L'intérêt du dépistage d'une DICS à la naissance est conditionné par la rapidité de la prise en charge de l'enfant avant la survenue d'infections, notamment les infections à cytomégalovirus (illustration).
La Haute Autorité de santé (HAS) recommande d'étendre le dépistage néonatal au déficit immunitaire combiné sévère (DICS), en population générale.
Le DICS est un groupe de maladies rares et graves, caractérisées par un déficit de l'immunité cellulaire et humorale (déficit immunitaire combiné). Le risque de décès par infection est élevé dès la première année de vie. Le traitement repose essentiellement sur la greffe de cellules souches hématopoïétiques.
Le dépistage repose sur un test de quantification des T-cell receptor excision circles (TRECs), réalisé à partir d'une goutte de sang séchée sur papier buvard ; cette technique de dépistage reconnue et validée permet de détecter une lymphopénie T profonde. Une confirmation de la lymphopénie par cytométrie de flux est nécessaire.
La gravité de cette maladie, l'existence d'un test de dépistage et d'un traitement de référence représentent des arguments pour inscrire le DICS sur la liste des maladies rares faisant l'objet d'un dépistage néonatal. Cependant, la HAS soumet cette recommandation à plusieurs conditions :
- la mise en œuvre d'un programme national permettant de débuter la prise en charge médicale rapidement après la naissance, et la réalisation d'une greffe dans les deux premiers mois de la vie ;
- une évaluation obligatoire à cinq ans de la pertinence de ce dépistage, et des évaluations intermédiaires régulières pour ajuster si nécessaire la stratégie.
Saisie par la Direction générale de la Santé (DGS), la Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé d'étendre le dépistage néonatal (cf. Encadré 1) au déficit immunitaire combiné sévère (DICS), en population générale.
Encadré 1 - Dépistage néonatal : principe et liste des maladies concernées
Le programme national de dépistage néonatal vise à détecter précocement (à la naissance) des maladies graves de l'enfant afin de les prendre en charge rapidement (cf. Programme national de dépistage néonatal - Ministère de la Santé, 18 novembre 2021). Il est mis en œuvre dans chaque région par un centre régional de dépistage néonatal (CRDN - cf. Arrêté du 22 février 2018). Six maladies font l'objet d'un dépistage néonatal (novembre 2021), par tests biologiques sanguins :
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Il revient maintenant au ministre de la Santé d'entériner cette recommandation par arrêté ministériel.
Le déficit immunitaire combiné sévère (DICS) en synthèse
Le déficit immunitaire combiné sévère (DICS) est constitué d'un groupe de maladies génétiques très rares (environ 1 cas pour 60 000 naissances), mais très graves ; il engage le pronostic vital dès les premiers mois de vie (cf. Définition du DICS sur Orphanet).
Les maladies génétiques composant le DICS sont caractérisées par un déficit profond et combiné de l'immunité (immunité cellulaire liée aux lymphocytes T et immunité humorale liée aux anticorps).
Les nourrissons atteints de DICS ont un risque infectieux majoré ; la plupart des enfants atteints décèdent d'infections dans la première année de vie, malgré la mise en place de mesures prophylactiques (isolement en enceinte stérile, antibioprophylaxie, antiviraux, antifongiques).
Un dépistage pour un diagnostic précoce
Le diagnostic du DICS (généralement asymptomatique à la naissance) repose sur la mise en évidence d'une lymphopénie T profonde (< 1 500 lymphocytes T/µL voire < 300 si DICS typique).
Le dépistage repose sur le test de quantification des T-cell receptor excision circles (TRECs) à partir d'une goutte de sang séchée sur papier buvard (cf. Encadré 2). Il permet d'établir une lymphopénie profonde.
Tout test de dépistage TREC positif (< 21 copies TREC/µL) est suivi par un test de confirmation diagnostique par cytométrie de flux (technique permettant de compter et caractériser les lymphocytes T).
Si le diagnostic de lymphopénie T est confirmé, une étude génétique est réalisée pour identifier le type d'anomalie moléculaire.
Encadré 2 - Évaluation du test TRECs dans l'étude DEPISTREC et à l'étranger
L'étude pilote DEPISTREC est une étude française, menée par le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Nantes dans 48 maternités en France entre 2014 et 2017. Elle avait pour objectif d'évaluer l'intérêt du dépistage du DICS par le test de quantification des TRECs. La prévalence du DICS étant très faible, cette étude n'a pas permis de conclure ni sur le bénéfice clinique ni sur le bénéfice économique du dépistage du DICS à la naissance. D'autres données sont disponibles, issues des programmes de dépistage néonatal réalisés à l'étranger (Canada, États-Unis, autres pays européens). Les résultats sont présentés dans l'argumentaire de la HAS validé le 20 janvier 2022. |
La greffe de cellules souches hématopoïétiques : traitement de référence du DICS
Le traitement du DICS repose essentiellement sur la greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH). « Plus la greffe de CSH a lieu rapidement après la naissance, plus son efficacité est importante », souligne la HAS dans son argumentaire validé le 20 janvier 2022 (publié le 7 février 2022).
En attendant une greffe et un rétablissement du système immunitaire, la prise en charge est prophylactique pour éviter le risque d'infection (qui augmente avec l'âge du nourrisson).
Des arguments solides en faveur du dépistage néonatal du DICS
La HAS estime que « le dépistage du DICS à la naissance permettrait de réduire l'errance diagnostique des enfants atteints, de poser un diagnostic précoce et de mettre en place au plus vite une prise en charge appropriée ».
Elle justifie sa recommandation d'inscrire le dépistage du DICS au programme national de dépistage néonatal sur les arguments suivants :
- la gravité du déficit immunitaire combiné sévère ;
- l'enjeu vital du diagnostic précoce et de la prise en charge rapide avant la survenue d'infections ;
- l'existence d'un traitement de référence ;
- et la disponibilité d'un test de dépistage reconnu.
L'âge du nouveau-né (< 3,5 mois) au moment de la greffe et l'absence d'infections sont des facteurs pronostiques de survie globale identifiés.
L'intérêt du dépistage d'une DICS à la naissance est donc conditionné par la rapidité de la prise charge de l'enfant avant la survenue d'infections (notamment les infections à cytomégalovirus), ce qui implique une articulation optimale entre chaque service concerné (cf. Encadré 3) :
- pour transmettre les cartons/buvards de prélèvement sanguin aux centres régionaux de dépistage néonatal (CRDN) par les maternités ;
- pour poser un diagnostic rapide ;
- pour un accès rapide à la greffe, avec un objectif à deux mois de vie de l'enfant ;
- sur tout le territoire national, afin d'éviter des inégalités territoriales.
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Une évaluation à cinq ans, ponctuée d'évaluations intermédiaires
Outre cette condition d'organisation pour une prise en charge rapide du nourrisson, la HAS soumet sa recommandation à « une réévaluation à cinq ans, assortie d'évaluations intermédiaires régulières à prévoir en amont par les commissions épidémiologie et biologie du Centre national de coordination du dépistage néonatal (CNCDN) ».
L'objectif de cette réévaluation est de lever les incertitudes qui subsistent :
- sur les conséquences de la détection de faux positifs et de nombreuses lymphopénies T non DICS résultant du dépistage ;
- sur l'efficience du dépistage en l'absence de données françaises robustes ;
- sur la capacité de garantir, en France, une organisation optimale du dépistage permettant une greffe de CSH dans le bon délai.
- d'identifier et de corriger des inégalités territoriales ;
- d'ajuster les recommandations.
Pour aller plus loin
Communiqué de presse - La HAS propose l'extension du dépistage néonatal au déficit immunitaire combiné sévère (DICS) (HAS, 7 février 2022)
Évaluation a priori de l'extension du dépistage néonatal au déficit immunitaire combiné sévère par la technique de quantification des TRECs en population générale en France (HAS, 7 février 2022)
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