À partir du 16 mars 2022, tous les Français, sans discrimination de leur orientation sexuelle, pourront désormais donner leur sang (illustration).
Un arrêté publié au Journal officiel du 13 janvier 2022 actualise les critères de sélection des donneurs de sang. Ces nouveaux critères entreront en vigueur le 16 mars 2022.
Plusieurs modifications sont apportées par rapport à la version datant de 2019, parmi lesquelles :
- la suppression de la référence à l'orientation sexuelle pour tous les candidats au don du sang. Cette évolution permet de ne plus opposer le don du sang aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ;
- dans le questionnaire pré-don, l'ajout de deux questions relatives à la prise de traitements pré ou postexposition au VIH et la durée d'ajournement (4 mois) en cas de réponse positive ;
- la mise à jour des médicaments tératogènes contre-indiquant temporairement le don du sang. La liste compte 18 principes actifs et précise la durée d'ajournement à respecter.
L'arrêté du 11 janvier 2022 publié au Journal officiel du 13 janvier 2022 actualise les critères de sélection des donneurs de sang.
Plus précisément, ce texte met à jour les risques pour le receveur. Pour chaque risque ciblé, il définit :
- les situations à risque associées ;
- la conduite à tenir et les contre-indications.
L'orientation sexuelle n'est plus un critère de sélection
Une des évolutions marquantes de cette actualisation est la suppression de la référence à l'orientation sexuelle du candidat au don du sang.
Ce critère avait été introduit par la circulaire de la Direction générale de la Santé (DGS) du 20 juin 1983, qui excluait notamment le don de sang des personnes homosexuelles [hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH)] ou bisexuelles ayant des partenaires multiples. Cette contre-indication formelle a été allégée :
- en 2016 : contre-indication de 12 mois après le dernier rapport sexuel ;
- en 2019 : contre-indication de 4 mois après le dernier rapport sexuel.
Une décision qui prend appui sur la Loi de bioéthique
La décision du ministre de la Santé de supprimer la référence à l'orientation sexuelle dans le cadre du don du sang prend appui sur la Loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (cf. Encadré 1). Selon ce texte, l'orientation sexuelle ne peut pas être un critère d'exclusion du don du sang.
Encadré 1 - Article L.1211-6-1 du code de la Santé publique modifié par la Loi de bioéthique
Nul ne peut être exclu du don de sang en dehors de contre-indications médicales. Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle. Les critères de sélection des donneurs de sang sont définis par un arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ils ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement, notamment en ce qui concerne le sexe des partenaires avec lesquels les donneurs auraient entretenu des relations sexuelles, non justifiée par la nécessité de protéger le donneur ou le receveur. [...] |
Évaluation du risque résiduel de transmission du VIH dans le cadre du don du sang
La décision ministérielle de supprimer la référence à l'orientation sexuelle pour le don du sang repose également sur un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) mis en ligne le 11 janvier 2022.
Dans cet avis, le HCSP a pris en compte les données épidémiologiques de l'infection à VIH en France, en population générale et chez les donneurs de sang. Pour la période 2018-2020, le taux de prévalence du VIH est de 0,37 pour 10 000 nouveaux donneurs (31 cas confirmés positifs pour le VIH sur 840 000 nouveaux donneurs, sur cette période de 3 ans).
Cette prévalence est environ 110 fois plus faible que celle observée en population générale. Ce niveau faible s'explique par :
- une sélection des donneurs de sang ;
- et par une bonne connaissance de la séropositivité dans la population française (les personnes connaissant leur statut VIH ne viennent pas donner leur sang).
- 45 % ont été contaminés par des rapports sexuels entre hommes ;
- et 55 % par des rapports hétérosexuels.
Impact de la suppression des questions relatives à l'orientation sexuelle
Selon le HCSP, « même en supprimant les questions relatives à l'orientation sexuelle du candidat donneur ou de son partenaire (questions 43 et 44), le questionnaire pré-don permet d'éliminer a priori des facteurs de risque communs aux HSH, aux bisexuels et aux hétérosexuels, quelle que soit l'orientation de leurs pratiques sexuelles ».
Après suppression des questions relatives à l'orientation sexuelle, « le risque résiduel estimé de sélectionner un donneur infecté par le VIH serait multiplié au maximum par un facteur 1,5, mais resterait inférieur au risque résiduel calculé sur la période 2015-2017 (1/6 000 000 de dons) qui était déjà faible », conclut le HCSP.
Évolution du questionnaire pré-don : deux questions relatives à la PrEP et au TPE ajoutées
Les deux évolutions majeures
La révision des critères de sélection des donneurs de sang se traduit par deux évolutions majeures du questionnaire pré-don du sang :
- la suppression de la référence à l'orientation sexuelle, conformément aux critères actualisés de prévention de la transmission d'un agent infectieux par voie sexuelle (cf. Encadré 2) ;
- l'ajout d'une question relative à la prise de traitements pour prévenir l'infection à VIH, c'est-à-dire une prophylaxie préexposition (PrEP) ou une prophylaxie postexposition (PEP) (« Avez-vous pris un médicament pour prévenir l'infection à VIH tel que la PrEP ou la PEP dans les 4 derniers mois ? »). Ces traitements conduisent à un ajournement du candidat pour une durée de 4 mois à compter de la dernière prise du traitement.
Encadré 2 - Transmission d'un agent infectieux par voie sexuelle : modification du libellé des situations à risque, sans mention de l'orientation sexuelle (Arrêté du 11 janvier 2022)
Risque ciblé | Situation à risque | Conduite à tenir et contre-indication (CI) en fonction des réponses et de la situation à risque | |
Transmission d'un agent infectieux par voie sexuelle Candidat au don |
Risque d'exposition du candidat au don à un agent infectieux transmissible par voie sexuelle | Rapport(s) sexuel(s) avec plus d'un partenaire dans les 4 derniers mois | CI de 4 mois après la fin de la situation considérée |
Rapport(s) sexuels(s) en échange d'argent ou de drogue | CI de 12 mois après la fin de la situation considérée |
Évaluer la compréhension et l'acceptabilité des questions proposées dans le questionnaire pré-don
La révision des questions de ce questionnaire s'appuie sur deux enquêtes menées par le département de psychologie de l'université de Rennes 2, ayant évalué la compréhension de ces questions, la perception des risques qu'elles évoquent et leur acceptabilité par les donneurs et par le personnel de l'Établissement français du sang (médecins et infirmiers).
Les résultats de ces enquêtes sont décrits dans un rapport mis en ligne sur le site de l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM).
La première section de ces enquêtes concerne notamment la prophylaxie préexposition (PrEP) et le traitement postexposition (TPE ou PEP). Les participants devaient préciser un niveau de compréhension, de perception et d'acceptabilité des questions proposées :
- Clarté de la question ;
- Définition suffisante ;
- À l'aise pour répondre ;
- Gêne au point de ne plus revenir ;
- Utilité perçue.
De manière générale, concernant les questions renvoyant à la PrEP et au TPE :
- les donneurs participant à l'enquête ont trouvé les formulations des questions et les définitions les accompagnant claires, et ne se déclaraient pas mal à l'aise à l'idée de répondre à ces questions lors de l'entretien pré-don. Cette enquête révèle cependant une méconnaissance de ces traitements ;
- pour le personnel des EFS, les questions relatives aux traitements (PrEP et TPE) sont perçues comme étant relativement peu utiles.
Actualisation de la liste des médicaments tératogènes entraînant l'ajournement
L'arrêté du 11 janvier 2022 actualise également la liste des médicaments entraînant un ajournement des candidat au don du sang, et les durées d'ajournement associées.
Au total, 18 principes actifs tératogènes avérés sont concernés. Pour ces médicaments, les durées d'ajournement sont fixées entre 1 semaine (durée la plus courte) et 3 ans (durée la plus longue, pour l'acitrétine) après la dernière prise du médicament (cf. Tableau ci-après).
Médicament (dénomination commune internationale) | Durée d'ajournement après la dernière prise |
Acétazolamide | 1 semaine |
Acitrétine | 3 ans |
Alitrétinoïne | 1 mois |
Baclofène | 1 semaine |
Carbamazépine | 1 semaine |
Carbimazole | 1 semaine |
Danazol | 1 semaine |
Isotrétinoïne | 1 mois |
Lithium (sels de) | 1 semaine |
Méthimazole (thiamazol) | 1 semaine |
Méthotrexate | 1 semaine |
Modafinil | 1 semaine |
Mycophénolate mofetil (acide mycophénolique) | 6 semaines |
Raloxifène | 1 semaine |
Testostérone | 6 mois |
Thalidomide | 1 semaine |
Topiramate | 1 semaine |
Valpromide/ divalproate de sodium/ valproate de sodium/ acide valproïque | 1 semaine |
Pour aller plus loin
Arrêté du 11 janvier 2022 modifiant l'arrêté du 17 décembre 2019 fixant les critères de sélection des donneurs de sang (Journal officiel du 13 janvier 2022 - texte 36)
Évolution des conditions d'accès au don du sang (ANSM, 11 janvier 2022)
Rapport - évolution des conditions d'accès au don du sang (sur le site de l'ANSM, 11 janvier 2022)
Les critères changent et peuvent également dépendre de l'interprétation du médecin acceuillant les donneurs. J'ai une insuffisance mitrale non évolutive depuis longtemps. J'ai donné régulièrement sans souci particulier, et subitement je me suis fait définitivement bannir des dons à cause de cela.
Par contre, toujours rien pour l'évolution (enfin, la suppression) de l'exclusion "ad aeternam" pour les donneurs chez qui a été diagnostiquée une sarcoïdose bénigne il ya plusiuers années, et ne prenant aucun médicament !!!