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Variole du singe : stratégie et options thérapeutiques

Dans un avis du 25 mai 2022, le Haut Conseil de Santé publique (HCSP) précise les médicaments pouvant être utilisés en cas d'infection à virus Monkeypox et propose une stratégie thérapeutique autour d'un cas suspect probable ou confirmé.
David Paitraud 02 juin 2022 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Si le choix d'un traitement spécifique contre le virus Monkeypox est retenu, la décision doit être prise au cas par cas et de façon collégiale (illustration).

Si le choix d'un traitement spécifique contre le virus Monkeypox est retenu, la décision doit être prise au cas par cas et de façon collégiale (illustration).

 
Résumé
Dans un avis validé le 24 mai 2022, le Haut Conseil de Santé publique (HCSP) présente les différentes options médicamenteuses contre l'infection à virus Monkeypox : 
  • antiviraux : tecovirimat (AMM européenne, médicament non commercialisé en France), brincidofovir (AMM américaine), cidofovir (proposé en France dans le cadre d'une autorisation d'accès compassionnel) ;
  • immunoglobulines humaines anti-vaccine.

Tenant compte des atouts et inconvénients de chaque médicament, le HCSP propose une stratégie thérapeutique selon laquelle : 
  • il n'est pas recommandé de traiter systématiquement tous les cas confirmés de variole du singe avec un antiviral ou des immunoglobulines ;
  • le choix de recourir à un traitement spécifique par antiviral ou immunoglobuline doit être discuté et décidé de façon collégiale ;
  • si le choix porte sur un traitement antiviral, le tecovirimat doit être utilisé en première intention ;
  • les immunoglobulines humaines anti-vaccine sont à réserver pour des populations particulières, lorsque les antiviraux ne sont pas envisageables (grossesse, enfants de moins de 13 kg). 

En complément de la définition des cas d'infections à virus Monkeypox (cf. notre article du 24 mai 2022, actualisé le 30 mai et le 1er juin), le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) a émis un avis relatif à la conduite à tenir autour d'un cas suspect, probable ou confirmé de variole du singe [12].

Cet avis se présente en deux parties. La première partie (qui fait l'objet de cet article) précise les options médicamenteuses disponibles dans le monde, et pouvant être utilisées en cas d'infection. Le HCSP propose également une stratégie thérapeutique  pour utiliser ces médicaments. 

La seconde partie de cet avis présente les mesures de précaution et de prévention à mettre en place dans le cadre de la prise en charge d'un éventuel cas suspect ou confirmé en établissement de santé (cf. Edit du 1er juin de notre article du 24 mai 2022). 

Infections à Monkeypox virus : quels médicaments ? 
Trois antiviraux : tecovirimat, brincidofovir, cidofovir
Trois antiviraux peuvent être utilisés chez des patients présentant une variole du singe : 
  • le tecovirimat : cet antiviral n'est pas commercialisé en France, mais il dispose d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne [3] octroyée sous circonstances exceptionnelles dans le traitement de la variole, de la variole du singe et de la vaccine, chez l'adulte et l'enfant pesant au moins 13 kg. Le tecovirimat agit en inhibant l'activité de la protéine VP37 des Orthopoxvirus. La spécialité TECOVIRIMAT SIGA se présente en gélule dosée à 200 mg de principe actif (il existe une forme intraveineuse autorisée aux États-Unis, chez l'enfant de moins de 3 ans). La posologie est de 200 mg/12 heures pour les patients de 13 kg à moins de 25 kg, 400 mg/12 heures pour les patients de 25 kg à moins de 40 kg, 600 mg/12 heures pour les patients de 40 kg et plus. Le traitement doit être instauré le plus tôt possible après le diagnostic, pendant une durée de 14 jours. En tant qu'inducteur enzymatique du CYP3A4 et du CYP2B6, le tecovirimat peut entraîner une diminution de l'effet de certains médicaments (médicaments substrats et à marge thérapeutique étroite). Des interactions médicamenteuses sont possibles avec le bupropion, le répaglinide, le voriconazole, la rilpivirine, le maraviroc, le midazolam, l'atorvastatine, le tacrolimus, la méthadone, le sildénafil, le darunavir, l'oméprazole, le lansoprazole, et le rabéprazole ;
  • le brincidofovir : il s'agit d'une prodrogue du cidofovir, qui offre l'avantage d'une meilleure tolérance rénale que le cidofovir. Cet antiviral dispose d'une AMM aux États-Unis (TEMBEXA du laboratoire Chimerix) dans le traitement de la variole (smallpox) chez l'adulte et l'enfant (y compris le nouveau-né). TEMBEXA est disponible sous forme de comprimé et de solution buvable ;
  • le cidofovir : jusqu'en 2014, cet antiviral disposait d'une AMM européenne et était commercialisé en France sous le nom VISTIDE 75 mg/mL solution à diluer pour perfusion dans le traitement de seconde ligne de la rétinite à cytomégalovirus (CMV). L'AMM a été retirée sur demande du laboratoire, principalement pour des raisons industrielles (cf. notre article du 2 septembre 2014). Néanmoins, le cidofovir est actuellement disponible en France dans le cadre d'autorisations d'accès compassionnel (AAC, ex-ATUn) [4] pour la prise en charge d'infections à adénovirus, BK virus, CMV, HSV ou HHV6, ainsi que dans le traitement de la papillomatose laryngée et/ou respiratoire basse réfractaire au traitement chirurgical. Il n'existe pas de données d'efficacité du cidofovir chez l'homme dans les infections à orthopoxvirus. Le profil de sécurité du cidofovir est marqué par une forte toxicité rénale (risque de tubulopathie avec syndrome de Fanconi) et hématologique (neutropénie) ainsi qu'un potentiel effet carcinogène, tératogène et reprotoxique.

Les immunoglobulines humaines anti-vaccine 
Les immunoglobulines humaines anti-vaccine (VIG) sont extraites de plasma humain de donneurs sélectionnés en bonne santé qui présentaient des taux élevés d'anticorps dirigés contre le virus de la vaccine.

Elles disposent d'une AMM uniquement aux États-Unis.

Stratégie thérapeutique recommandée : à quel moment et avec quel médicament traiter ?
En termes de stratégie thérapeutique, le HCSP recommande de recourir dans tous les cas à un traitement de support adapté au tableau clinique : traitement d'une fièvre mal tolérée, d'une encéphalite, d'un sepsis, d'une surinfection respiratoire ou cutanée bactérienne, etc.

Il n'est pas recommandé de traiter systématiquement tous les cas confirmés avec un antiviral ou des immunoglobulines.


Si le choix d'un traitement spécifique est retenu, par antiviral ou par immunoglobulines spécifiques, les recommandations sont les suivantes : 
  • prendre une décision au cas par cas, de façon collégiale (infectiologue référent, praticien prenant en charge le patient et le cas échéant l'ANSM et le CNR) en tenant compte du profil du patient, des contre-indications et des interactions associées au médicament, de la situation épidémiologique ;
  • utiliser le tecovirimat en première intention, du fait de sa disponibilité par voie orale et sa tolérance ;
  • utiliser le brincidofovir en deuxième intention, sous réserve de disponibilité, en raison de sa voie d'administration (voie orale) et de sa meilleure tolérance que le cidofovir ;
  • utiliser le cidofovir en troisième intention, en raison des inconvénients : voie injectable, forte toxicité rénale et hématologique ainsi qu'un potentiel effet carcinogène, tératogène et reprotoxique ;
  • réserver les VIG pour des populations particulières, lorsque les antiviraux ne peuvent pas être utilisés : femmes enceintes, jeunes enfants avec poids de moins de 13 kg.

Pour aller plus loin
[1] Conduite à tenir autour d'un cas suspect, probable ou confirmé d'infection à Monkeypox virus (HCSP, 25 mai 2022)
[2] Avis du HCSP relatif à la conduite à tenir autour d'un cas suspect, probable ou confirmé d'infection à Monkeypox virus (HCSP, 24 mai 2022)
[3] Résumé des caractéristiques (RCP) de TECOVIRIMAT SIGA 200 mg gélules (EMA, 28 janvier 2022)
[4] Fiche AAC (ex-ATUn) du cidofovir (ANSM, 2 juin 2022)

 

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