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Le virus d’Epstein-Barr (EBV) est un virus très commun, présent chez plus de 90 % de la population humaine adulte. L’infection initiale se fait le plus souvent par la salive, dans l’enfance ou l’adolescence. Le virus pénètre alors au niveau de l’oropharynx où il infecte des cellules épithéliales et les lymphocytes B locaux, avant de gagner ceux de tout l’organisme. L’infection peut alors se manifester par une mononucléose infectieuse, aussi appelée maladie du baiser, généralement bénigne et qui guérit spontanément. Elle peut aussi rester asymptomatique mais, dans tous les cas, le virus va persister dans les lymphocytes où son génome fait d’ADN se maintient sous forme d’épisome, sans s’intégrer à l’ADN cellulaire. Dans cet état, quelques gènes viraux continuent à s’exprimer et contribuent à l’apparition de cancers, lymphomes (dont lymphome de Burkitt et certains lymphomes de Hodgkin) et cancer du nasopharynx.
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune dans laquelle la myéline qui entoure les fibres nerveuses et permet la transmission de l’influx nerveux est attaquée par les cellules immunitaires et progressivement détruite. La SEP est le plus souvent diagnostiquée chez l’adulte jeune, plus fréquemment chez la femme que chez l’homme. En France, 2 500 nouveaux cas sont découverts chaque année et environ 100 000 personnes sont atteintes. On suspecte depuis longtemps un rôle de l’infection persistante par EBV dans l’apparition de la SEP, mais aucune confirmation n’avait jusqu’ici été apportée. L’étude qui vient d’être publiée par une équipe américaine nous apprend que la prévalence de EBV est significativement plus élevée chez les personnes qui présentent une SEP (1). Les chercheurs ont examiné une cohorte de plus de 10 millions de jeunes adultes, des militaires en activité, sur une période de 20 ans. Sur cette période, 955 cas de SEP ont été diagnostiqués. Il est apparu que le risque de SEP était multiplié par 32 après une infection par EBV, alors qu’aucune autre infection virale n’était associée à une augmentation du risque. Un seul des cas de SEP ne présentait pas d’anticorps anti-EBV lors du test effectué 3 mois avant le diagnostic. De plus, les niveaux sanguins d’un produit lié à la dégénérescence des fibres nerveuses, les chaines légères de neurofilaments, n’étaient augmentés que chez les sujets ayant été infectés par EBV.
Les chercheurs n’ont trouvé aucune explication possible à leurs constatations parmi les autres facteurs pouvant potentiellement contribuer au déclenchement de la SEP. En particulier, ils n’ont pas détecté chez ceux qui ont présenté la maladie d’anomalie de la réponse immunitaire pouvant à la fois expliquer la survenue de la SEP et faciliter, de façon indépendante, l’infection par EBV. Ils en concluent que EBV est sans doute un facteur principal de déclenchement de la SEP, même si la maladie reste rare relativement à la fréquence des infections. Le virus, qui reste présent, pourrait aussi être impliqué ensuite dans l’évolution de la maladie. Dès lors, des traitements antiviraux ou un vaccin contre EBV, visant à prévenir la mononucléose infectieuse, pourrait également protéger contre la survenue d’une SEP et peut-être en modifier l’évolution.
La mise au point d’un tel vaccin est difficile et aucun des projets menés dans d’autres laboratoires n’a abouti à un vaccin efficace (2). Les difficultés sont nombreuses, entre l’absence de modèle animal satisfaisant (EBV est un virus strictement humain) et la connaissance encore imparfaite de la biologie du virus et des mécanismes de l’infection. On s’attend d’autre part à devoir trouver des solutions et des formules différentes pour préparer un vaccin prophylactique destiné à empêcher l’infection et peut-être plusieurs vaccins thérapeutiques capables de traiter les maladies dans lesquelles le virus est impliqué. Alors que plusieurs tentatives ont utilisé des protéines virales isolées ou associées dans des pseudo-particules virales, Moderna a utilisé la technologie de l’ARN messager pour mettre au point un candidat vaccin dont l’essai de phase 1 a commencé. Le laboratoire mise sur la possibilité de faire exprimer par cet ARN quatre glycoprotéines de surface du virus impliquées dans l’infection des cellules, ce qui induirait une réponse immune large apte à empêcher cette infection et l’installation consécutive du virus.
Il conviendra bien-sûr de s’assurer que ces protéines ne jouent aucun rôle dans le déclenchement des cancers ou des mécanismes auto-immuns dont le virus est rendu responsable.
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