#Santé publique #COVID-19

COVID-19 grave : quel risque résiduel après primo-vaccination complète ?

Dans une nouvelle étude menée à partir de données françaises, le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE a évalué le risque résiduel de forme grave de COVID-19 au sein de la population primo-vaccinée. Les principaux facteurs identifiés sont l'âge élevé, l'immunosuppression ou le cumul de comorbidités.  
David Paitraud 15 février 2022 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Un total de 28 031 641 personnes avec un schéma vaccinal complet au 31 juillet 2021 ont été incluses et suivies pendant en moyenne 80 jours dans cette nouvelle étude EPI-PHARE (illustration).

Un total de 28 031 641 personnes avec un schéma vaccinal complet au 31 juillet 2021 ont été incluses et suivies pendant en moyenne 80 jours dans cette nouvelle étude EPI-PHARE (illustration).

 
Résumé
Le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE a publié une nouvelle étude qui, sur la base des données pharmaco-épidémiologiques françaises, a analysé le risque résiduel de COVID grave (décès, hospitalisation) rapporté dans la population ayant eu un schéma de primo-vaccination complet (28 millions de personnes fin juillet 2021) avec les vaccins COMIRNATY 30 µg/doseSPIKEVAX ou VAXZEVRIA, hors dose de rappel. 

Selon les résultats de cette étude, les principaux facteurs associés à un risque résiduel de COVID grave sont : 
  • l'âge élevé ;
  • le sexe et le niveau social (ville de résidence) ;
  • la prise d'immunosuppresseurs ou de corticoïdes oraux ;
  • le cumul de comorbidités.

Le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE (Assurance maladie et ANSM), a publié une nouvelle étude pharmaco-épidémiologique relative à la COVID-19, dont l'objectif a été d'identifier les caractéristiques sociodémographiques et médicales associées au risque d'hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 en France après un schéma vaccinal complet fin juillet 2021 (deux doses de vaccin ou un épisode de covid avec une dose de vaccin).

Dans cette étude réalisée à partir des données françaises (cf. Encadré ci-dessous), les auteurs ont désigné sous le terme de « risque résiduel » le risque de développer une forme sévère de la COVID-19 malgré une primo-vaccination complète. Les formes sévères correspondent aux infections par le SARS-CoV-2 conduisant à une hospitalisation ou au décès. 

Encadré - Étude EPI-PHARE sur le risque résiduel de forme sévère de COVID-19 : description de la population étudiée et méthodologie
  • Sources des données analysées : base nationale de vaccination COVID-19 VAC-SI, système national des données de santé (SNDS – données exhaustives de remboursement et d'hospitalisation en France).
  • Période couverte  par l'étude : du 1er janvier au 31 juillet 2021.
  • Population incluse dans l'étude : intégralité de la population française avec un schéma vaccinal complet (2 doses de vaccin ou une infection à COVID-19 et une dose de vaccin), soit 28 millions de personnes. Le suivi débutait à partir du 14e jour après la 2e  injection, ou du 14e jour après la 1re injection pour les personnes ayant été préalablement testées positives ou hospitalisées pour COVID-19.
  • Vaccins utilisés : COMIRNATY 30 µg/dose, SPIKEVAX ou VAXZEVRIA.
  • Modèle mathématique utilisé pour estimer les Hasards Ratios ajustés (HRa) d'hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 : modèles de Cox.

Une protection vaccinale réduite en présence de certains facteurs
Dans cette nouvelle étude, les auteurs notent en premier lieu que la fréquence des cas d'hospitalisation et de décès pour COVID-19 survenus sur la période de suivi à l'échelle de l'ensemble des personnes vaccinées en France au 31 juillet 2021 est très faible.

S'agissant du risque résiduel de forme grave de COVID-19 après un schéma vaccinal complet, celui-ci apparaît fortement lié aux facteurs suivants :
  • âge élevé ;
  • sexe masculin ;
  • la prise de traitements immunosuppresseurs ou corticoïdes oraux ; 
  • la présence de plusieurs comorbidités.

L'âge élevé
Selon les données recueillies en population française, l'âge élevé expose à un risque résiduel de forme sévère de COVID-19 :
  • risque d'hospitalisation multiplié par 4 pour les personnes vaccinées âgées de 85 à 89 ans  (HRa 4,0 [3,5- 4,7])par rapport aux personnes vaccinées de 45 à 54 ans ;
  • risque de décès multiplié par 38 (HRa 38,0 [19,2- 75,2])par rapport aux personnes vaccinées de 45 à 54 ans.

Le sexe masculin et le niveau de défavorisation sociale
Le sexe masculin et le niveau de défavorisation sociale (lieu de résidence situé dans les communes les plus défavorisées) sont également des facteurs de risque résiduel identifiés : 
  • sexe : risque d'hospitalisation et risque de décès respectivement 1,6 fois (HRa 1,6 [1,5-1,7]) et 2 fois plus élevé (HRa 2,0 [1,7-2,3]) pour les hommes vaccinés, par rapport aux femmes vaccinées ; 
  • niveau de défavorisation sociale : risque d'hospitalisation et risque de décès des personnes vivant dans une commune défavorisée respectivement 1,3 fois plus élevé (HRa 1,3 [1,2-1,4]) et 1,5 fois plus élevé (HRa 1,5 [1,2-1,9]), en comparaison aux personnes vivant dans les communes les plus favorisées.

Traitements par immunosuppresseur et corticoïdes oraux
Parmi les personnes vaccinées, le risque résiduel de forme grave de COVID-19 apparaît également fortement associé à la prise d'immunosuppresseurs et de corticoïdes oraux :
  • immunosuppresseurs (au moins 2 délivrances dans les 3 mois précédant la vaccination complète - classe ATC L04) : risques d'hospitalisation et de décès respectivement multipliés par 3,3 (HRa [2,8-3,8]) et par 2,4 (HRa [1,7-3,5]) ;
  • corticoïdes oraux (au moins 4 délivrances dans les 6 mois précédant la vaccination complète - fludrocortisone, bétaméthasone, dexaméthasone, hydrocortisone, méthylprednisolone, prednisolone, prednisone) : risques d'hospitalisation et de décès respectivement multipliés par 2,8 (HRa [2,5-3,1]) et 4,1 (HRa [3,3-5,1]).

Comorbidités : le risque résiduel s'accroît avec leur cumul
Le risque résiduel de forme grave de COVID-19 augmente :
  • en présence de certaines comorbidités : transplantation rénale ou du poumon, insuffisance rénale en dialyse, mucoviscidose, cancer actif du poumon, trisomie 21 et retard mental (cf. Tableau ci-dessous) ;
  • chez les personnes cumulant plusieurs comorbidités.

Tableau - Affections chroniques pour lesquelles le risque résiduel d'hospitalisation et de décès est le plus marqué
Affections chroniques Risque résiduel d'hospitalisation Risque résiduel de décès
Transplantation rénale HRa 32,1 [28,0-36,9] HRa 33,9 [24,2-47,4]) 
Transplantation du poumon HRa 13,7 [8,1-23,2]  HRa 11,4 [1,5-88,5])
Insuffisance rénale en dialyse HRa 7,0 [5,9-8,2] HRa 8,6 [6,3-11,7]
Mucoviscidose HRa 6,3 [3,4-11,7] HRa 9,6 [1,3-73,4]) 
Trisomie 21 HRa 3,9 [2,1- 7,3] HRa 45,1 [16,0-127,1])
Retard mental HRa 3,6 [2,5-5,0] HRa 3,1 [1,0-10,0]
Cancer actif du poumon HRa 3,5 [2,7-4,4] HRa 6,5 [4,2-10,0]

En l'absence de comorbidité identifiée, le risque résiduel d'hospitalisation pour COVID-19 après un schéma vaccinal complet est inférieur à 10 %.

Ce risque passe à :
  • 12 % en présence d'une comorbidité ; 
  • 16 % pour deux comorbidités ; 
  • 18 % pour trois comorbidités ; 
  • 16 % pour quatre comorbidités ;
  • 27 % pour cinq comorbidités ou plus.  
Après ajustement, les auteurs estiment que le risque résiduel d'hospitalisation, en comparaison aux personnes vaccinées sans comorbidité, est multiplié par :
  • 2, en présence d'une seule comorbidité (HRa 2,2 [2,0-2,5]) ;
  • 3, en présence de 2 comorbidités (HRa 3,8 [3,4- 4,3]) ;
  • 5, en présence de 3 comorbidités (HRa 5,4 [4,8-6,1]) ;
  • 7, en présence de 4 comorbidités (HRa 7,8 [6,9-8,9]) ;
  • 13, en présence de 5 comorbidités (HRa 13,8 [12,2-15,6]).
Concernant le risque résiduel de décès suite à une infection COVID-19, il passe de 2 % chez les personnes vaccinées sans comorbidité, à 39 % chez les personnes vaccinées avec 5 comorbidités ou plus (7 % pour 1 comorbidité, 14 % pour 2 comorbidités, 19 % pour 3 et 4 comorbidités). 

Conclusions : recourir aux autres moyens de protection pour réduire le risque résiduel

Les résultats de cette étude soulignent l'importance d'associer à la vaccination les mesures de protection chez des personnes présentant un facteur de risque résiduel de forme sévère de COVID-19 :
  • les mesures barrières : distanciation physique, port du masque, aération ;
  • les mesures prophylactiques, notamment avec les anticorps monoclonaux disponibles, et selon la procédure recommandée (cf. notre article du 6 décembre 2021).
Le schéma vaccinal avec la dose de rappel n'est pas pris en compte dans cette étude dont la période couvre les données jusqu'au 31 juillet 2021 (la campagne de rappel a commencé en France en septembre 2021). L'impact du rappel vaccinal sur le risque résiduel fera l'objet d'une nouvelle étude EPI-PHARE. 

Enfin, l'étude porte sur une période où le variant Delta était prédominant (premier semestre 2021), « ce qui peut poser la question de la généralisabilité des résultats à d'autres périodes temporelles où d'autres variants seraient majoritaires », préviennent les auteurs. 


Pour aller plus loin
Caractéristiques associées au risque résiduel de forme sévère de Covid-19 après un schéma vaccinal complet en France (ANSM, 11 février 2022).

Caractéristiques associées au risque résiduel de forme sévère de COVID-19 après un schéma vaccinal complet en France (EPI-PHARE, 11 février 2022).

Rapport sur les caractéristiques associées au risque résiduel de forme sévère de COVID-19 après un schéma vaccinal complet en France (EPI-PHARE, février 2022).

 

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