromyalgie, ou associées à des douleurs nociceptives, comme dans certaines pathologies rhumatismales, elles doivent être reconnues afin d'éviter une errance médicale délétère et de conduire à une prise en charge adaptée, non médicamenteuse en première intention.
L'Association internationale d'étude de la douleur (International Association for the Study of Pain [IASP]) a, pendant longtemps, distingué deux types de douleurs :
- les douleurs nociceptives, liées à la stimulation de fibres sensitives périphériques par une lésion périphérique quelle qu'elle soit ;
- et les douleurs neuropathiques, liées à une lésion ou une maladie bien individualisée du système nerveux périphérique ou central. Le diagnostic de douleur neuropathique ne peut ainsi être porté que si le diagnostic étiologique est posé, qu'il s'agisse, par exemple, d'une douleur postzostérienne, d'une douleur secondaire à une neuropathie médicamenteuse ou diabétique.
Des douleurs du troisième type
Depuis 2016, et l'actualisation de sa classification des douleurs, l'IASP reconnaît un troisième type de douleurs [1] : les douleurs nociplastiques.
Cette entité définit les douleurs liées à une altération de la nociception, sans stimulation des fibres sensitives périphériques, ni maladie ou lésion évidente du système nerveux central ou périphérique. « Il s'agit d'une atteinte plus fonctionnelle, qui découlerait d'une réponse exagérée aux stimuli douloureux au niveau de la corne postérieure de la moelle et au niveau cérébral avec une altération des contrôles inhibiteurs de la douleur, autrement nommée sensibilisation centrale », précise le Pr Pascale Vergne-Salle, médecin rhumatologue qui exerce au sein du Centre de la douleur chronique au CHU de Limoges.
À distinguer des douleurs neuropathiques
Ces douleurs nociplastiques ont une sémiologie proche des douleurs neuropathiques. Elles sont certes diffuses, mais elles sont à type de brûlures, d'allodynie ou encore d'hyperalgésie.
Elles peuvent être isolées, comme dans la fibromyalgie, ou associées à des douleurs d'un autre type, notamment nociceptives, chez des patients atteints d'un rhumatisme inflammatoire ou d'une arthrose. Une douleur de type nociceptif peut d'ailleurs évoluer vers une douleur nociplastique, même en cas de contrôle de la pathologie initiale. Ce type d'évolution se rencontre notamment dans les spondylarthropathies (SA), certains patients se plaignant de la persistance de douleurs diffuses malgré un traitement efficace de la SA.
L'impact des douleurs nociplastiques, dont la prévalence est mal connue, mais qui toucheraient de 20 à 30 % des patients ayant un rhumatisme inflammatoire, peut être très important sur la qualité de vie et sur le plan fonctionnel. Ces douleurs peuvent en particulier perturber l'évaluation de l'activité du rhumatisme inflammatoire.
Il est donc essentiel de reconnaître cet état de « sensibilisation centrale », de survenue progressive et pouvant toucher les patients à des degrés variables, sans qu'ils ne présentent un tableau clinique de fibromyalgie, selon un continuum décrit par les Anglo-Saxons par le terme fibromyalgianess.
Rechercher des symptômes associés
Ainsi, face à une personne rapportant des douleurs de type nociplastique, il faut s'attacher à rechercher d'autres symptômes fréquemment associés : fatigue, troubles du sommeil, douleurs abdominales, céphalées, anxiété, dépression, troubles cognitifs comme la kinésiophobie, le catastrophisme, etc.
En pratique, à côté de l'interrogatoire minutieux, les praticiens peuvent avoir recours à l'échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression scale) [2] pour dépister d'éventuels troubles anxieux et dépressifs, et au questionnaire FiRST (Fibromyalgia Rapid Screening Tool) [3], outil de dépistage rapide de la fibromyalgie.
La fibromyalgie : un diagnostic clinique
Pour rappel, la fibromyalgie se caractérise par la présence de douleurs diffuses associée à d'autres troubles, tels que troubles du sommeil, fatigue généralisée, anxiété, dépression, troubles cognitifs...
Son diagnostic se fonde sur les critères du Collège américain de rhumatologie (American College of Rheumatology [ACR]) qui ont été révisés en 2016 [4].
Dans ces critères, le prérequis est la présence de douleurs diffuses touchant au moins 4 des 5 régions du corps (2 membres supérieurs, 2 membres inférieurs, rachis). Les critères ACR incluent un score de douleurs diffuses (Widespread Pain Index [WPI]) et un score de sévérité des symptômes associés à la douleur (Severity Symptom Scale [SSS]).
« Les critères ACR de 2016 n'excluent pas une pathologie douloureuse de mécanisme nociceptif associée comme un rhumatisme inflammatoire puisqu'il existe des associations douleur nociceptive et fibromyalgie. En revanche, devant un patient ayant un tableau douloureux évoquant une fibromyalgie sans autre pathologie diagnostiquée, il y a une étape de diagnostic différentiel avec un bilan clinique et complémentaire minimal pour rechercher un rhumatisme inflammatoire, une pathologie endocrinienne, des douleurs iatrogènes, etc., souligne le Pr Vergne-Salle. La présence de rachialgies inflammatoires, d'une douleur fessière, d'une talalgie, par exemple, doit faire adresser le patient au rhumatologue. »
Il n'y a pas de marqueur biologique de la fibromyalgie et seul un bilan standard pour le diagnostic différentiel est de mise en cas de suspicion de fibromyalgie. Au moindre doute, par exemple face à une polyarthralgie, un avis spécialisé est préconisé.
Pas de médicaments en première intention
Reconnaître la douleur et en expliquer les mécanismes - « un dysfonctionnement des voies de la douleur » - fait partie intégrante de la prise en charge des patients.
Les recommandations de la Ligue européenne contre les rhumatismes (EUropean League Against Rheusmatism [EULAR]) [5] concernant la prise en charge de la fibromyalgie, mises à jour en 2017, soulignent l'importance d'une approche personnalisée, multidisciplinaire, faisant appel en première intention aux stratégies non médicamenteuses.
La pratique d'une activité physique adaptée a fait la preuve de son efficacité sur la douleur et le handicap fonctionnel, à l'origine d'une recommandation forte de l'EULAR. D'autres approches sont proposées, même si le niveau de preuves est moindre, en grande partie en raison de la difficulté à réaliser des études versus placebo : balnéothérapie, acupuncture, yoga, tai-chi, qi gong, neurostimulation transcutanée, etc.
L'éducation thérapeutique, débutée dès le diagnostic, a aussi une place majeure : compréhension des symptômes et de leur mécanisme, motivation pour favoriser l'observance aux différentes mesures et gagner en autonomie.
Les douleurs nociplastiques associées à des douleurs nociceptives relèvent, outre la prise en charge classique de la pathologie rhumatismale, de la même approche.
Que faire en cas d'échec des mesures non médicamenteuses ?
L'échec de ces approches de première intention conduit à une réévaluation et à orienter la prise en charge en fonction des symptômes.
En cas d'anxiété, de troubles cognitifs, des thérapies psycho-comportementales sont proposées (thérapie cognitive et comportementale, méditation, relaxation, etc.). L'observance joue un rôle important dans l'efficacité de ces techniques, qui peuvent être initiées par un professionnel, puis poursuivies par le patient seul.
En cas de syndrome dépressif caractérisé, un traitement par antidépresseur peut être envisagé, en faisant appel aux tricycliques ou à certains antidépresseurs mixtes inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Une prise en charge auprès d'un psychologue, voire d'un psychiatre peut être nécessaire.
Les experts de l'EULAR donnent également une place à certains anti-épileptiques chez les patients souffrant de douleurs et/ou de troubles du sommeil sévères, insuffisamment améliorés par les mesures non médicamenteuses.
« Il ne faut pas hésiter à adresser le patient à un centre de la douleur en cas de fibromyalgie marquée par un fort retentissement fonctionnel, afin qu'il puisse bénéficier d'une prise en charge multidisciplinaire », conclut le Pr Vergne-Salle.
D'après un entretien avec le Pr Pascale Vergne-Salle, service de rhumatologie, Centre de la douleur, CHU, Limoges.
©vidal.fr
Pour en savoir plus
[1] IASP Terminology
[2] Échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression scale).
[3] Questionnaire FiRST (Fibromyalgia Rapid Screening Tool).
[4] Wolfe F et al. 2016 Revisions to the 2010/2011 fibromyalgia diagnostic criteria, Sem Arthritis Rheum, 2016; 46(3): 319-329.
[5] Macfarlane GJ et al. EULAR revised recommendations for the management of fibromyalgia. An Rheum Dis., 2017; 76: 318-328.
Sources
Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Commentaires
Cliquez ici pour revenir à l'accueil.