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Après que des effets indésirables aient été observés, les personnes ayant reçu une première dose de vaccin Vaxzevria d'AstraZeneca se sont vues recommander dès le mois d'avril une deuxième injection utilisant un vaccin à ARN, Comirnaty de Pfizer-BioNTech ou Spikevax de Moderna (voir actualité du 22 mai 2021). Plus récemment, alors que plusieurs études ont mis en évidence une baisse progressive de l'immunité conférée par la primo-vaccination avec l'un ou l'autre des vaccins disponibles, de nombreux pays, dont la France, ont recommandé l'injection d'une dose de rappel (le plus souvent une troisième dose après les vaccins Vaxzevria, Comirnaty et Spikevax, ou une deuxième dose après le vaccin COVID-19 Vaccine Janssen) 5 ou 6 mois après la précédente injection. Les seuls vaccins utilisés pour ces rappels en France sont les vaccins à ARN, Comirnaty et Spikevax, ce dernier n'étant pas recommandé avant l'âge de 30 ans car associé à un risque légèrement plus élevé de complication cardiaque chez les jeunes et adolescents. Des considérations de disponibilité des vaccins peuvent également intervenir et faire proposer un vaccin à ARN plutôt que l'autre.
Nombreux sont donc ceux auxquels s'applique un schéma de vaccination dit hétérologue, dont l'efficacité et la sécurité doivent bien-sûr être prises en considération. On disposait dès le mois de mai de données rassurantes mais encore préliminaires, semblant indiquer qu'un schéma associant Vaxzevria puis Comirnaty se révélait plus immunogène que le schéma homologue Vaxzevria/Vaxzevria. Les effets indésirables observés après la deuxième dose étaient plus fréquents et marqués dans le schéma hétérologue, mais ces effets étaient de même nature dans les deux schémas.
L'Agence européenne des médicaments (EMA) et le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC) viennent de communiquer les résultats d'une évaluation des nombreuses données à présent disponibles sur l'utilisation de schémas hétérologues, soit pour la primo-vaccination, soit pour la dose de rappel. Ces données sont abondantes concernant le schéma vaccin vectorisé (Vaxzevria ou COVID-19 Vaccine Janssen) suivi d'un vaccin à ARN. On observe une bonne réponse anticorps et une réponse cellulaire (lymphocytes T) plus robuste qu'avec un schéma homologue, que ce soit en primo-vaccination ou après un rappel. Les cas où les vaccins vectorisés sont utilisés en deuxième ou troisième dose mais aussi ceux où les vaccins à ARN sont mixés sont encore peu étudiés. Pour l'EMA, les études sur la sécurité à long terme et l'efficacité de ces schémas doivent donc se poursuivre, mais ils favorisent une flexibilité dans l'utilisation des vaccins qui doit permettre de couvrir au plus vite les besoins des populations.
Plusieurs arguments en faveur du recours à des schémas hétérologues sont avancés, que ce soit pour la primo-vaccination ou pour les rappels.
Pour la primo-vaccination :
- Les données actuellement disponibles indiquent une bonne tolérance et une immunogénicité accrue du schéma hétérologue vaccin à vecteur/vaccin à ARN.
- Les réactions à une vaccination hétérologue de ce type semblent plus fréquentes et marquées, mais elles restent dans la norme (douleur au point d'injection, fièvre, céphalées, fatigue) et il n'y a pas eu jusqu'ici d'effet nouveau décelé.
- Le schéma hétérologue est constamment plus immunogène, qu'il soit comparé à un schéma homologue vaccin à vecteur/vaccin à vecteur ou même dans certains cas à un schéma vaccin à ARN/vaccin à ARN.
- L'immunogénicité accrue se traduit par une protection contre l'infection augmentée dans les études en vie réelle.
- Selon des observations de plus en plus nombreuses, le schéma hétérologue améliorerait l'étendue de la réponse immune humorale et cellulaire, la rendant plus efficace contre les variants viraux.
- Administrer une dose de vaccin à ARN aux personnes ayant reçu une première dose de vaccin vecteur serait donc plutôt bénéfique. Selon les quelques données disponibles, la séquence inverse (vaccin à ARN/vaccin à vecteur) serait moins performante mais peut être envisagée en cas de manque de vaccin. On manque également de données sur les effets d'une primo-vaccination mixant les deux vaccins à ARN, et particulièrement sur l'éventualité d'un risque accru de myocardite. A ce jour, rien ne s'oppose toutefois à une telle vaccination, si elle est rendue nécessaire par la disponibilité des vaccins.
- La protection après une primo-vaccination hétérologue n'apparait pas plus durable qu'après une vaccination homologue, et l'injection d'un rappel après 5 ou 6 mois reste justifiée.
Pour les rappels :
- Dans les études réalisées, un rappel hétérologue se montre aussi ou plus immunogène qu'un rappel effectué avec le vaccin utilisé en primo-vaccination. La séquence la plus efficace est vaccin à vecteur/vaccin à ARN. Les profils de sécurité des deux schémas (homologue ou hétérologue) sont comparables ;
- Une stratégie de rappel hétérologue peut donc être utilement proposée lorsqu'il s'agit de renforcer la protection conférée par certains vaccins, ou de s'adapter à des difficultés de disponibilité ou d'acceptabilité de ces vaccins. D'après certaines observations, ce rappel pourrait être effectué efficacement et en sécurité dès 3 mois après la primo-vaccination si un calendrier d'immunisation raccourci s'avérait indiqué. La surveillance des effets indésirables rares, tels que les effets cardiaques, doit toutefois se poursuivre ;
- Les effets d'un schéma hétérologue sur la protection contre l'infection sont encore peu documentés, mais de premiers résultats indiquent une protection améliorée contre le variant Delta par un rappel hétérologue utilisant un vaccin à ARN ;
- On manque encore totalement de données concernant l'utilisation d'un rappel hétérologue chez les personnes immunodéprimées.
L'EMA et l'ECDC s'engagent à publier une revue détaillée de la littérature sur laquelle est fondé leur avis dans un proche avenir. On peut toutefois déjà citer l'étude de R.L. Atmar, K.E. Lyke et coll. pré-publiée le 15 octobre et encore en attente de publication. Réalisée sur dix sites de vaccination aux Etats-Unis, elle a inclus 458 participants et évalué neuf combinaisons de primo-vaccination/rappel, homologues et hétérologues, utilisant les trois vaccins en usage dans le pays (COVID-19 Vaccine Janssen, Spikevax de Moderna et Comirnaty de BioNTech-Pfizer). Elle a mis en évidence une bonne tolérance de la dose de rappel, quelle qu'elle ait été, et une augmentation significative des titres d'anticorps neutralisants avec tous les schémas, mais plus marquée avec les schémas hétérologues (titre multiplié par 6,2 à 76 avec un schéma hétérologue, contre 4,2 à 20 en cas de rappel homologue).
On le voit, il reste à confirmer beaucoup des constatations effectuées et les études de suivi engagées dans de nombreux pays ont besoin de temps pour y parvenir. Nos autorités de santé sont engagées dans une course contre une épidémie qui rebondit et qui peut encore nous réserver de mauvaises surprises. Protéger contre les formes graves et limiter la circulation et les possibilités d'évolution du virus sont des objectifs qui ne peuvent attendre et qui appellent des décisions sans retard. L'EMA rend un avis important pour la campagne de rappel initiée dans plusieurs pays européens, tout en rappelant que l'extension de la couverture vaccinale à toute la population adulte est une priorité et que les mesures barrières restent un pilier de la réponse contre l'épidémie.
Le sort des pays où la disponibilité des vaccins reste encore insuffisante ne devrait pas être oublié.
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